Gaiser : le protégé de Richie Hawtin à Detroit devenu star du live techno

Écrit par Riwan Marhic
Le 27.11.2017, à 15h30
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Écrit par Riwan Marhic
Jon Gaiser a commencé la batterie à quatre ans. On pourrait presque dire qu’il a passé sa vie à jouer des percussions. Aujourd’hui, il s’exprime à l’aide d’une techno sombre et rythmée, souvent qualifiée de minimale. Ancien membre d’un groupe de punk, l’adolescent des années 1990 passait son temps à traîner dans un magasin de disques réputé de Detroit. C’est là qu’il rencontrera son ami Richie Hawtin, qui le lancera carrière sur son label Minus et publiera ses trois albums dont le dernier, III, est sorti en avril dernier. Avant sa date au Zigzag le 8 décembre, Gaiser revient pour Trax sur les origines de sa carrière.

Salut Gaiser, il paraît que tu ne joues qu’en live. Tu n’as jamais pensé à mixer ?

Pas vraiment, c’est le fait d’être batteur qui m’a conduit à ne jouer qu’en live. J’ai commencé la batterie à 4 ans, j’adorais taper de toutes mes forces sur un truc qui faisait autant de bruit ! J’ai grandi en étudiant la musique classique et les percussions mélodiques. Ça m’a carrément aidé à produire de la musique. C’est le même langage avec un séquenceur. Et puis il y a tellement de DJs maintenant, tout le monde se bat pour jouer le prochain tube, et à la fin tout le monde joue la même track jusqu’à ecœurement. Comment faire quelque chose de nouveau ? Si tu veux donner quelque chose de frais à ton public, tu dois le faire toi-même. Je n’arrêterais jamais de produire pour me mettre au DJing, autant prendre ma retraite et partir à la montagne. Je ne sais pas ce que je ferais de mon temps sans mon studio, c’est presque là ou j’habite.

Dans les années 2000, la mode était à la minimale, aujourd’hui elle est à la techno. Comment as-tu vécu cette transition ?

C’est une question piégeuse, je crois que les gens n’interprètent pas bien le mot “minimale”. La production minimale est un concept qui n’est ni récent, ni spécifiques à un genre musical. Il s’agit d’utiliser uniquement les éléments nécessaire et se débarasser de tout le superflu qui rendrait l’idée moins claire. D’aller droit au but. Mais le terme “minimale” est un peu devenu un gros mot. Les gens se disent “ah oui cette musique répétitive avec des click clock et deux noix de coco dans une machine à laver”. C’est toujours un peu la même chose, ça ne progresse pas. Je ne m’associe plus à ce style personnellement. Je pense que mes méthodes de production sont minimales, mais pas ma musique.

Tu as découvert la musique électronique devant un set de Richie Hawtin à ses débuts. Tu nous racontes ?

C’était vers 1993, j’avais 14 ou 15 ans, à Detroit, probablement dans un hangar, avant que Rich’ soit ce “mega-DJ-superstar” ! A l’époque, je passais tous mes week-ends à Detroit. J’étais un punk à crête et au début des années 1990, le punk et la techno n’allaient pas bien ensemble. Eux, c’était les raveurs colorés avec des battonnets lumineux fluos. Je me disais qu’on était complètement opposés, avec nos cuirs noirs, nos pics et nos chaussures de combat. J’étais dans un groupe et on commençait à avoir du succès mais on avait beaucoup de mal à avancer parce qu’on passait notre temps à se disputer et à débattre au lieu de faire des morceaux, que j’aurais pu écrire tout seul d’ailleurs. Quand j’ai vu le show de Richie, ça m’a ouvert les yeux. Je me suis dit “OK, la techno peut être quelque chose de cool et de différent de tout ce que j’ai entendu avant. Il n’y a pas besoin des classiques batterie-basse-guitare-chanteur, les possibilités sont infinies”.

C’est là que tu es devenu ami avec Richie Hawtin ?

