« Foufoune… » Perchée sur ses plateformes léopard, Mara tend son micro vers le public, le sourire malicieux et les dents étincelantes parsemées de strass dentaires. « Dans ta bouche ! », la foule chante en chœur, Mara rit et se déhanche, crop-top, mini-jupe en cuir et longue chevelure blonde au vent. Le titre “Foufoune”, devenu emblématique de la chanteuse et DJ suisse, illustre son univers à la perfection : rafraîchissant, drôle, dansant, cru, et au goût sucré pétillant du début des années 2000. Lorsqu’elle enchaîne sur la chanson suivante, fredonnant « I’m a bad bitch, j’aime boire, j’aime faire la fête », puis passe derrière les platines pour mixer des classiques reggaeton ou r&b avec un enthousiasme et une bonne humeur qui lui sont propres, le sourire ne quitte pas les lèvres du public. Mara a cette aura particulière qui donne subitement aux gens un super-pouvoir : celui de la confiance en soi.
La petite flamme
C’est en tant que DJ que Mara se lance initialement dans la musique alors qu’elle habite à Genève, sa ville natale, évoluant au travers d’influences dancehall, funk, house, garage, hip hop et R&B. Rapidement, elle voit les choses en grand et tente sa chance en France, où elle se fait un nom en mixant dans les soirées parisiennes et marseillaises et en rejoignant la radio Mouv’ pour une résidence hebdomadaire. Mais sa passion première, la chanson, ne reste pas longtemps de côté. Mara sort son premier EP L’Elixir en 2018, un projet de trois titres fruités, aux paroles douces et sensibles. L’artiste a alors d’autres morceaux en répertoire, des joyeux bangers aux titres évocateurs comme “Foufoune”, “Bon son, bon sexe” et “Point Cue”. Mais elle les garde en réserve : on lui dit qu’ils sont trop légers, pas assez bons, qu’il ne vaut mieux pas les sortir. Et longtemps, l’artiste, aujourd’hui si sûre d’elle, a eu tendance à laisser l’avis des autres l’impacter : « Je baissais vite les bras. Je me disais : non, si telle personne n’aime pas, bah je ne le fais pas. Ça a vraiment été un travail, je me laissais vite décourager. Au final, la petite flamme que j’ai en moi a pris le dessus. J’ai appris à m’exprimer, à me faire confiance et à être fière de moi. »
Mara finit par mettre ses morceaux en ligne, les « laisse mariner », et se rend à l’évidence que ce sont bien ces titres-là qui plaisent le plus au public lorsqu’elle les passe pendant ses DJ sets. « L’Elixir, c’est des chansons plus écrites, sensibles, c’est un exercice que je sais faire et ça me représente aussi, mais là où je rayonne le plus c’est sur des trucs joyeux, légers, faciles, turn up, c’est mon truc » explique-t-elle. En 2019, elle sort “Foufoune” qui rencontre un beau succès et est notamment remixé par King Doudou. Le titre explose deux ans plus tard sur Tik Tok, en même temps que “Point Cue” et son désormais mythique « Magali qu’est-ce que tu fais ? », repris des milliers de fois. « Comme quoi, il faut pas écouter les gens » conclut-elle. La DJ devient compositrice interprète et la petite flamme qu’elle a su écouter commence à faire des ravages.
I’m that betch
Face à un public demandeur en personnages féminins forts, drôles et affirmés, Mara est arrivée comme une fleur, assumant le rôle qu’elle-même avait cherché dans le paysage musical francophone pendant des années. Inspirée par le franc-parler d’artistes américaines comme Rihanna ou Khia et son très explicite “My Neck, My Back“, mais aussi par la culture musicale latino dont le caractère sexuel est parfois très affirmé, Mara se créé un univers musical décomplexé où la parole libérée et la légèreté sont reines. « Quand on écoute “Papi Chulo”, quand Rihanna chante “Sex with me so amazing” on se sent épanouis, on se sent en puissance, on se sent sexy, qu’on soit un mec, une femme, n’importe qui. Et je me disais : c’est pas normal qu’on n’ait pas un équivalent en français, qu’est-ce qu’il s’est passé pour que ce soit mal vu ? » réfléchit l’artiste. Chez Mara, pas de place pour les tabous, ici c’est sexy, fun et empowering.
À l’image d’une nouvelle génération d’artistes, comme Bad Gyal du côté espagnol, Mara adopte le style bimbo et l’assume avec fierté, tout en rappelant que l’on est toujours bien plus que les clichés qui vont avec. Au travers des paroles de ses morceaux mais aussi de son parcours en tant qu’artiste indépendante, on devine un personnage naturellement autonome qui aime clamer haut et fort son émancipation à coup de punchlines mi-misandres, mi-second degré. « J’ai toujours été hyper débrouillarde, c’est pour ça que je chante des « I’m that betch, je t’emmène, hotel room et resto chic, laisse-toi faire, c’est magique », parce que ça existe aussi » réplique-t-elle. « On entend tellement souvent l’inverse dans les chansons urbaines ou autres, le mec qui dit « Elle veut le Louboutin, elle veut le Gucci, elle fait sa tchoin, etc. », pour moi c’est pas ma version et c’est pas ma réalité. » L’atmosphère que Mara a créée autour d’elle, véhiculée par sa personnalité pétillante et sa bonne humeur contagieuse, a séduit le public, en particulier féminin, inspiré par son style et son assurance. « Parfois il y a des meufs qui mettent en commentaire : “Ah yes il y a Mara qui vient, on va mettre nos meilleurs habits de betch !“, genre avec Mara je vais me mettre comme je veux et être vraiment ce que je suis. Je pense que le fait que moi-même je me fous de tout fait que les gens sont aussi dans cet esprit-là et ça leur fait du bien. »
L’été 2022, l’univers Mara est en pleine ébullition : des premières parties de Angèle, une tournée d’une vingtaine de festivals, un nouveau titre, “Bibi qui claque”, produit par King Doudou, plein de projets en préparation et beaucoup d’ambition, notamment celui de faire carrière à l’international. Et, peut-être, une signature sur un label ? « J’ai un profil tellement atypique qui n’existe pas, il n’y a pas de définition de ce que je suis en train de faire. Et en général les maisons préfèrent plutôt aller sur des sentiers battus… » répond-elle. « Et moi, je suis en train de battre mon propre sentier. »