De New York à Bruxelles, ces lois qui nous empêchent de danser en toute liberté

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Jacob Khrist
Le 22.06.2017, à 15h28
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©Jacob Khrist
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Photo de couverture : ©Jacob Khrist
La danse, synonyme de liberté ? Pas tout à fait. De la France aux États-Unis en passant par Sydney et Londres, des lois, souvent désuètes, entravent encore les mouvements du public désireux de se lâcher sur le dancefloor. Un sujet qui sera abordé, chez nous, les 14 et 15 septembre prochains à l’occasion de la première conférence nationale de la vie nocturne. 

Par Martin Pinguet et Lucas Javelle.

À New York, ça s’appelle la Cabaret Law ; une épine dans le pied de sa vie nocturne qui pourrait cependant disparaître sous peu, alors que la Ville vient de voter un projet de loi visant à créer un bureau municipal dédié au monde de la nuit. Surnommé la No Dancing Law, ce décret adopté en 1926 durant la prohibition interdisait la danse dans les débits de boissons et les restaurants ne disposant pas d’une licence de cabaret. Dès le départ, elle est soupçonnée d’être utilisé à des fins discriminatoires, notamment à l’encontre des Afro-Américains, en interdisant indirectement le jazz. Aujourd’hui, la loi serait employée pour faire fermer un à un les bars latinos de la 59e rue.

De l’autre côté de l’Atlantique, à Londres, c’est le 696 Form qui fait grincer des dents la scène grime. C’est que ce formulaire “d’évaluation des risques”, à remettre à la police par tous les promoteurs et propriétaires de boîtes de nuit, y a surtout été vu comme un moyen de pression. Jusqu’en 2009, le type de musique et l’origine ethnique du public attendu devait y être mentionné : de quoi éveiller des soupçons de profilage.

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La palme de la loi la plus archaïque revient sans doute au Japon où, de 1947 à juin 2016, il était interdit de danser après minuit. À l’origine destinée à lutter contre la prostitution, il aura fallu près de 70 ans pour que le pays desserre ce frein au développement de sa vie nocturne. À Toronto, la prise de conscience avait été plus rapide. Face au mouvement des raves, apparu à la fin des années 90, les autorités de la ville, prises de panique, avaient voté en urgence un décret bannissant les raves du territoire. Moins d’un an plus tard, ledit décret est abrogé suite à un immense rassemblement devant la mairie.

D’autres pays, comme l’Angleterre ou la France, n’auront pas cette chance. Des lois vieilles d’un quart de siècle sont toujours appliquées, bien que peu efficaces. Le Criminal Justice Act de 1994 interdit tout rassemblement de plus de trois personnes autour d’une musique aux beats répétitifs ; une mesure prise directement à l’encontre des raves, qui étaient légion dans l’Outre-Manche des années 90. Dans l’Hexagone, l’amendement Mariani de 2001 obligera les teufeurs à se procurer une autorisation ─ rarement accordée ─ auprès de la préfecture pour tout rassemblement de plus de 500 personnes, et autorise les forces de l’ordre à saisir le matériel de sonorisation dans le cas contraire. Au sein du milieu rave, ces dispositions sont unanimement jugées comme inefficaces et défavorables au dialogue avec les autorités, puisqu’elles poussent les organisateurs vers la clandestinité. Chaque année, on estime à 4 000 le nombre de free parties qui se tiennent en France, et les ravers anglais investissent encore régulièrement les hangars désaffectés de la perfide Albion.

Plus étonnant encore : des lois surprenantes voient encore le jour. À Bruxelles, en 2014, la mairie a décidé de mettre en place une taxe sur la danse, à hauteur de 40 centimes par personne prise à danser dans un bar musical. À Sydney, une sorte de couvre-feu interdit depuis 2012 aux bars et clubs du quartier de Kings Cross, le plus animé de la ville, d’accueillir de nouveaux fêtards après 1h30 et de servir de l’alcool après 3 heures. La plupart des clubs ferment donc à 3 heures, et ce pour lutter contre les violences liées à une consommation excessive d’alcool. Mais si leur taux a diminué dans le quartier concerné, il a augmenté aux alentours ; la loi semble n’avoir que déplacé le problème.

Ces dispositions prises à la va-vite, sans concertation avec les principaux intéressés, sont souvent inadaptées à la réalité de la vie nocturne. Mais des évolutions sont en cours, notamment avec l’apparition dans plusieurs villes (Paris, Londres, Amsterdam et bientôt New York…) d’un “maire de la nuit”, chargé de faire le lien entre riverains, professionnels et autorités locales. D’ici à ce que chacun puisse danser en paix et sans entrave, ayons une pensée pour cet adolescent arrêté (puis relâché) pour avoir dansé la Macarena au milieu de la route en Arabie Saoudite.

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