Non, c’est venu quelques années plus tard. Mon frère travaillait à Record Time, c’était LE disquaire de Detroit en ce qui concerne la techno. C’était l’endroit où traînaient tous les producteurs et les gens intéressés par la musique électronique à Detroit. Je passais mon temps là-bas, et j’écoutais toutes les nouvelles sorties car c’est mon frère qui commandait les vinyles. J’avais aussi quelques machines et je commençais à produire un peu. Et dans le fond de la pièce se trouvaient les bureaux de Plus 8, le premier label de Richie. A force, j’ai rencontré les membres du label et j’ai commencé à les aider pour organiser des événements. Je vendais des tickets ou je les aidais à couvrir tous les murs des endroits où il jouaient avec du plastique noir pour les rendre méconnaissables, un vrai bordel. Et puis un jour, je passais ma musique dans le magasin, et un des gars de Plus 8 me demande ce que je compte en faire. Je lui dit “Pas grand-chose, je fais ça pour m’amuser” et Rich’ me fait genre : “Ouais on devrait publier ton son sur Plus 8 ou Minus”. C’était au tout début de Minus. Je ne leur ai jamais envoyé une démo, j’étais juste au bon endroit au bon moment avec les bons amis.

Comme Richie Hawtin, tu collectionnes les machines. C’est lui qui t’a transmis cette passion ?

Non, j’ai toujours été un geek des machines. Avant la musique électronique, je collectionnais le matériel pour ma batterie, j’économisais chaque centime pour m’acheter la dernière caisse claire ou la dernière cymbale. Passer à l’électronique m’a coûté plus cher, j’ai dû cumuler les petits jobs, même si c’était assez facile à Detroit dans les années 1990. Tu pouvais trouver une TR-808 pour 300$ et une TR-909 pour 400 ou 500$. C’était avant que tout cela n’explose. Je me suis mis à collectionner tout ce qui pouvait ressembler de près ou de loin à un sampler de percussions. Quand j’étais au lycée, j’avais une petite boîte à rythmes qui fonctionnait avec une batterie. Je la mettais dans mon sac et à midi je mangeais tout seul avec ma machine et mes écouteurs, en train d’essayer de refaire les rythmes de RUN DMC, “tac-tacatac-tac”, et je me disais “Oh c’est comme ça qu’ils ont fait !”  Aujourd’hui j’ai des centaines de machines, il y en a partout chez moi !

Comment te sers-tu de toutes ces machines pour construire un morceau ?

Je commence toujours par le sound design, en tripotant les instruments qui m’inspirent à ce moment précis. Quand j’entends quelque chose qui a assez de caractère pour être une base crédible, je l’enregistre puis je commence à construire d’autres parties du morceau et à les rajouter par-dessus. Si le point de départ est assez bon, le reste vient tout seul autour. J’essaie aussi un peu d’écrire une histoire. Beaucoup de gens ne s’intéressent plus aux albums car ils n’ont plus la patience ou la capacité d’attention nécessaire pour écouter dix morceaux à la suite. Ils téléchargent l’album, ils choisissent leurs morceaux préférés et ne jettent pas un second coup d’œil au reste. La dynamique de l’album est perdue. C’est pourquoi j’ai écrit III différemment, en m’inspirant de la façon dont les gens regardent les séries. Il y a neuf morceaux qui forment trois chapitres de trois morceaux chacun. D’où le nom de l’album d’ailleurs, en plus du fait que ce soit mon troisième. Je comptais aussi le publier trois titres à la fois. J’ai voulu captiver l’attention de l’auditeur au maximum, c’est aussi pour ça qu’il n’y a pas la “typique introduction lente de début d’album blablabla”…

Tu seras à Paris au Zig Zag Club le 8 décembre. A quoi doit s’attendre le public ?

Il doit s’attendre non seulement à entendre mon dernier album mais aussi beaucoup de nouveaux trucs que je n’ai pas publiés. Je ne m’arrête jamais de produire et j’essaie tout le temps des morceaux fraîchement composés. Ce sera aussi un show visuel, avec mon ami Ahmed Said Kaplan qui m’accompagne toujours en concert depuis cinq ans. Il générera en temps réel des visuels qui interagissent avec la musique. Il n’y a rien de préprogrammé, il crée le visuel sur scène. C’est un dingue des nouvelles technologies, il parle même d’intégrer un hologramme pour donner l’impression qu’un double sort de mon corps en dansant pendant que je joue ! On travaille avec des déclencheurs, je lui envoie un signal MIDI et ça déclenche de nouvelles “créatures” comme on les appelle. Ce n’est jamais deux fois la même chose. Il sait aussi comment je joue, donc il peut lire mon langage corporel pour prévoir mes changements ou mes ajustements.

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