Photo en une : Catherine Baratti-Elbaz, maire du 12ème arrondissement de Paris, et Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la Mairie de Paris, lors de l’ouverture de Dehors Brut ce samedi 27 juillet 2019.
Catherine Baratti-Elbaz, femme politique engagée de longue date dans la défense de la vie nocturne parisienne, a vécu de très près les négociations, puis la fermeture de Concrete cet été. Maire du 12ème arrondissement depuis 2014, elle a également joué un rôle important dans l’installation de l’équipe de la barge sur ses nouvelles terres éphémères : la friche SNCF Bercy-Charenton. Discussion avec l’une des artisanes d’un déménagement réalisé dans l’urgence.
L’activité nocturne du 12ème a rarement été autant mise sous les projecteurs qu’actuellement. Il y avait du travail ! Outre Concrete, comment avez-vous vu se déployer la nuit dans le quartier, et comment l’avez-vous, peut-être, accompagnée ?
Le défi dans cette ville, qui est très dense, c’est de trouver des espaces de vie. Et entre autres, des espaces de vie nocturnes. Paris n’est pas une ville où, après 22h, tout le monde doit aller se coucher. Ce n’est pas ma conception, ni l’histoire de la ville. De plus, ce n’est pas parce que le 12ème est un arrondissement périphérique qu’il doit être un arrondissement-dortoir. Nous avons de nombreux lieux culturels et nocturne, notamment autour de la Seine. Ces acteurs créent de l’emploi et contribuent à soutenir la création. Nous sommes dans une relation de confiance. La pérennisation de ces activités doit cependant passer par des investissements pour limiter les nuisances sonores. Ce que l’on essaye d’accompagner, évidemment.
Quand avez-vous commencé à entendre parler de Concrete ?
En 2008, avec Bertrand Delanoë, nous nous sommes demandés ce que l’on allait faire avec les berges de Seine. Le contact avec la ville était alors rompu du fait de l’autoroute, comme vous le savez. C’est plus tard que j’ai découvert Concrete, et que nous avons commencé à travailler ensemble. Au début, je l’avoue, sur le sujet des nuisances sonores.
On connaît les relations difficiles entre les clubs comme Concrete et les riverains. Comment vous êtes-vous positionnée à l’époque ?
La nuit est un levier d’attractivité, mais aussi un vrai défi pour la concilier avec la tranquillité légitimement revendiquée par les Parisiens. Les gens veulent pouvoir sortir tard le soir et, quand ils rentrent chez eux, ne pas être dérangés par le bruit. C’est un paradoxe qui fait le charme de la ville, comme dans toutes les grandes métropoles. Par définition, l’élu représente l’ensemble des habitants. Donc nous les défendons les riverains, comme nous prenons en compte l’intérêt de ceux qui veulent faire la fête. Nous avons donc plutôt un rôle de médiateur, afin que tout le monde y trouve son compte.
Quels ont été les moments-clés pour vous de ces 8 années de vie du club ?
Il y a eu le moment où l’équipe de Concrete a demandé l’autorisation 24h/24h. Mon avis n’est souvent que consultatif, mais on me l’a demandé à cette occasion. Je me souviens très bien des discussions avec la préfecture et le commissariat. Nous avons considéré que, si un établissement devait avoir cette autorisation, c’était celui-là. Ils avaient montré leur professionnalisme. La Ville a donc fait remonter un avis positif. C’est une image, un signal fort que l’on envoie, qui montre que l’on peut avoir un établissement qui diffuse de la musique toute la journée, sans nuisance. Nous sommes l’arrondissement de Pierre Henry, donc il y a aussi une tradition dans le 12ème qui est liée à l’histoire de la musique électronique.
Quels relations entretenez-vous avec l’équipe derrière Concrete ?
On partage ce sentiment qu’ils sont ouverts, en interaction avec la ville. Il y a quelques années, je leur avais expliqué qu’il fallait qu’ils nouent contact avec les familles. Ce qu’ils ont fait, en organisant notamment le Mini-Weather et en développant les formats d’après-midi. Paris ne doit pas être réservé qu’aux cadres trentenaires qui sortent le soir et peuvent se loger intra-muros. Il y a aussi des familles, des seniors… On ne leur demande pas de changer leur modèle en profondeur, mais de s’adapter à ce contexte. C’est ce qu’on fait également avec le Marché Pop, pour donner un autre exemple. Ici, à Dehors Brut, les seuls voisins sont un centre d’hébergement de réfugiés géré par l’association Aurore. Ce sont des gens en situation fragile et précaire. C’était donc important qu’il n’y ait pas de nuisances pour eux, et même qu’il y ait des partenariats. C’était l’une des mes conditions. Des évènements privilégiés, des soirées caritatives, de l’emploi d’insertion… Les activités de Surprize doivent, et vont être en relation avec ce et ceux qui les entourent. Ça, ils l’ont compris.
Comment se sont passées les dernières semaines, lorsqu’il a fallu trouver un lieu en urgence ?
Ils m’ont expliqué les alternatives, ce qu’ils recherchaient, et m’ont sollicitée pour un lieu éphémère estival. J’ai tout de suite pensé à cette ZAC de Bercy-Charenton. C’est un énorme chantier urbain qui vise à créer des liens entre ce quartier-frontière, à vocation ferroviaire, et les zones alentours. Il s’agit de construire un quartier mixte, qui prendra de nombreuses années avant de voir le jour. Ouvrir Dehors Brut ici, c’est en quelque sorte un moyen “d’activer le site”. On est au bord des Maréchaux et du périphérique, mais c’est encore Paris. Je vais continuer à soutenir l’équipe, tant que tout se passe bien. Par ailleurs, ils innovent sur le son, ce qui fait que dès qu’on sort du dancefloor, on entend beaucoup moins. C’est excellent pour le voisinage. Je ne dit pas que j’y serais fourrée tous les soirs, mais j’avoue que ça doit être très sympa d’y voir le soleil se lever. J’y prendrai peut-être mon café un matin.