Quel est votre setup studio ?
Antoine Husson (Electric Rescue) : Vu qu’on est 3 ça risque d’être long, surtout avec des geeks ! De mon côté, je fonctionne avec un double système de mixage ou je récupère tous mes synthés analogiques sur une console Midas Venice 32 pistes. Niveau synthés hardware j’ai 2 Waldorf Blofeld et Streichfett, un Roland JX-03 et TR-8, un Arturia Microbrute et pour finir une bonne petite case de synthé modulaire avec du Mutable, Doepfer, Make Noise, Tiptop Audio, et quelques autres marques.
Maxime Dangles : Chaque track a un setup différent, parfois c’est full modulaire, parfois full Ableton avec des samples et des plug-ins, et parfois un peu des deux !
Romain Poncet (Traumer) : Essentiellement l’ordinateur pour moi, avec une table Midas F24, deux TR-8 et un Push 2 pour Ableton.
Comment avez-vous transformé votre live en un album ?
AH : En fait, nous nous sommes rassemblés pendant 3 jours dans les studios d’une SMAC (Scène de Musiques Actuelles) à Romans, près de chez Maxime, et nous avons fait du live pendant 3 jours. Notre ingé-son Stéphane de Push Up The Audio a enregistré nos 32 pistes en temps réel, et nous sommes repartis chacun avec ces pistes, ce qui faisait 16 heures d’enregistrement. À trois, on en a tiré 40 à 50 morceaux. Nous avons alors fait une sélection de 20 tracks, que nous avons modifiée, avant de descendre à 12. Bonjour le casse-tête !
MD : Parfois il y a eu les mêmes idées, mais explorées différemment. Pour “Mist”, il y avait par exemple une version beaucoup plus dure et courte, mais nous avons choisi celle avec des longueurs. C’est devenu un track qu’il faut laisser tourner…
Combien de temps vous a pris la préparation de cet album ?
AH : C’est difficilement quantifiable, c’est noyé dans la masse de travail quotidien.
MD : Impossible à dire, on a tous les trois plusieurs projets. Mais il nous paraissait évident d’enregistrer cet album comme un live. Et surtout ensemble, car il ne faut pas oublier qu’à la base, Möd3rn c’est juste une excuse pour se voir plus souvent !
RP : C’est à la fois de plusieurs années ou de quelques jours – un travail qui a suivi son cours naturel, comme une rivière, avec des accélérations et des ralentissements.
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Vous avez chacun votre propre identité sonore comment se sont-elles mélangées pour créer le son de Möd3rn ?
AH : Nous avons laissé le naturel prendre le dessus, en laissant le live prendre possession de la couleur musicale de ce projet. On ne s’est jamais vraiment donné de direction. On branche, on allume et on s’envoie des trucs en mettant notre esprit en mode Möd3rn, on est là tous les trois au service des 2 autres et surtout de Möd3rn et on envoie des choses qui nous font penser à Möd3rn. Et ça rentre quasiment toujours. Parfois, en live nous faisons des clins d’œil à nos projets solo respectif mais ça ne va pas plus loin. Quand on monte sur scène on bascule en mode Möd3rn et hop c’est parti et la nature fait son travail, le ressenti du moment, à trois.
MD : On s’est vu une seule fois à la maison avant notre tout premier live, 3 jours. 3 jours pendant lesquels on a surtout réglé les problèmes techniques… Bref, on n’a pas vraiment fait de la musique. Mais on se connaît tellement qu’il n’y a pas eu vraiment besoin de se donner de direction. Par contre on fait un gros débrief à la fin de chaque live. On se remet quand même en question en permanence.
RP : En effet, même si nous prenons la chose de façon détendue, au bon sens du terme, il n’en reste pas moins que nous faisons attention à ce que nous allons proposer au public. La remise en question est de plus en plus présente à la fin de chaque session, ce qui je trouve est une bonne chose.
En quoi votre travail en commun influence-t-il vos travaux personnels, et inversement ?
AH : On se chipe quelques idées et formules. Lorsqu’on entend un des autres qui envoie quelque chose qui nous touche on peut lui demander comment il fait. On propose aussi volontairement des trucs aux autres, on ne protège pas nos petites recettes.
MD : C’est l’une des choses que j’aime le plus avec Möd3rn mais aussi avec les membres du label Skryptöm : l’échange ! On apprend toujours de l’autre… En 2017, tout le monde peut faire de la musique dans sa chambre, OK. Personnellement, je trouve qu’il manque un peu d’humain dans tout ça.
