Hadra Trance Festival : “notre rêve, ce serait d’être maire d’une commune et d’y faire ce qu’on veut”

Écrit par Lucas Javelle
Photo de couverture : ©Ephem'R
Le 01.09.2017, à 15h26
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Écrit par Lucas Javelle
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Le Hadra Trance Festival n’a pas toujours eu la vie facile. Voire jamais. Forcé de changer de site plusieurs fois, de monter plusieurs éditions avec des budgets réduits… Rien n’empêche pourtant cette association de passionnés de partager leur goût pour la trance et la fête avec des milliers de personnes chaque année. Du 7 au 10 septembre, pour la prochaine édition du festival à Vieure, en Auvergne, on se retrouvera une fois de plus « en famille ».

Le Hadra, c’est d’abord une association fondée en 2001. Une organisation qui voit le jour après le passage de quatre compères dans un festival trance en Zambie. Revenus de ce voyage cosmique, ils décident de créer ce mouvement pour redonner sa place à la trance en France, qu’ils estiment absente et délaissée au profit du hardcore ou de la techno dans les soirées depuis la fin des années 90. Suivront dans la foulée une école de DJ appelée « TranceMission », le label Hadra Records, et une première édition du Hadra Trance Festival en 2005, à Chorges dans les Hautes-Alpes. Réussite après réussite, et ce malgré les multiples contraintes administratives et financières, le Hadra passe de 5 000 à 15 000 participants entre 2010 et 2015. À l’occasion du dixième anniversaire du festival, Trax est allé à la rencontre de Benoît Allirol, directeur du Hadra Trance Festival.

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On doit faire avec la législation. C’est super compliqué, parce que c’est de plus en plus restrictif et qu’on nous met de plus en plus de bâtons dans les roues…

Pourquoi avoir changé de site l’an passé ?

On n’a pas eu le choix. Le festival a perduré pendant cinq ans d’affilée à Lans-en-Vercors ; on était très bien là-haut. Puis les élections municipales sont passées par là. Le nouveau maire ─ élu en 2014 ─, qui avait de toute façon en tête de faire table rase des projets développés et soutenus par l’ancien maire, a fait le choix de ne pas reconduire le festival après sa première année de mandat. Dès 2015, le Hadra devait déménager. C’est pour ça qu’il n’y a pas eu d’édition cette année-là, et qu’on a cherché un nouveau site pendant deux ans.

Récemment, avec tous les festivals annulés et les mesures restrictives de l’État, ça devient difficile d’organiser un évènement de cette ampleur… Est-ce que vous avez eu des complications vis-à-vis de cela cette année ?

Plus ou moins. Il y a forcément des mesures qui sont élargies à l’ensemble des préfectures de France ─ par rapport à l’État d’urgence. Il y a pas mal de festivals qui ont été organisés cette année ou l’an dernier et qui l’ont un peu joué pirate. Ils ont eu l’accord du propriétaire, peut-être même celui de la mairie. Mais pas celui de la préfecture. Il y a un certain nombre de points à valider avant de pouvoir lancer sa communication. Je ne crois pas que tout le monde soit passé par ces cases-là, et certains se sont retrouvés le bec dans l’eau une fois qu’on leur a refusé la chose. On doit faire avec la législation. C’est super compliqué, parce que c’est de plus en plus restrictif et qu’on nous met de plus en plus de bâtons dans les roues, et il faut montrer patte blanche pour prouver qu’on monte un festival en bonne et due forme. On fait attention à tous les points importants : sécurité, santé, respect de l’environnement… Et on est autosuffisants, ce qui est un avantage considérable.

Nous, qui avons presque toujours été autofinancés à 100%, on serait heureux aujourd’hui d’avoir d’avantage de soutien de la part de la société civile ou des collectivités territoriales…

Justement, comment en êtes-vous arrivés à cette autosuffisance ?

C’est pas tellement qu’on y est arrivés, mais surtout qu’on n’a pas eu le choix. On a toujours dû fonctionner comme ça. Certaines années, on était sur du 93/94 % d’autofinancement, parce qu’on avait le soutien de la région Rhône-Alpes, le soutien du département voire de la ville de Grenoble, même si le festival était à l’extérieur. D’année en année, les dotations de l’État ont baissé. Et en changeant l’année dernière de département, on a de toute façon perdu une partie de ce qu’on avait en étant en Isère. On a moins de 1 % de financement extérieur sur un budget de quasiment 900 000 €. C’est à double tranchant : on est indépendants sur notre budget, mais si on a une baisse de fréquentation, on se retrouve dans une situation qui peut mettre en danger toute l’association. C’est vrai qu’il y a beaucoup de gens qui prônent l’autosuffisance et qui veulent y arriver pour se détacher des financements. Nous, qui l’avons presque toujours été à 100 % (chaque année l’autofinancement du Hadra varie entre 93% et 97%, ndlr), on serait heureux aujourd’hui d’avoir d’avantage de soutien de la part de la société civile ou des collectivités territoriales pour accompagner l’organisation du festival. Aujourd’hui, ça doit représenter un peu plus de 13 000 euros de budget. Quasiment rien.

