Le “flygskam”, c’est le nom suédois qu’on donne à « la honte de prendre l’avion ». Mais si, vous savez : ce sentiment de culpabilité écologique qui s’ajoute à votre sévère gueule de bois au retour d’un week-end à Berlin. Et c’est un vrai phénomène de société. En septembre 2019, les vols intérieurs en métropole ont chuté de 1%, tandis que les ventes de billets de train ont battu des records de vente cet été. Le PDG de la SNCF Guillaume Pepy y voit (entre autres causes) un « effet flygskam ».
En train jusqu’à Moscou
Quelles conséquences pour la “génération EasyJet”, ces clubbeurs qui s’envolent faire la fête à Budapest, Amsterdam ou Barcelone ? Pour un séjour très court à l’étranger, une autre option s’impose : le train de nuit. Entre 2014 et 2016, la tendance était à la suppression de ces lignes dans l’hexagone mais aussi en Allemagne, en Espagne et en Italie. Aujourd’hui, elles connaissent un regain d’intérêt. En 2016, la compagnie ferroviaire autrichienne ÖBB a racheté une partie des lignes allemandes, devenant leader du marché des trains de nuit en Europe. Depuis, le nombre de ses passagers a doublé – atteignant 1, 5 millions de personnes par an. En Suisse, le trafic a augmenté de 25% depuis début 2019.
Après l’arrêt de certaines lignes françaises, les options sont limitées depuis l’hexagone. Au départ de Paris, des trains couchettes amènent jusqu’à Venise ou Milan. Autre possibilité : embarquer à bord du Moscou Express, qui relie en 38 heures les capitales française et russe en s’arrêtant à Francfort, Berlin et Varsovie. La compagnie espagnole Renfe propose aussi des trajets vers Lisbonne depuis Hendaye. Le gouvernement français envisage de relancer certaines lignes nocturnes – il l’a annoncé à la rentrée.
Moins de C02, plus de paysages
Les intérêts du train couchette ? On arrive directement en centre-ville, sans avoir à dépenser 50 € pour un taxi depuis l’aéroport. On peut profiter à fond de ses quelques jours de vacances sans perdre de temps avec le trajet. Et puis, il y a le plaisir de voir le paysage défiler la nuit. Le trajet fait lui aussi partie du voyage : nous sommes en plein dans la tendance du « slow travel ».
En ce qui concerne l’impact écologique, le bilan carbone dépend des énergies utilisées pour alimenter le réseau ferré. En France, il est de plus en plus électrifié, et en grande partie approvisionné par le nucléaire, qui n’émet que très peu de CO2. Aux Pays-Bas, le secteur est encore plus green : il est alimenté à 100% par des éoliennes.
A l’époque où Greta Thunberg se rend à New York en voilier zéro émission de carbone, peut-on décemment prendre l’avion pour un voyage à 1000 kilomètres de chez nous ? La question mérite encore et toujours d’être posée. Car force est de constater que l’avion n’a pas dit son dernier mot. Au sein de l’UE, d’après l’indicateur mensuel du trafic aérien commercial, les vols ont augmenté de 3% en septembre 2019 par rapport à l’année dernière. Et dans le monde, le nombre de passagers aériens annuels a atteint les 4 milliards dès 2017.