Dans une vidéo postée sur Instagram en janvier dernier, le DJ franchit la ligne fine entre blagues lourdes, et culture du viol.
En plus de sa carrière de DJ et producteur, Bob Sinclar a toujours aimé faire des blagues, notamment sur ses réseaux sociaux. Régulièrement, il poste sur Instagram des saynètes d’à peine quelques secondes, à caractère humoristique sur Instagram. Sa ligne éditoriale ? Blagues lourdes et peu originales. Jusque là rien de méchant, pourrait-on se dire. Pourtant, cet agrégat de contenus reflète le sexisme décomplexé qui régit la société, en plus de flirter, parfois très dangereusement, avec la culture du viol.
OK boomer
Un grand malaise. C’est tout au plus ce que provoquaient les dernières vidéos postées par le DJ de 53 ans sur ses réseaux sociaux. Bien loin de décrocher un sourire, ces vidéos inspirent tout au plus un certain dégoût pour cet humour qui, sans doute, se voulant provocateur, ne l’est en aucun point. Il semble donc utile de rappeler que non, il n’y a rien de subversif, en 2023, à mettre en scène une femme, à la fois jeune et mince, presque entièrement nue. Dans cette vidéo, postée en janvier 2022, le DJ imagine un rêve érotique, où le male gaze, tel que théorisé par la chercheuse Laura Mulvey, règne en maître. On vous recommande à ce titre la lecture de son excellent article Plaisir visuel et cinéma narratif, publié en 1975, dans lequel elle met en lumière la manière dont la forme filmique est structurée par l’inconscient de la société patriarcale. Pour revenir à la vidéo mise en ligne par Bob Sinclar, on ne peut voir, à aucun moment, le visage de la femme mise en scène. Seulement son corps sexualisé à outrance par la personne derrière la caméra. Une image qui ressemble à tant d’autres, qui abreuvent depuis des décennies les industries du cinéma, des séries ou encore de la publicité. En outre, cette vidéo fait suite à de nombreuses autres, où le DJ cumule les blagues érotiques à caractère sexiste : ici, il reprend la vidéo d’une jeune femme de 22 ans s’étant fait refaire les seins, ici, il se met en scène en train de coucher avec une guitare, ici, il filme sa propre érection au réveil. Et il en existe encore beaucoup d’autres dans le même genre.
La culture du viol, c’est quoi ?
En réalité, la vidéo qui est à l’origine de l’écriture de cet article est bien celle-ci, postée le 21 janvier dernier. Alors que quelqu’un (une femme, devine-t-on) se douche et fait tomber un savon à terre, Bob Sinclar apparaît subitement dans le champ de la vidéo pour, encore une fois, devine-t-on, sodomiser par surprise la personne qui se douchait. C’est donc bel et bien un viol qui est mis en scène et réduit au statut de blague. Un acte qui est ici dépolitisé, décomplexé et banalisé, alors qu’en France, ce sont chaque année environ 94 000 femmes qui sont victimes de viol ou de tentative de viol, tel que l’explique l’autrice Noémie Renard dans son ouvrage En finir avec la culture de viol. Ainsi fonctionne cette fameuse culture du viol : par la minimisation des violences sexistes et sexuelles, menant à la déculpabilisation des agresseurs, voire même, à la culpabilisation des victimes, ce qui les empêche, aujourd’hui encore, de porter plainte. Bob Sinclar n’a peut-être pas conscience du discours sexiste et dangereux qu’il partage sur ses réseaux, et c’est précisément la raison pour laquelle il est nécessaire de faire éclore des contre-discours, face aux images dominantes qui infestent nos imaginaires.
Si vous avez été victime et/ou témoins de violences sexistes et sexuelles, voici quelques structures vers lesquelles vous pouvez vous tourner :
- Violences Femmes Infos, un service mis en place par le gouvernement à destination des femmes victimes de violences, ainsi que les témoins de ces violences (3919, par téléphone, appel anonyme et gratuit)
- SOS Viols Femmes Informations, un service mis en place par le gouvernement à destination des femmes victimes de viol ou d’agressions sexuelles et leur entourage – (0 800 05 95 95, par téléphone, appel anonyme)
- Le tchat de l’association « En avant toute(s) » est gratuit et anonyme, il s’adresse aux femmes victimes de violences sexistes et sexuelles
- L’application App-Elles qui vous permet de donner l’alerte en cas de problème
- FDFA : écoute, orientation et accompagnement social, juridique, psychologique et administratif pour les femmes handicapées victimes de violences et de maltraitances (01 40 47 06 06, ecoute@fdfa.fr)
En cas d’urgence
- Appelez la police au 17
- Si vous ne pouvez pas parler, envoyez un SMS au 114
- Vous pouvez discuter avec la police de manière anonyme, 24h sur 24h sur https://www.service-public.fr/cmi