Par Jérémie Vaudaux
Arriver dans le dédale des docks. Entendre « C’est par où Ozora ? » Suivre la basse. Tracer son chemin. Ce soir, Ozora c’est à Paris, pas en Hongrie. Passer la fouille des sacs. Franchir les portes du Dock Eiffel. Se frotter les yeux, ne pas y croire. Il est 21 heures et Driss, du label Hadra, chauffe la salle à moitié pleine de sa trance tribale et énergique.
À l’intérieur du dock, changement de monde. Il suffit de lever la tête pour s’en apercevoir ; la surface du plafond est entièrement recouverte d’une canopée de LED – ou comment passer la soirée sous un ciel étoilé, en intérieur. Pour leur première soirée, l’équipe de Twisted Events a sorti l’artillerie lourde ; un système son L-ACOUSTICS, un dancefloor de 1 600 m², et 3 collectifs d’artistes pour le décorer.
Des structures de lycra, englobantes, flashy et organiques habillent les parois et le plafond. Elles sont signées Mad Studio, collectif français de scénographes qui s’est notamment illustré avec la décoration du Hadra Trance Festival ces dernières années. La touche old school, on la doit aux Anglais de Tribe of Frog. La première moitié du plafond de la salle est recouverte de papillons fluo, réminiscence des années hippies. Mais c’est avec Global Illumination que le dock change de dimension ; le collectif hongrois s’est chargé du mapping de la scène, en reprenant le thème déjà proposé à Ozora en 2015. Des nuages d’hexagones, sur lesquels sont projetés des motifs géométriques et hypnotisant, ornent la cabine du DJ.
« Ça a été du boulot à gérer, pour que l’installation des décos se passe bien et que personne ne soit frustré. Mais on voulait que le résultat claque ! » explique Vinz, cofondateur de Twisted Events avec David alias Shotu. Ce dernier ajoute « Les équipes techniques, déco, son et light avaient l’habitude de bosser ensemble sur les évènements Hadra, donc au final, ça a coulé comme dans du beurre (si, si, comme dans du beurre). » Le résultat est à la hauteur de leurs attentes : le mariage des styles plonge les danseurs dans un univers psychédélique à souhait.
22 heures 30, et Driss salue une dernière fois la foule avant de laisser sa place à Wegha, du label hongrois Radiozora. Le DJ est un habitué des soirées Ozora « One Day in ». Il y a déjà posé ses sets à Amsterdam en 2014, Tokyo en 2015 et Londres en 2016. Les lasers balayent la salle, son set débute. Premiers sons, et pas de doute, l’intensité de la soirée monte d’un cran. BPM plus rapide, basse plus ronde et synthés magnétiques. La psytrance résonne. « Pas de prog, pas de dark, mais juste de la trance comme elle se faisait il y a quelques années déjà. On en entend de moins en moins à Paris, c’est dommage … Nous, on voulait de la psytrance en fait, tout simplement », explique Shotu, à l’origine de la programmation de la soirée.
À l’extérieur du dock, ça clope, ça discute, ça rigole. Assis ou debout, qu’importe ; le plus difficile étant de trouver quelques centimètres carrés pour poser ses fesses. « Quand tu vois le nom d’Ozora sur l’affiche, tu t’attends à boire du chai au chillout » blague Carmen. Pourtant, l’absence de chai et de chillout comme la fraicheur de la nuit parisienne n’entament pas l’ambiance, alors qu’un groupe entonne un sonore « joyeux anniversaire », bientôt repris par l’ensemble de la terrasse.
Dans le dock, minuit approche. La fin du set de Wegha également, qui laisse place à Justin Chaos, du label Zero One Music. Note pour plus tard : ne pas se fier à sa carrure de nounours et son petit sourire, car le Londonien n’est pas là pour rire. Sa psytrance évolutive, puissante et rythmée harponne les danseurs par le cerveau pour ne plus les lâcher. Explosif. « L’ambiance est tellement positive … Tout le monde est trop peace, y’a des sourires de partout » énumère Pierrick, euphorique. « Et puis tout ce qu’ont fait les orgas, ils l’ont bien fait. Bar bien géré, déco au top, et la programmation … De la vraie psy, ça change ! J’attends DJ Tristan, je ne l’ai encore jamais vu ! »
Tristan, tête d’affiche de la soirée, devra patienter encore un peu, puisque c’est Shotu, DJ du label Hadra, qui lui prépare le terrain ; 30 minutes de back to back avec Justin Chaos, puis le Grenoblois déroule son live. Parmi les tracks choisis, celles de son prochain EP Sound of UK, dont “RTT”, co-créé avec FilterHeads et « composée pendant mes RTT », blague l’intéressé. Dans son live en revanche pas de temps mort, pas de répit. La sieste, ce sera pour plus tard.
Shotu – Live @ OZORA One Day in ParisAu QG de Twisted Events, les basses résonnent, sourdes et lointaines. L’équipe respire après le rush du début de soirée. « Ça a été compliqué de ramener nos réseaux de bénévoles qui sont pour la plupart à Grenoble. On a dû faire tourner la machine à 15 bénévoles … », confesse Ben, régisseur général. Et d’ajouter, souriant « sans trop de galères ».
Une sonnerie de téléphone retentit. Vinz décroche, échange quelques mots en anglais, puis se tourne vers l’équipe : « Les gars, vous êtes prêts à voir Tarzan ? » blague-t-il. 2 minutes plus tard, une tignasse blonde, juchée à près d’1m90, se tient dans l’encadrement de la porte. Tristan vient de faire son entrée, tout sourire. Câlins pour tous, puis il se dirige vers les loges. Début du live dans quelques minutes.
De l’autre côté de la barrière, les 2 000 danseurs sont chauffés à blanc, alors que Shotu laisse sa place à Tristan. Cris, sifflements, le DJ de Nano Record est accueilli comme une idole. Dopé à l’énergie de la foule en délire, il multiplie les clins d’œil, les échanges de regards et d’énergie. La communion est totale, si bien qu’un danseur franchit la barrière qui le sépare de Tristan, grimpe sur scène et tape sur l’épaule de Tristan. Surpris, il le prend dans les bras. « J’ai pas trop réfléchi, j’avais simplement envie de le remercier pour sa musique et sa vibe. Un pote m’a fait la courte échelle et j’y suis allé. Je crois qu’il était aussi heureux que moi », raconte Vincent, exalté. La trance fullon de Tristan est vive, brûlante, violente. L’intensité est maximale.
Tristan – Live @ OZORA One Day in Paris
Pas facile de passer après le Britannique. Cette fois, c’est Braincell qui s’y colle. Le DJ du label Zero One Music est un habitué des clôtures d’évènements – le closing du Boom Festival 2016, c’est lui. Même recette que cet été, et encore une fois, ça fonctionne : une basse plus grasse, plus lente, plus ample et un poil plus dark. De quoi relâcher les muscles tendus et faire vriller les derniers neurones disponibles.
Déjà 6 heures du matin. Dans le dock Eiffel, la basse s’est tue, et les survivants de la soirée se séparent en petits groupes. Dehors, le silence sous le ciel sans étoile. Pour danser la psytrance sous les constellations, il faudra attendre Ozora, le vrai, là-bas, en Hongrie.