Entre clubs techno intimistes et bass music, à quoi ressemble la scène underground de Barcelone ?

Écrit par Mélanie Vitry
Photo de couverture : ©D.R.
Le 06.06.2017, à 18h37
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Écrit par Mélanie Vitry
Photo de couverture : ©D.R.
Au-delà des gros festivals, clubs et labels qui ont dominé la scène de la ville ces dernières années, Barcelone commence à émettre des signes de vie encourageants dans le milieu de l’undergound. Certes, sans les piliers que sont Sónar Festival, le club Apolo et le label Hivern Discs, la ville serait dénuée du socle indispensable à l’émergence des artistes qui opèrent sous le radar. Mais il ne faut pas ignorer le fait que, si ces dernières années, le monde de l’underground ne comptait que quelques arbustes, il se développe aujourd’hui en une luxuriante végétation, qui peut fleurir partout, à n’importe quel moment. En découle l’apparition d’une scène variée et passionnante, riche en nuances, mais qui se divise en petits groupes assez hermétiques.


Par où commencer ? Pourquoi pas avec LowKeyMoves, le nouveau collectif fondé par Felix M. Dowell – manager d’Alizzz, à la renommée mondiale bien établie – et DJ Lowprofile, travaillant avec de gros artistes comme Noaipre et de plus jeunes producteurs tels que Bones López. « Notre motivation n’est autre que de pouvoir écouter et danser sur la musique que nous aimons, avec les gens que nous admirons et que nous respectons. Nous avons constaté que si nous ne le faisions pas, personne ne le ferait. Nous voulons également que LowKeyMoves serve d’ossature pour collaborer avec des amis qui vont dans la même direction que nous, à travers le Royaume-Uni, l’Espagne et l’Europe », explique Dowell. Les deux artistes ont remporté le pari de réunir plusieurs personnages clés de la scène underground locale, en organisant des soirées grime-bass-future au Garage 442, l’un des nouveaux lieux de la ville. Que dire d’autre ? Ils ont également une émission sur dublab.es, la petite sœur espagnole de la station Américaine.

Un bon baromètre pour mesurer à quel point les nuits barcelonaises sont en train de changer est l’ouverture de nouveaux clubs. Cela faisait bon nombre d’années que la population n’avait pas assisté à l’ouverture d’une vague de petits clubs pouvant rivaliser avec des géants comme Razzmatazz, Apolo ou Moog. En plus du Garage 442, inauguré en septembre dernier, le collectif Lapsus a ajouté en février à son label, festival et émission de radio, le LAUT, une salle à capacité moyenne dans Poble Sec, axée sur la musique de club expérimentale, avec une line-up qui mettra en vedette, parmi plusieurs autres soirées attrayantes, le showcase de l’un des nouveaux labels les plus prometteurs de la ville, Banned In Vegas. Comme c’est le cas dans de nombreux endroits, Lapsus a dû accommoder le fonctionnement du club aux relations de voisinage ; des problèmes d’insonorisation avaient provoqué la fermeture du club pendant plusieurs mois cette année. Plus récemment, deux autres endroits ont rejoint le circuit, Red58 et Gauss, ce dernier étant un ancien club de strip-tease transformé en une discothèque vintage.

D’autres collectifs s’étoffent et apportent un souffle d’air frais aux nuits de Barcelone, comme Kommuna, axé deep house, électro et minimal, qui a récemment fêté son deuxième anniversaire au Red58, et Club Marabú, tenu par les personnes derrière Canada, label au pédigrée international et aux nombreuses années de travail derrière lui. Les soirées Marabú sont des résidences mensuelles, dédiées aux nouveaux hybrides électroniques R&B et dancehall, qui se déroulent au club Upload de Poble Espanyol. Alba Blasi, l’une des têtes pensantes du projet, explique que son idée a toujours été de « promouvoir un club de format moyen, à même de faire découvrir des musiques intéressantes que nous avons trouvées sur SoundCloud ou YouTube, et que nous ne pourrions pas entendre dans un autre club de la ville. » Petit à petit, ils ont conquis un public « agité, créatif et très jeune, qui ne trouve souvent la musique qu’il écoute sur Internet qu’à Marabú. » Ils ont notamment booké de nouvelles stars de la trap et du dancehall, comme Bad Gyal et Somadamantina, ainsi que des DJ’s montants comme le digger disco et animateur de radio Galicien Abu Sou, ou encore le DJ et producteur d’électro expérimentale Ylia, né à Alicante et résidant aujourd’hui à Barcelone. Des groupes à la renommée internationale comme El Guincho, Kindness et Jam City ont également fait leur apparition.

Beaucoup d’autres artistes, collectifs et labels gravitent autour de Barcelone, et qui font d’elle un centre d’innovation musicale en Europe. Quelques exemples : les personnes derrière le festival avant-gardiste Bicefal, qui agissent également sur le label Hedonic Reversal ; Les soirées à succès de Trill et Fuego à Razz ; Le nouvel espace pour les petits concerts souterrains El Pumarejo, situé dans le quartier de Vallcarca ; Et bien sûr, les magasins de disques comme Discos Paradiso – qui lanceront bientôt un label de réédition, Urpa i Musell, Ultra-Local Records et Rhythm Control, géré par le DJ Tony Bruce Lee.

Et si Barcelone était l’endroit idéal pour lancer un projet underground ? « Si vous m’aviez posé la question il y a quelques années, je vous aurais dit non. Mais aujourd’hui, la ville est plus ouverte que jamais aux nouveaux mouvements de musique qui s’éloignent du format house/techno usuel. » Explique Dowell. Il met cependant en garde : « Malgré ça, il y a un fossé entre ce que le public demande et ce que la ville offre. En ce sens, il est important que les salles et les promoteurs comme le Garage 442 avec nous ou les Razz avec Trill et Fuego, prennent plus de risques. » Blasi ajoute : « Barcelone est en effet un bon endroit pour lancer un projet underground, car il y a beaucoup de jeunes créatifs qui cherchent de nouvelles choses, bien qu’il soit vrai que le public est assez fragmenté en de petites scènes, ce qui fait que le nombre de personnes impliquées dans chaque scène reste incertain. »

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