H JeuneCrack : rappeur prodige “presque inconnu mais déjà presque iconique”

Écrit par Trax Magazine
Le 06.02.2023, à 11h01
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On a suivi le jeune rappeur dans les coulisses de la Maroquinerie, lors de deux concerts qui ont sonné comme l’avènement du musicien. L’occasion de le rencontrer en compagnie de ses proches, et d’en savoir un peu plus sur lui.

Par Xavier Ridel

Il aura fallu un peu de forcing pour approcher H JeuneCrack. Refusant a priori de donner des interviews, rare sur les réseaux sociaux, le rappeur et son entourage nous auront donné du fil à retordre. Et a posteriori, on peut les comprendre, puisque comme nous l’affirme Esone – le DJ du rappeur, « H est un peu dans sa bulle et, surtout, il dit tout ce qu’il a à dire dans sa musique. À mon sens, ce ne serait pas nécessaire pour lui d’en dévoiler davantage sur son vécu. »

H JeuneCrack en loges © sknkii

27 janvier, 20h : nous voilà pourtant dans les loges d‘une Maroquinerie blindée et chauffée à blanc. Alors que les spectateurs scandent son surnom, H JeuneCrack et ses potes se taillent. « Hé H, avant que tu commences à méditer, tu l’as acheté où ton pantalon ? Il fait un bruit chelou quand tu marches. » Les vannes fusent, le jeune rappeur esquisse quelques étirements face à son miroir, puis se marre. On imagine sans trop de mal le collégien que nous décrit Esone : « On était au collège à Albi, près de Toulouse. Il était au niveau supérieur parce qu’il avait sauté une classe mais je jouais parfois au ping pong avec lui. C’était déjà un petit prouveur : il faisait un peu le mec parce quil était chaud (rires) »

S’il n’est jamais bien loin de l’égo-trip – mais de manière assez ironique (« VraiCrack », « Mr. Le Prouveur »), voire mélancolique (la superbe chanson « Le Joueur le Plus Précieux »), le musicien paraît surtout porté sur deux choses : rigoler avec ses potes et continuer à livrer des chansons aussi honnêtes et sincères que possible. Une fois l’adrénaline un peu redescendue, au lendemain de son premier live, il confirme : « C’est important de rester soi-même, oui. Dans mes sons, je raconte ma vie. Mais si tu fais un truc et que tu ne te sens pas bien en le faisant, les gens vont le sentir. C’est super important de s’amuser, c’est comme ça que les gens vont s’amuser aussi. Quand je vois des gens crier une phrase que j’aime bien en concert, je sens qu’ils ont capté ce que je veux faire passer. C’est cool, j’ai l’impression d’être compris. Mais j’essaie de ne pas trop prendre tout ça pour moi. C’est dangereux pour l’égo »

Des punchlines imparables

Il faut dire que les choses sont enchainées en un laps de temps très court. En mars 2021, H sort Premier Cycle depuis sa chambre, dans un anonymat quasi-total. Après quelques autres projets, l’album Troisième Cycle assoit en octobre 2022 sa notoriété naissante. Il est adoubé par des rappeurs comme Alpha Wann, cité ça et là comme l’un des plus grands espoirs de la nouvelle scène, et fait salle comble en moins de 24h. 

H JeuneCrack sur la scène de la Maroquinerie à Paris © Argenteurs

En cause : des productions hyper originales et des punchlines imparables, nuancées, souvent profondes en dépit d’une légèreté de façade. C’est d’ailleurs son écriture qui marque aux premiers abords, et la facilité déconcertante avec laquelle le rappeur semble capable d’aligner les punchlines. Comme le démontre sa manière d’improviser pendant ses concerts, à partir de trois mots choisis par le public : « Depuis le début, j’ai toujours fait de l’impro, je voulais être prêt au cas où une prod passait, histoire de prouver que je savais rapper (rires). C’est comme un muscle, ça demande juste un peu d’entrainement. Je fais ça en marchant dans la rue ou je prends trois mots au hasard sur internet, puis je me force de temps en temps à improviser 15/20 minutes par jour en mettant des prods, parfois des typebeats HJeunecrack (sourire) ».

