Une annonce inattendue. Ce mercredi 6 mai, Emmanuel Macron dégageait les grandes lignes d’un plan de soutien du gouvernement au secteur culturel français. L’intervention faisait suite à un échange à huis clos, tenu en visioconférences depuis l’Élysée, avec une douzaine d’artistes « représentatifs » de différentes disciplines (musique actuelle, classique, littérature, danse, cinéma, théâtre, cirque, art contemporain) et sélectionnés par la présidence.
Le Président de la République a ainsi évoqué devant les différents acteurs « le besoin d’enfourcher le tir du confinement » et à « réinventer les formats sous contrainte extrême ». « C’est là que réside le génie français » a poursuivi le président de la République. Évoquant les saisons prochaines et le manque de visibilité sur l’état de la pandémie à la fin de l’été, Emmanuel Macron a ajouté qu’il « faudra revoir les formats et favoriser les captations, revoir les systèmes de billetterie », sans plus de précisions. Le chef de l’État a par ailleurs annoncé un budget augmenté de 50 millions d’euros en direction du Centre national pour la musique (CNM).
Retour à l’école pour les intermittents
Le cas des intermittents du spectacle a longuement été abordé par Emmanuel Macron. Ceux-ci réclament une année blanche, face à la difficulté d’effectuer les heures de travail nécessaires à l’obtention de leur statut. «Je suis contre cette idée [d’une année blanche] parce que ce serait dire que cette année on ne fait rien» a balayé le chef de l’État. En retour, le président de la République entend prolonger leur droit à l’assurance chômage « d’une année au-delà des six mois où leur activité aura été impossible ou très dégradée, c’est-à-dire jusqu’à fin août 2021 ». Le gouvernement envisage plutôt de créer une plateforme, en lien avec les mairies, et qui permettrait aux intermittents d’intervenir à l’école, dans le cadre d’animations périscolaires. « Grâce à ce dispositif et à raison d’une ou deux après-midis par semaine, beaucoup seront capables de faire leur nombre d’heures ».
Plus surprenant encore, le Président appelle de ses voeux une refonte de ce que pourraient être les colonies de vacances. « On doit faire faire de cet été un été apprenant et culturel. Beaucoup d’enfants n’auront pas l’occasion de partir en vacance dans leur village à l’étranger […] et je pense particulièrement aux familles les plus modestes […]. Quinze jeunes viendront par exemple assister à une répétition d’une compagnie. On va changer leur vie », a plaidé Emmanuel Macron. L’idée, serait de soulager les familles et, d’après le locataire de l’Élysée, de « redonner une raison de vivre aux artistes mais aussi aux techniciens qui vivent de l’intermittence ».
Autres souhaits du chef de l’État, le lancement d’un « grand programme de commande publique », impliquant notamment « les jeunes créateurs de moins de 30 ans », ainsi que la consolidation d’une « Europe de la culture ». « On a besoin de défendre une créativité à l’européenne. Il y aura des grands prédateurs chinois, américains, avec d’autres modèles, d’autres sensibilités dans cette phase. » Le Président de la République a enfin évoqué la nécessité « d’accompagner » les acteurs dans cette transition économique. « Les mesures de soutien publiques doivent être prolongées au delà de la fin du confinement, car la reprise ne sera pas normale», a-t-il affirmé.
Le ministre de la Culture et de la Communication Franck Riester a également ajouté que les artistes-auteurs qui ne pouvaient jusqu’alors pas bénéficier du fonds de soutien mis en place par l’État, pourront désormais y avoir accès. Ils seront aussi exemptés de cotisations sociales au cours des quatre prochains mois. Le ministre a également rappelé que les magasins de disques, médiathèques et autres musées seraient autorisés à ouvrir le 11 mai et que l’interdiction des rassemblements de plus de 5000 personnes perdurerait jusqu’à la fin du mois d’août.
Ces annonces interviennent dans un contexte de tension et d’incertitude extrême pour le secteur, dont l’économie repose, en temps normal, sur un équilibre fragile. Alors que les clubs, salles de concerts et de spectacles sont dans l’incapacité de recevoir du public depuis le 13 mars 2020, la situation économique des structures indépendantes et des intermittents du spectacle s’est considérablement dégradée. Malgré la mise en place d’un fond de solidarité à destination des indépendants, les petits acteurs culturels n’excluaient pas de devoir mettre la clé sous la porte, comme l’expliquaient les représentants des bars culturels à Trax au mois d’avril.
Du côté des acteurs de la musique actuelle, l’inquiétude demeure forte. Dès la mi-mars, 300 d’entre eux se regroupaient autour du festival lyonnais Nuits sonores sous la bannière « l’appel des indépendants ». Le mouvement plaide désormais pour la tenue d’états généraux de la culture cet été. La prise de parole du ministre de la Culture et de la Communication, Franck Riester est attendue pour détailler le plan de soutien évoqué par l’Elysée.