Cela ne vous empêche pas d’être l’un des festivals référence de trance, en France et à l’international.

C’est plus vrai au niveau national qu’à l’international, parce qu’il y a des festivals en Europe qui attirent un public avec une grande part de touristes, alors qu’en France 90 % de notre public vient d’ici. C’est un phénomène qu’on constate aussi beaucoup en Suisse, en Allemagne ou en Angleterre. Alors que le Boom, au Portugal, va drainer 160 nationalités, et le Ozora, en Hongrie, va rassembler un public mondial. Hadra, en elle-même, a un rôle à jouer car elle représente la trance en France. Et serait aussi à regrouper la vente de tickets pour des festivals du monde entier. Il y a donc énormément d’étrangers qui viennent sur le site pour en acheter. Notre label a également beaucoup d’artistes qui viennent des quatre coins du globe. Toutes ces petites choses-là font qu’on a quand même un rôle à jouer sur la scène internationale.

Est-ce qu’il y a une volonté de montrer l’exemple de la « vraie » ambiance d’un festival trance ?

Je ne crois pas qu’on veuille être un exemple. Nous, on a fait le choix de faire des soirées et des évènements légaux qui focalisent sur la trance et cet esprit-là, mais on n’a aucun problème avec la culture club ou la culture free party. Ce n’est juste pas la nôtre. C’est comme ça qu’à la fin des années 90, les fans de trance ne se sont retrouvés ni dans l’un, ni dans l’autre. Nous, on est sur des valeurs de festival trance bien précises. Notre événement prend vraiment toute son ampleur dans la nature, mais dans un cadre défini, avec plein de déco, une diversité culturelle énorme ─ pas seulement de la musique mais aussi des ateliers, du yoga, des conférences. Tout ce qui va avec la culture trance.

Je pense que les gens ont un peu tendance à oublier au fil des années qu’on fait tout ça pour que le projet perdure, et non par souci financier.

Vivre en autarcie, ne pas fournir de nourriture, d’eau ni aucune forme de confort à votre public comme le Burning Man, c’est un concept qui vous tenterait ?

Je pense que la figure de Burning Man a pas mal changé. C’était très underground il y a 15 ans, et ça l’est beaucoup moins aujourd’hui ; même si le délire est toujours bien présent. Ça reste un repère de stars et d’argent. On apprécie particulièrement le projet, mais on n’ira pas jusque-là. Nous, on se rapprocherait peut-être beaucoup plus du festival Eclipse, dans lequel l’organisation américaine Symbiosis Gathering tient une grande place. Hadra en a fait partie, parmi treize festivals-organisateurs engagés dans ce consortium pour la promotion de l’Eclipse. On se retrouve davantage dans ce projet, cet évènement cosmique, avec une programmation énorme, des scènes somptueuses… que dans le Burning Man.

Est-ce qu’il y a un ingrédient secret à la recette d’un bon festival ?

C’est compliqué… Je dirais que l’ensemble des personnes, salariées ou bénévoles, avec lesquelles on travaille fait ça par passion. Donc elles vont donner de leur temps et de leur énergie non-stop pour que le festival soit une belle fête et un beau rassemblement entre tous. Je pense que les gens ont un peu tendance à oublier au fil des années qu’on fait tout ça pour que le projet perdure, et non par souci financier. Pour nous, un succès de festival c’est : que l’association ne soit pas en danger, voire qu’on ait même du bénéfice qui nous permette de développer d’autres projets (édition suivante, label…), et que le festival soit réussi, que la mise en œuvre de notre passion fonctionne et qu’on arrive à faire quelque chose de beau. Après il y a toujours les petits ingrédients bien connus : le beau temps, la baignade, quand c’est possible ─ ce qui ne sera malheureusement pas le cas cette année au plan d’eau de Vieure…

Ça serait quoi le rêve le plus fou de l’Hadra ?

Ça, c’est une sacrée question… Je pense que ce serait d’avoir un site pérenne, où l’on sait qu’on est là pour un certain nombre d’années, et qu’on ne va pas devoir renouveler annuellement notre convention pour la bonne tenue du festival. Et donc ne pas se sentir en danger. C’est aussi avoir un site à nous que l’on peut améliorer d’année en année ; faire perdurer des structures en dur d’une édition sur l’autre par exemple, comme une identité visuelle bien plus marquée. Plus on peut faire du permanent et du durable, plus on peut faire des choses magnifiques, accueillantes. Et ça réduit le budget, qu’on doit revoir aussi chaque année. Donc le rêve, ce serait d’être maire, voire préfet, de notre commune ou de notre propre département, avec un terrain qui nous appartienne et dans lequel on peut faire un petit peu ce qu’on veut !

Trax vous invite à vous rendre sur le site du Hadra Trance Festival pour tout renseignement et information pratique sur l’événement, qui se tiendra du 7 au 10 septembre à Vieure, dans l’Allier.

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