Par-delà les styles

Parfois difficile à cerner aux premiers abords, la musique du jeune rappeur s’avère à la longue aussi touchante qu’addictive. Ses potes Esone et Sknny explicitent : « Sa grande force réside peut-être dans le fait qu’il fait tout tout seul, des prods à l’enregistrement en passant par le mix. Il a toujours été comme ça, à aimer tout faire de manière assez solitaire. Aussi, il est hyper cultivé, connait énormément de choses et réussit à garder les pieds sur terre, à rester lui-même dans sa musique. »

De par ses projets comme de par ses lives, c’est exactement l’impression qui en ressort. Aussi loin de l’auto-apitoiement que d’un certaine d’optimisme factice, le musicien livre des chansons aux multiples facettes. Sous ses punchlines, les prods naviguent entre trap nocturne, textures caverneuses, électro solaire, envolées jazz ; et un bon nombre de combinaisons noms communs – adjectifs épithètes qu’un bon journaliste se doit de trouver. Tranquillement assis en face de nous, H JeuneCrack donne raison à notre casse-tête en remettant sa casquette sur le côté : « Tu vois, je déteste faire deux fois la même chose : si je fais un son énervé, je sais que le son d’après ne le sera pas. Mes morceaux sont assez éclectiques en terme de productions, donc ça se ressent sur scène. Dans ma tête, tu peux rapper sur n’importe quoi et c’est d’ailleurs ça qui est cool. Tu peux taper sur une table et rapper dessus, être avec un band de jazz et rapper dessus… Je n’essaie pas de prouver quoi que ce soit en fait, j’aime bien rapper sur tout. »

On commence à connaitre l’histoire, mais à l’instar de toute cette nouvelle scène (Winnterzuko, abel31, Realo…) qui est en train d’éclore et de faire de plus en plus parler d’elle, la musique du rappeur paraît inclassable, irriguée de multiples influences. Passant par tous les styles, dérivant au gré de ses émotions, elle n’a de strictement organique que sa personnalité, sa sensibilité. Ce qui est déjà beaucoup.

La trinité talent, travail et entourage

Sous ses abords détendus et ses facilités indéniables, H JeuneCrack tire aussi sa force du travail. En dehors de ses projets, qu’il façonne donc entièrement seul (à l’exception de quelques morceaux co-produits), le jeune garçon fait aussi de nombreuses apparitions ; comme par exemple au mix et au mastering de l’excellent projet uu Symphonie, de Nyluu. Sur scène, la progression est aussi flagrante. On lui évoque son succès à la Maroquinerie, et il déclare d’emblée : « On a tellement travaillé quon peut se lâcher. Tout le travail paye, ça sort tout seul. Comme j’enregistre dans ma chambre, j’ai l’habitude d’avoir un temps illimité pour enregistrer. J’enregistre parfois mes parties phrase par phrase, il n’y a pas forcément ce truc technique de caler ses respirations, de tenir un rythme, une intensité. La scène est un vrai boulot et je sens que je le maitrise de plus en plus. C’est hyper agréable d’avoir bossé comme ça. Ça offre une certaine forme de liberté. »

H JeuneCrack sur scène © sknkii

À l’inverse de beaucoup d’autres rappeurs, les loges du concert de H JeuneCrack paraissent assez calmes. Ses potes d’enfance, son manager, les invités du concert : le jeune musicien choisit son entourage avec beaucoup de soin. C’est d’ailleurs une chose qui transparait dans ses chansons, dans lesquelles il aborde souvent aussi bien la méfiance que l’amitié. À propos de Beamer, avec lequel il a collaboré sur l’excellent EP Mauvaise Musique, le rappeur affirme ainsi : « Quand j’ai sorti 2ème cycle, j’habitais à Toulouse. J’écoutais déjà ce que faisait Beamer, et il m’a envoyé un message en me disant qu’il avait bien aimé le projet. On a profité d’une fois où je montais à Paris pour se capter, il ma dit de venir au studio de NAVA et j’ai rencontré Arman, abel31, plein de monde. Tout ça est parti de Beamer. En fait, cest un humain qui ne fait pas de calculs, il kiffe le truc et il envoie simplement de la force. Ce sont des gens comme ça avec lesquels j’ai envie d’avancer. Surtout maintenant que je vois les différents types de personnes qu’il peut y avoir dans l’industrie. »

Bien entourée, auréolée de succès scéniques et discographique, la route d’H JeuneCrack semble désormais toute tracée. En guise de conclusion, on finit par lui demander s’il a bien annoncé un nouvel album pendant son live. Le garçon se marre : « J’ai dit « Premier cycle, deuxième cycle troisième cycle, rendez-vous dans trois mois pour la suite ». Mais la suite ça peut être un freestyle pour Trax (rires). Du coup voilà : rendez-vous dans trois mois pour la suite, et j’en dis pas plus. T’as vu comment j’ai bien joué le mystère ! » On se retrouve pour le freestyle.

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