“De l’importance de danser comme un idiot” : ou les bienfaits de la danse sur l’humanité

Écrit par Jean Gueguen
Photo de couverture : ©Matisse
Le 19.02.2020, à 18h25
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Écrit par Jean Gueguen
Photo de couverture : ©Matisse
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Le site philosophique de développement personnel The School of Life publiait le 3 février dernier un essai intitulé “The Importance of Dancing Like an Idiot”. Il y rappelle tout l’intérêt individuel et collectif de cette pratique anthropologique majeure qu’est la danse.

« Je ne saurais croire en un Dieu que s’il danse ». C’est en reprenant en exergue ces propos de Friedrich Nietzsche dans Ainsi Parlait Zarathoustra (1883) que le site Internet The School of Life, qui propose des réflexions philosophiques sur le développement personnel, faisait paraître le 3 février dernier un essai dédié à la danse. L’auteur (anonyme) du texte y part du constat qu’il existe aujourd’hui une réticence à danser par peur de passer pour un idiot. Et ce alors même que la danse est une pratique populaire universelle et immémoriale : « Dans presque toutes les cultures et à toutes les époques (excepté la nôtre étonnamment), la danse a été largement perçue comme une forme d’exercice physique extrêmement bénéfique pour notre santé mentale. […] La danse a été reconnue comme permettant de transcender notre individualité pour se plonger dans un tout à la fois plus large, accueillant et rédempteur ». 

Ce paradoxe pourrait trouver son origine dans une dualité déjà présente chez les Grecs anciens entre la raison, incarnée par le dieu Apollon, et le défoulement associé à Dionysos. « Les Grecs avaient compris – avec prescience – qu’une vie dédiée à la seule sérénité de l’esprit risquerait de conduire au dessèchement et à la solitude. Ainsi, ils compensaient leur attachement à Apollon par de fréquentes fêtes en l’honneur d’un dieu bien différent, Dionysos, amateur de vin, de veillées tardives, de musique et de danse ».

L’auteur signale également le lien entre cette pratique festive qu’est la danse et la notion d’extase, proche de celle de transe, qui nous transporte en dehors de nous-même. « L’extase vient de deux mots latins, ex (en dehors) et stasis (se tenir). Elle renvoie à un état dans lequel, symboliquement, nous nous ‘tenons en dehors’ de nous-mêmes […] et nous reconnectons à quelque chose de plus primaire et nécessaire : notre nature humaine universelle ».

Vous reconnaissez-vous, maudits raveurs ? L’auteur rappelle en effet que cette pulsion anthropologique n’a pas complètement disparu en notre ère de rationalisme extrême et de réserve pudibonde. Elle persiste dans certains champs culturels, de la disco à la rave, qui ont d’ailleurs popularisé une autre forme d’extase, assistée par des produits chimiques. Libérant les inhibitions, les drogues, dans les clubs, les raves et les free parties, libèrent aussi la danse, le carnavalesque et, finalement, l’idiot qui est en nous : « Danser nous apporte l’opportunité primordiale d’afficher publiquement cette idiotie et de la célébrer de concert. Sur un dancefloor plein d’idiots comme nous, nous pouvons tout au moins profiter de notre bêtise commune, nous pouvons nous défaire de notre timidité habituelle et embrasser pleinement notre éblouissante étrangeté ».

Aussi, la danse, en libérant l’idiot qui est en nous, permettrait d’une part une libération salvatrice de l’individu, mais surtout une reconstruction du collectif : « Nous nous sentirons alors appartenir à bien plus important que nous-mêmes, une communauté solidaire au sein de laquelle nos erreurs individuelles et nos doutes cesseront de peser si lourdement sur nous. […] Nous devrions revendiquer l’extase de la danse et la libération du boogie woogie au nom de leur fin universelle : nous relier, nous rassurer et nous réunir ».

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