Mouvement psychédélique musical et graphique, la trance goa est apparue à la fin des années 80 en Inde, avant de rapidement s’exporter la décennie suivante en Israël et en Europe, notamment en France, au Royaume-Uni et en Allemagne. Fort d’une identité électronique en devenir, ce style musical n’a pas eu de mal à s’implanter comme une référence dans les raves légales en pleine prolifération à cette époque. Riche en triple basses et en leads bien acidulés, la trance goa est accompagnée d’une identité graphique et visuelle affirmée. Celle-ci se retrouve notamment dans la scénographie des événements, le style vestimentaire des ravers, ou encore sur les nombreux flyers annonçant les soirées.
Un graphisme coloré et hypnotique
Au delà de s’intéresser aux vinyles, le disquaire parisien Dizonord situé dans le 18e arrondissement de Paris est également un fin collectionneur de flyers, autocollants et toutes autres publications liées aux musiques électroniques. Se plaçant dans une position d’archiviste, Vincent Privat, fondateur de Dizonord, explique « s’intéresser au lien entre les arts graphiques et visuels avec la musique en général », avec un gros penchant pour l’électronique. « La boutique dispose d’un des plus gros fonds d’archive de flyers au monde. Nous en possédons entre 15 000 et 18 000, dont 80% sont français. Le reste provient de Russie, du Japon, d’Amérique et de toute l’Europe… », détaille-t-il.
Pour certains ce sont vraiment des œuvres d’art.
Vincent Privat, fondateur de Dizonord
Le fanzine intitulé TRANCE/GOA FLYERS (FRANCE), 1992-2000 est issu d’une fine collaboration du disquaire avec Masala Noir, un éditeur parisien qui s’intéresse aux curiosités graphiques et ami du shop. Parmi les 1500 exemplaires du catalogue trance en sa possession, Dizonord a réalisé une sélection coup de cœur de 200 visuels. « On a voulu commencer par les flyers trance goa, car il y a un fort côté hypnotique, mais aussi un travail des couleurs et de technique d’impression très intéressant », note Vincent. « Pour certains ce sont vraiment des œuvres d’art ». Les 80 pages du fascicule regroupent ainsi bon nombre de soirées et raves ayant eu lieu en France à l’orée du 21e siècle, entre 1992 et 2000.
Une histoire de collectionneurs
Si l’équipe de Dizonord n’a pu participer à ce mouvement précurseur en matière de musique électronique, « c’est avec un regard a posteriori et d’un point de vue historique que ce livre a été réalisé », rapporte Vincent. D’où vient alors cette multitude de flyers ? C’est essentiellement grâce à la collection de DJ Benua, patron du label Rythmix et des célèbres compilations Trip Do Brasil, que le projet a pu voir le jour. « Il fait beaucoup de fêtes électroniques à cette époque et il a eu l’excellente idée de conserver tout ce qu’il a pu autour de cette scène. C’était un visionnaire dans ce sens, en se disant que ça aura un intérêt plus tard », s’enthousiasme le collectionneur.
Au début je ne les gardais pas pour les collectionner, mais pour obtenir les infos sur les soirées qui n’étaient disponibles que sur les flyers.
DJ Benua, fondateur du label Rythmix
De son côté DJ Benua avoue ne pas spécialement y avoir pensé sur le moment. « Au début des années 90 lorsque j’ai pris la claque des raves dans la gueule, je ne les gardais pas pour les collectionner, mais pour obtenir les infos sur les soirées qui n’étaient disponibles que sur les flyers », se remémore le DJ. « Je les récupérais dans les magasins de disques, dans les boutiques, ou par certains potes qui connaissaient des orga. J’ai alors commencé à les garder en souvenir des soirées auxquelles j’avais participé, mais aussi pour le côté graphique de l’objet », affirme-t-il.

édité par Dizonord et Masala Noir
D’autres projets en prévision
Cette sélection de flyers orientés sur le graphisme psychédélique de la trance goa comprend surtout des raves légales. « En revanche, on prépare un volume plus précis sur le mouvement free party. Entre temps, le prochain fanzine sera sur les premières rave parties parisiennes… », annonce en exclusivité le fondateur de Dizonord. Dans ce disquaire de la zone nord de la capitale, bien implanté dans la vie sociale de son quartier, le travail d’archivage continue avec les affiches actuelles. Le shop de vinyles a déjà édité deux fanzines de photographies de soirées : « le premier de Wendy Keriven et le second de Olivier Degorce, qui est dédié à une rave qui a lieu en 1993 dans un aqualand », décrit Vincent. Dernièrement, Dizonord a également réédité le chouette livre Ex-tracts de la graphiste Julian Van Dorp, répertoriant des flyers de raves underground anglaises des années 90.
Récemment, tout ce travail de longue haleine collecté par Dizonord « s’est concrétisé par une grosse exposition qui a eu lieu cet été à Marseille dans la galerie Bruit de fond », atteste Vincent. « On a montré près de 1500 flyers issus de notre collection. Cette exposition gratuite devrait bientôt être installée dans d’autres villes de France ». Avis aux amateurs et collectionneurs de flyers en tout genre, l’info est lâchée.