Qu’est-ce que vous avez appris en travaillant avec les deux autres membres de Möd3rn ?
AH : Cela serait difficile de tout citer, ce sont 10 ans d’amitié et de complicité.
MD : Que l’amitié c’est comme en amour, faut savoir maintenir la flamme. Pour le reste, c’est impossible d’établir une liste tellement cela m’a apporté.
De quoi est composé votre setup live ?
AH : Pour ma part en live j’emmène mon Mac et sa carte son audio 10, la TR-08 et les deux Waldorf Blofeld et Streichfett. J’ai arrêté de prendre mon modulaire car maxime a tout ce qu’il faut et ça ferait double emploi je trouve. Nous demandons une console Midas 24 ou 32 pistes pour brancher toutes nos machines et du câble, beaucoup de câble.
MD : Modulaaaaaarrrrrr !
RP : Un ordinateur avec Ableton, deux contrôleurs MIDI Livid Ds1, deux TR-8, un Push 2 et une carte son Traktor Audio 10.
Vous pourriez estimer son poids total ? Et la longueur totale de tous les câbles ?
AH : Pour mon matériel j’ai un poids estimé par Air France à 22 kilos, sans le modulaire de 12 kilos. Niveau câbles, chaque machine prend environ 4 câbles d’une moyenne de 3 mètres chacun, et la carte son en prend 18, plus le MIDI et les câbles USB. Je dois être en avoir pour 100 à 130 mètres de câble, peut-être plus…

Combien de temps consacrez-vous à la préparation d’un live ?
AH : Au début il nous fallait 2 heures, on galérait un peu. Aujourd’hui, quand tout se passe bien, ça se fait en 1 heure, mais l’on n’est jamais à l’abri d’un problème de synchro, d’une machine qui se met en grève, d’une mauvaise manipulation… Il y a presque toujours un petit truc à résoudre.
MD : Ce qui est bien c’est qu’on a chacun une pseudo-spécialité. Antoine, c’est la table de mixage et le câblage, Romain c’est la bière, les bons repas, et il a toujours un tableau blanc sur lui, ça peut vraiment servir… Moi je m’occupe du MIDI et des autres problèmes de synchronisation.
AH : On en parle de l’Instagram sur la bouffe de Romain ou pas ?
RP : (rire) Merci les gars ! Je suis le cuistot de groupe en fait, j’ai menti à la question sur mon équipement… Je fais le live avec 3 casseroles, 2 poêles, 4 couteaux japonais et 9 assiettes (entrée-plat-dessert).
On voit de plus en plus de live machine, vous avez le sentiment que c’est plus populaire qu’auparavant ? Est-ce que c’est une bonne chose pour la musique électronique ?
AH : C’est un vaste débat mais oui, le live n’est rien d’autre qu’un concert, et je pense qu’un artiste qui se donne à fond en tordant ses propres machines aura toujours plus d’impact qu’un gars statique derrière des platines. Il y a aussi des DJ’s qui donnent tout, bien sûr, donc au final tout est une question de bonhomme et de générosité.
MD : C’est le résultat qui compte, pas la manière dont on y parvient. Si tu utilises des machines par ce que c’est que t’aimes, fais-le ! Si tu utilises des machines parce que tu as envie de te la raconter, bah fais-le aussi !
Quelle est la part de l’improvisation dans vos live ?
AH : 70 à 80 % environ, que ce soit dans l’écriture de l’histoire, du choix des sonorités, ou de tout le reste d’ailleurs ! Il arrive que l’on passe des morceaux de nos projets solo ou de nos albums, mais c’est la cerise sur le gâteau. On se dit “allez ! On leur balance celui-là, ça va leur faire péter les plombs”.
Et vous ne vous marchez jamais sur les pieds ?
AH : Non, on a toujours fait attention à cela, on est là au service de Möd3rn et pas à celui de nos égos. C’est très important de savoir laisser la place aux autres. C’est du savoir-vivre simple, une philosophie globale. Si tu es perso et si tu as un égo démesuré, vis seul, ce sera mieux. Là on parle de partage, de regarder les autres évoluer.
MD : Et c’est pour cela que ça fonctionne, je pense. Sans cette notion de respect du groupe, ce gros jam techno de parfois 6 heures ne serait pas faisable.
RP : Oui chacun respecte l’autre. Après cela nous arrive que l’on dise à l’un : “attention, ce truc ça ne le fait pas trop” ou “c’est trop fort”. Et là encore, la personne écoute.