“S’il y a une French Touch du clip, elle commence par Jean-Baptiste Mondino. Il nous a tous inspirés !” Le compliment vient de Michel Gondry. Et Jean-Baptiste Mondino, véritable pionnier du clip, de répondre, modeste : “A mes débuts, j’étais influencé par Chris Marker, Sam Peckinpah, Kenneth Anger ou Andy Warhol. Mais je ne sais pas si j’ai été une source d’inspiration.” L’homme Mondino est très rare en interview : il refuse les magazines qui traite d’image ou de vidéo et accepte uniquement, – parfois – les journaux qui parlent de musique. Trax ? Il connaît, le lit et l’apprécie. Alors il se livre : “A 67 ans, on me demande encore de faire des clips. Il faut que cela reste toujours dans le désir, dans l’envie de l’autre.” Impossible de décrocher pour celui qui a aimé filmer les chanteuses et dévoiler leur féminité (Madonna, Neneh Cherry, Vanessa Paradis).
“Dans ce milieu, on devient très vite obsolète” – Jean-Baptiste Mondino
Toujours au jus, il porte un regard passionné sur les vidéos d’aujourd’hui : “Les clips actuels sont d’une qualité visuelle incroyable. Je pense à ceux de Kendrick Lamar, de Flying Lotus. L’univers du clip s’est beaucoup ouvert. Il y a une sensibilité, une intelligence. À côté, mes clips des années 1980 apparaissent désuets. Dans ce milieu, on devient très vite obsolète.” Mondino a flashé aussi récemment sur Bugatti, le single de Tiga filmé par le jeune réalisateur frenchy Helmi. Joint par Skype, Helmi est impressionné que son film ait plu à Mondino et lâche, avec un grand sourire : “You made my day!”
Près de quarante ans séparent Mondino et Helmi. Et trente années se sont écoulées entre “The Boys of Summer” de Don Henley et “Bugatti” de Tiga. Le point commun entre ces deux clips : la reconnaissance internationale. En 1985, Mondino est célébré aux Etats-Unis pour sa vidéo du batteur/chanteur des Eagles. Les prix pleuvent lors des MTV Music Video Awards : quatre trophées dont ceux du clip de l’année et de la meilleure réalisation. Fin 2015, c’est outre-Manche qu’Helmi a été acclamé, raflant trois prix aux UK Music Video Awards : meilleur nouveau réalisateur, meilleure vidéo dance, meilleure direction artistique et design. Dans cette même compétition, le collectif parisien Megaforce est primé (meilleure vidéo pop pour “Bitch Better Have My Money” de Rihanna), tout comme le duo franco-montréalais Dent de Cuir et les réalisateurs Romain Chassaing et Yoann Lemoine. “Des Français reçoivent des prix tous les ans aux UK Music Video Awards”, confirme Manu Cossu, de Fleur & Manu.
“La musique électronique est plus cinématique. Et j’ai horreur de filmer les guitares.” – Michel Gondry
Bien avant le flux Internet, les ados du début des années 1980 matent des clips sur M6 et sur MTV. Leurs rétines sont accrochées par ceux de Jean-Baptiste Mondino : “Cargo de nuit” d’Axel Bauer, “Un autre monde” de Téléphone. “Un producteur américain a vu celui de Taxi Girl et m’a appelé pour faire celui de Don Henley. Je n’étais pas trop fan des Eagles… Mais quand même, Los Angeles, les palmiers, si je pouvais m’amuser tout en travaillant !” La légende de Mondino va surtout se construire autour de son histoire d’amour artistique avec Madonna, pour qui il signe six vidéos. “Je n’étais pas client de sa musique mais la femme m’a séduite. Madonna est sincère et nous avons pu pousser ses envies de femme dans les images, comme dans le clip de ‘Justify My Love’. Il faut toujours un dialogue, une compréhension entre le musicien et le réalisateur.”
Le parcours américain du réalisateur, qui a aussi travaillé avec David Bowie, Tom Waits ou Sting, va décomplexer d’autres Français comme Stéphane Sednaoui et Seb Janiak qui vont se faire une place sur la scène internationale au début des années 1990. Sednaoui va travailler régulièrement avec les Red Hot Chili Peppers, U2 et Tricky, tandis que Janiak, auteur de plusieurs clips pour NTM, va passer derrière la caméra pour Janet Jackson, Method Man, Robbie Williams ou Daft Punk. Dès lors, une nouvelle génération de réalisateurs français se déploie en même temps que la French Touch musicale. À sa tête, Michel Gondry. Lui aussi entretient une histoire d’amour artistique, avec Björk.