De Boulbi à Miami : Booba de la Rue au Turfu

Écrit par Trax Magazine
Le 08.06.2015, à 14h36
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Écrit par Trax Magazine
On avait presque oublié que ça se passait comme ça, en dehors du champ de la musique électronique.
Trop l’habitude de se caler après un set, dans un backstage un peu dégueu, et tendre son iPhone et ses questions à la cool, choper une photo à la volée, avant de revenir bosser l’interview au bureau. Mais Booba, on ne le chope pas à l’arrache. Il t’invite chez lui. Juste toi, personne d’autre. Le DUC, c‘est du costaud, et pas seulement pour la taille de ses bras. Rendez-vous donc dans les bureaux de sa marque Unküt, à Boulogne-Billancourt, forcément, pour discuter expatriation à Miami et musique électronique. Parce que son dernier opus est plus électronique que jamais, et qu’au fond, depuis Lunatic et Temps Mort, on a toujours gardé une sympathie pour ce mec qui bouscule le rap game français, et se moque de savoir si ça plaît, ou non. All Eyez On Him. Interview par Hîm Mohamed, publiée dans le TRAX #183 (juin 2015)
Quand t’as tout ça réuni et que t’as une vie comme la mienne qui te permet de voyager […] tu te rends compte du malaise.

Alors tu vis à Miami maintenant, pourquoi cette ville ?

Ouais. Pour la qualité de vie, le temps, le cadre, t’as l’impression d’habiter dans une carte postale. J’ai toujours aimé les Etats-Unis, d’abord pour la culture musicale, vestimentaire, le mélange. J’ai d’abord atterri à Los Angeles, mais c’était un peu loin, 9h de décalage, pour les allers-retours c’était galère. Et surtout Miami, c’est comme le bled, il y a de tout, des Russes, des Jamaïcains, des Haïtiens, des Latinos, Vénézuéliens, Argentins, Brésiliens, Porto-ricains, y’a des Canadiens, des Anglais, plein de Français. Il n’y a pas d’Américains en fait, c’est pas l’Amérique. Je kiffe, ça parle toutes les langues. Un peu comme New York mais avec le soleil. Je suis souvent vers Little Haïti, avec Gato qui rappe avec moi et qui vit là-bas.

Crédit : Loïc Ercolessi

Boulogne te manque ?

Ça ne me manque pas parce que je viens tous les mois. D’où le fait d’être à Miami et pas Los Angeles, les aller-retours sont plus faciles.

T’es parti à cause de la politique en France ?

C’est ce qui m’a motivé à partir, pas à Miami mais en général. Déjà à l’époque Sarkozy, c’était bien relou, impossible de faire la fête, les contrôles, le permis à points qui saute 50 fois, les impôts, aucune boite ou club, pas d’énergie, les gens se plaignent, le mauvais temps… Quand t’as tout ça réuni et que t’as une vie comme la mienne qui te permet de voyager en Afrique, au Brésil, en Russie, en Europe, aux États-Unis, quand tu vois ce qu’il se passe dans d’autres pays, tu te rends compte du malaise.

Est-ce que tu penses revenir vivre en France un jour ?

Définitivement, je ne pense pas. Je serai toujours entre ici et ailleurs, je serai partout.

À distance, t’as quelle vision du rap game ?

J’ai pas de distance, je viens de lancer OKLM.com donc je suis encore plus dans le rap game que les mecs d’ici. Je reçois des centaines, des milliers de vidéos tous les jours. Parfois j’aime juste un couplet, ou que le clip et on partage. On se dit que ça va motiver le mec et qui sait dans deux ans, il va peut-être devenir une star du rap. Au moins on donne une chance, et c’est ce qui manque en France et pas seulement dans la musique. Les opportunités, les aides à créer, à s’épanouir, à se développer, ça manque, c’est l’ennui. On se fait chier en France.

Les opportunités, les aides à créer, à s’épanouir, à se développer, ça manque, c’est l’ennui. On se fait chier en France.

Concernant l’Auto-Tune sur tes morceaux, c’est toujours très critiqué mais tu as réussi à en faire ta touche. Tu en penses quoi ?

C’est une question d’ouverture d’esprit et de culture musicale. Dans le reggae, le raï, le rap, il y a toujours eu de l’Auto-Tune. Ou quand j’écoutes Roger Troutman qui fait du Vocoder, je me suis jamais dit : “Oh putain il souffle dans un tuyau, c’est quoi ce délire !” Non, j’écoute avec les oreilles, je me pose même pas la question. Je n’ai jamais tenu compte des critiques : “Si tu kiffes pas renoi, t’écoutes pas et puis c’est tout !”

Avec Trax, on est plus dans la musique électronique…

Je ne connaissais pas trop la musique électronique, mais Miami c’est la ville de l’électro. Et quand tu vas dans les vraies soirées, t’es parfois surpris de la lourdeur du son. Mais ça dépend du DJ, quand c’est que des boum boum boum avec des bruits de scies sauteuses ou marteaux tout le temps… Après s’il y a moyen de faire un son, pourquoi pas ! Comme celui de Nicki Minaj où elle sample le morceau de house un peu anglais (Truffle Butter, ndlr), ça tue ! Moi je suis ouvert, un truc comme ça, ça me parle. Ce genre de son avec des voix soul, je connais bien, j’apprécie.

Dans ton album, tu as un morceau qui tend vers l’EDM, “Loin d’Ici”. C’est pour infiltrer le marché américain ?

Pour l’histoire, c’est un beat que j’ai depuis trois ans, qui n’a rien à voir avec ce que je fais, que je kiffes, mais c’était trop dans le turfu pour moi. Le truc il m’envahissait, impuissant face à l’instru. Et un jour j’ai trouvé le délire, je l’ai enregistré comme un freestyle. Il ne va peut-être pas plaire à pas mal de gens mais je le kiffe. Je ne cherche pas à infiltrer le marché américain. Ma force, c’est mon écriture, j’ai toujours été connu pour mes punchlines. En anglais, je suis incapable de poser pareil, je serai un Booba terminé à la pisse quoi.

Booba – D.U.C sorti le 13 Avril 2015 sur Tallac Records

Cover_DUC_photo BOOBA Artwork de “D.U.C.”, dernier album de Booba

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