À voir absolument : “Footeuses” est une ode optimiste au féminisme et à la jeunesse

Écrit par Célia Laborie
Photo de couverture : ©Lyna Saoucha et Ryan Doubiango
Le 11.03.2020, à 17h06
03 MIN LI-
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©Lyna Saoucha et Ryan Doubiango
Écrit par Célia Laborie
Photo de couverture : ©Lyna Saoucha et Ryan Doubiango
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Avec le documentaire Footeuses, Lyna Saoucha et Ryan Doubiango plonge pendant 45 minutes dans la vie de sportives professionnelles et amatrices de football féminin. Des jeunes femmes charismatiques, attachantes, battantes. Trax a rencontré la co-réalisatrice pour parler féminisme et identité. C’est prouvé : les enjeux du foot vont bien au-delà des performances sportives.

C’est quoi, être une femme passionnée de foot aujourd’hui en France ? C’est la question à laquelle répond le fabuleux documentaire Footeuses, produit par Yard et disponible gratuitement sur YouTube. Un film optimiste et plein d’énergie, à la rencontre des amatrices en banlieue parisienne et des grandes joueuses de l’équipe de France. Quels obstacles doivent-elles franchir pour trouver leur place face aux joueurs masculins ? Footeuses questionne la place réservée aux femmes dans notre société, et les ambitions nouvelles de la jeunesse. La coréalisatrice Lyna Saoucha signe avec Ryan Doubiango son premier film, à 21 ans à peine. Rencontre.

Comment avez-vous eu l’idée de ce documentaire sur les joueuses de foot des quartiers ?

Lyna Saoucha : C’était pendant la coupe du monde, en 2018. L’équipe masculine a gagné, ça fédérait tout le monde. C’étaient des modèles auxquels toute la France semblait pouvoir s’identifier. Et je me suis rendu compte qu’aucune footballeuse n’occupait ce rôle-là. Je me suis demandé comment ces différences impactent les jeunes filles qui rêvent d’être championnes de foot. Et j’ai cherché à les rencontrer, en faisant des castings et en allant à des matchs. Très vite, je me suis liée d’amitié avec elles, et je les ai suivies dans leur quotidien.

Dans le documentaire, on voit que les joueurs laissent peu de place aux femmes sur les terrains publics, dans les parcs… Et qu’elles doivent s’imposer à force de courage et de détermination. Ces adolescentes se définissent-elles comme féministes ?

Ce ne sont pas des militantes. Elles n’ont jamais intellectualisé ces questions-là. Mais dans leur manière d’être, elles sont profondément féministes. Elles ne veulent pas se voir comme des victimes, mais comme des battantes pour qui le genre n’est pas une barrière. Je trouve ça encore plus beau qu’elles soient féministes sans même chercher à l’être.

 Elles n’ont jamais intellectualisé ces questions-là, mais dans leur manière d’être, elles sont profondément féministes.

Lyna Saoucha, réalisatrice

En quoi ces jeunes femmes sont-elles inspirantes, au-delà de leurs performances sur le terrain ?

Ce qui m’impressionne, c’est leur détermination, même si personne ne les soutient, ni leur famille ni la société. Elles ne se demandent pas si c’est injuste, elles se demandent juste comment parvenir à leurs objectifs. Assa Doucouré, joueuse à l’ES Seizième, raconte que son éducateur a dû venir à la maison et parler à sa mère pour lui expliquer qu’elle avait du potentiel. Avant cela, sa mère ne voulait pas entendre parler de football.

On porte encore très peu d’attention aux joueuses de foot féminin dans les médias. Selon vous, quelles sont les conséquences de cette invisibilisation ?

Il n’y a pas de footballeuse qui soit un vrai “role model”. Si l’on cherche des infos sur ces joueuses, on ne trouve que des photos d’elles sur le terrain. On ne les met en valeur que pour leurs performances, et jamais pour qui elles sont intimement. Du coup, c’est difficile de s’identifier à elles. D’ailleurs, quand on demandait aux jeunes joueuses de citer leurs idoles, elles répondaient Mbappe ou Messi, jamais Wendy Renard ou Amel Majri. Les jeunes femmes qui rêvent de faire carrière ne s’identifient qu’à des hommes, mais elles savent qu’elles n’auront jamais les mêmes salaires ni la même reconnaissance que ces joueurs. Tout simplement parce qu’elles sont des femmes. 

Quelles ont été les réactions lors des projections du documentaire ?

Les “footeuses” présentes dans le film l’ont adoré et trouvé très authentique. Et beaucoup d’autres femmes se sont reconnues dans leur histoire. Des basketteuses et même des étudiantes en cinéma nous ont dit qu’elles avaient l’impression de vivre le même combat pour se faire une place dans un milieu masculin.

La diversité dans les représentations, c’est un enjeu important pour la jeunesse d’aujourd’hui ?

Pour moi, c’est essentiel. J’en ai juste marre des images photoshoppées, de ces modèles de femmes uniformisés dans les médias, auxquels personne ne peut s’identifier. En 2016, j’ai lancé un projet qui s’appelle “Vraies meufs”, sur Instagram et sur un site internet. Je prends des portraits photo de femmes sans maquillage, avec des textes de présentation. J’ai aussi créé un podcast, l’Atay, où je parle avec des amis des sujets qui touchent les jeunes issus de la diaspora maghrébine. Sur le net, il y a plein d’autres initiatives qui parlent des quartiers populaires, de double culture, de santé mentale… Finalement, ça entre dans la même démarche que Footeuses. On a besoin de raconter nos histoires.

Footeuses est toujours visionnable gratuitement sur YouTube.

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