Ce serait dommage de passer à côté. Aficionado de l’histoire, de la musique électronique, de l’innovation ou simple badaud, cette exposition étanchera votre soif de curiosité. A l’initiative des deux commissaires de l’exposition Jean-Yves Leloup (journaliste, musicien et designer sonore, pour ne citer que ces casquettes) et Jean-Louis Frechin (architecte spécialiste du design numérique et de l’innovation), cette visite sur trois étages retrace un siècle de musique électronique, à travers l’angle de l’innovation technologique.
100 ans d’histoire au rez-de-chaussée
On commence en douceur par une approche historique très visuelle, où se succèdent une kyrielle d’instruments plus invraisemblables les uns que les autres. A travers divers anecdotes de ses ambassadeurs et ses pionniers – dont certaines sont des plus loufoques – on apprend comment, petit à petit, la musique électronique est passée du statut de musique savante à celui de musique populaire. Des histoires de musiciens chevronnés ponctuent le parcours. Celles de savants qui, sciemment ou non, ont su détourner les appareils scientifiques de l’époque pour en extraire les sons qui ont façonné des décennies de musique avant-gardiste.

La Gakken Ex-System, ou comment le jeu a joué son rôle dans la démocratisation de la musique électronique.
Guidée par une timeline replaçant les différentes innovations électroniques et leurs inventeurs dans le contexte des grands événements de notre siècle, la visite se fait en musique. Des titres emblématiques, plus ou moins connus mais dont l’air nous est toujours familier, se déclenchent ici et là au plafond. Accompagnés de flashs lumineux et suivant une schématique presque aléatoire, ils interpellent les visiteurs à 360° et donnent l’impression d’occuper parfaitement l’espace de la fondation EDF. En outre, les extraits sonores ont été sélectionnés et édités par les soins de Jean-Yves Leloup, également rédacteur en chef de Radio FG dans les 90’s.
La visite est instructive : s’il est difficile de passer à côté des pionniers de la musique savante Brian Eno dont on vous a si souvent parlé dans les colonnes de Trax, il est bon de noter le choix des commissaires de mettre en avant des personnalités méconnues comme Daphne Oram, compositrice de génériques à la BBC d’après-guerre et inspiratrice par la suite de la vocation de nombreuses femmes.
Daphne Oram.
Une mezzanine interactive
L’étage supérieur est quant à lui beaucoup plus interactif. Les visiteurs ont l’occasion d’actionner les différents potentiomètres et autres faders de quatre machines incontournables de l’histoire de la création musicale électronique : le synthétiseur (Minimoog de 1972), la boîte à rythme (TR-808 de 1980) le vocodeur (de Korg) et le séquenceur (sous forme de projet développé avec des étudiants de l’IRCAM, synchronisant plusieurs smartphones en temps réel). Des écrans projetant une image du signal émis par les différents appareils complètent l’installation, permettant au curieux de mieux comprendre comment le son qu’il produit se comporte.
Mais au milieu de cette mezzanine trônent aussi d’autres instruments loufoques, futuristes, incarnant l’avenir de la création électronique. Les visiteurs pourront à loisir manipuler les tous derniers fleurons de l’innovation technologique, comme ce Theremini, bâti sur le même principe que son ancêtre, mais qui se contrôle dorénavant uniquement par des mouvements aériens des deux mains. Ou encore cette “gelée interactive”, qui permettra aux plus manuels de mouler (oui, mouler !) leurs propres interfaces musicales connectées.
Un kit (à droite) permet de mouler des formes gélifiées qui, une fois posées sur une planche connectée (à gauche), servent de contrôleurs en fonction de la pression que l’utilisateur leur applique.
Un sous-sol audiovisuel et rétrospectif
Le clou du spectacle est au sous-sol : si l’on ne veut pas vous en dire trop pour ne pas éventer la surprise prévue par Jean-Yves Leloup et Jean-Louis Frechin, sachez simplement qu’une installation sonore et interactive vous permettra de revivre les titres les plus emblématiques de l’histoire de la musique électronique. Une sélection relativement technoïde qui m’a personnellement permis de (re)découvrir des tracks monstres dont je me demande bien comment j’ai pu passer à côté.
Et pour couronner le tout, dans une dark room attenante, une rétrospective de moments immortalisés par le photographe Jacob Khrist vous plongera dans l’univers des soirées les plus déjantées de l’underground parisien.
Une soirée au Péripate. (©Jacob Khrist)
Courez-y, néophytes comme experts de la culture électronique y trouveront largement leur compte. Et en plus, c’est gratuit.
Exposition présentée du 25 mai au 2 octobre 2016
Espace Fondation EDF – 6, rue Récamier 75007 Paris
Tous les jours du mardi au dimanche de 12h à 19h (sauf jours fériés)
Entrée libre
Pour approfondir : Electrosound, le livre de l’exposition, avec – entre autres – des citations inédites de Kraftwerk et Jean-Michel Jarre.