Il est 18h40 lorsque le premier duo se lance, en plein centre de la salle, dans un décor sophistiqué, sublimé par de grands voiles blancs qui surplombent la scène. D’une part, on trouve Arnaud Rebotini, chanteur du groupe Black Strobe et vétéran de l’électro en France, qui a récemment fait parler de lui avec l’excellente bande-son house composée pour le film à succès 120 battements par minute. De l’autre, la voix de la soprano Céline Scheen à la fois douce et puissante qui domine l’ensemble de la pièce. Les nappes de synthés, cadencées parfois de cliquetis ou de cloches sentencieuses, accompagnent la chanteuse tout au long de l’enregistrement. Seul bémol, Arnaud Rebotini qui peine parfois à prendre le dessus de la forte voix de la soprano. Est-ce que l’on retrouve l’influence du luthiste et chanteur John Downland, auquel les deux rendent ici hommage ? A vrai dire on l’ignore, mais le résultat reste brillant.
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La deuxième rencontre est menée par Maud Geffray et la harpiste Lavinia Meijer. Les nappes épiques de Maud Geffray, ses mélodies qui viennent s’entremêler aux cordes de la harpiste, donnent l’impression d’assister à un concert classique préparé de longue date. Les deux femmes s’attaquaient au répertoire du minimaliste Phillip Glass. Un second duo dans lequel on ressent d’autant plus l’influence de la productrice électronique. Maud Geffray est impressionnante en live et prend parfois le dessus sur les notes de la harpiste. Esthétiquement, Jean-Michel Jarre n’est pas très loin, dans ces envolées de synthés dramatiques, les mélodies un peu kitsch, ce romantisme un peu frontal rappelant le futur noir promis par les années 70-80. Tout au long de l’enregistrement, les deux artistes font preuve d’une grande complicité, laissant l’assemblée bouche bée.
Le troisième acte, pourtant prometteur, reste le moins réussi. Marc Romboy et la claveciniste Tamar Halperin, devaient travailler le répertoire baroque du célèbre compositeur anglais Henry Purcell. Une influence que l’on reconnaît dans ce duo, mais malheureusement, entre les deux artistes, la magie n’opère pas. Non que la claveciniste israélienne manque d’imagination pour suivre les éléments électroniques pulsés par Marc Romboy. Bien au contraire. Mais plutôt que ce dernier semble, à l’inverse de sa partenaire, dépourvu d’oreille. Le producteur lance ses nappes et rythmes, débute des séquences puis les arrête, sans trop de logique. Un résultat parfois dissonant.
Le quatrième duo, constitué de Kenny Larkin et du trompettiste Erik Truffaz est l’une des rencontres les plus attendues de la soirée. Les deux artistes commencent légèrement, plusieurs notes de trompette survolent les rythmes lancés par Larkin. Miles Davis, la pierre angulaire de la rencontre, est celui grâce à qui Truffaz à découvert l’univers jazz et qu’il évoque lorsqu’il joue. On reconnaît directement l’influence majeure, même essentielle du son techno-soul de Detroit dont Larkin est l’un des fervents représentants. Une même sève qui a traversé autant de continents et de générations et dont deux de ses filiations se sont recroisent le temps d’une session de quelques dizaines de minutes. En un battement de cil, l’acte est déjà fini. Un des premiers duos de la soirée où le public ne s’échappe pas à la fin de la représentation. Pendant quelques instants, tous restaient scotchés face à cette performance qui semblait hors du temps. Finalement, on aurait eu du mal à imaginer Larkin sans Truffaz, et vice-versa.
Équivalence parfaite pour le dernier duo de la soirée, composée de Gui Boratto et de l’accordéoniste Ksenija Sidorova. Lorsque l’un s’avance, l’autre se tait, laisse place, avant de se voir ouvrir la voie et de prendre la parole. L’acte est si finement ciselé, organisé, rythmé, que le tout ne semble durer qu’un instant, baladant le public de chorus en symphonie, d’évasions solo (techno pêchue pour l’un, accordéon méditerranéen pour l’autre) en symbiose parfaite. Dans ce duo, c’est à travers les notes jouées par l’accordéoniste que l’on ressent les influences de l’incontournable du tango, Astor Piazzolla.
La soirée se termine. On remercie alors nos confrères de Sourdoreille d’avoir créé une musique nouvelle, qui n’aurait jamais vraiment existé sans ces surprenantes rencontres. Et l’on prend notre mal en patience jusqu’à la sortie des captations vidéo, prévue pour mi-novembre sur Culturebox.
15 novembre : Kenny Larkin x Erik Truffaz
22 novembre : Maud Geffray x Lavinia Meijer
29 novembre : Arnaud Rebotini x Céline Scheen
06 décembre : Marc Romboy x Tamar Halperin
13 décembre : Gui Boratto x Ksenija Sidorova