Une fois passé le Col de Teghime qui sépare Bastia de Saint-Florent, la route serpentée débouche sur Patrimonio. « En corse, on dit Patrimoniu », rappellent des tags qui bardent le panneau indiquant l’entrée de ce village de 600 âmes. Manière de dire que la langue locale, tout comme le patrimoine, ici, on en prend soin.
À rebours des festivals démesurés et des boîtes huppées sur les plages du sud de l’île, le Ballà Boum – qui se tiendra cette année les 23 et 24 août prochains – fait office de contre-modèle, familial et attaché à ses racines. François Dagregorio, l’un de ses instigateurs, préfère d’ailleurs parler d’une fête de village, « pour retrouver l’ambiance de nos premiers émois musicaux ». Entièrement conçu par des bénévoles des alentours, de la “cabane disco” au stand de limbo, le Ballà Boum ressemble à un jardin d’exposition du “do it yourself” à la mode corse. Cocktails et assiettes sont servis par des amis ou amis-d’amis des organisateurs, et les décors sont faits à la main par Babou et son équipe, la signalétique par Dominique, un vieux peintre publicitaire du coin.
À lire également
En Corse, les soirées électroniques sont-elles enfin en train de devenir intéressantes ?
Autour de la scène principale, qui gît au fond d’un mini-théâtre cerné de feuillage, tout le monde se connaît, ou finit par se connaître. Mises à part les têtes d’affiche venues du continent, rare sont ceux qui ne parlent pas avec un accent corse prononcé. Le succès des trois premières éditions du Ballà Boum repose d’ailleurs sur un subtil alliage entre des représentants prestigieux des scènes du continent (Cosmo Vitelli, Red Axes, Flavien Berger et Legowelt y sont passés), des artistes 100% corses et une intendance composée presque exclusivement de produits locaux.
Rien d’étonnant à ce que, en 2018, Bertrand Burgalat, l’un des patrons de la variété française, fasse des pauses durant son concert avec le groupe Catastrophe pour y raconter ses histoires de jeunesse en Corse. C’est ce que François appelle le “nationalisme moderne” : concilier la mise en valeur de l’identité insulaire — « qui transpire en nous depuis qu’on est gosses » — avec les musiques actuelles et notamment électroniques. Niveau brassage culturel, on peut difficilement faire mieux. Lors de la dernière édition, les chanteurs de musique corse Alba partageaient l’affiche avec Keep Dancing Inc, des jeunes parisiens fou d’électro-pop.
À lire également
Un village de vignerons corses va accueillir 2 jours de festival électronique dans les montagnes
Cette année, le Ballà Boum propose de nouveau une plongée à la découverte de l’identité corse en forme de patchwork. À l’image du duo Acid Child, un groupe de synth-pop psyché à cheval entre Manchester et Ajaccio. En haut de l’affiche, on trouve aussi le sombre Berlinois Curses et la dernière protégée de Soulwax, Charlotte Adigéry, qui ne cesse d’étonner avec seulement deux sorties à son compteur entre gwoka, sonorités pop et voix soul.
Ultime indice du lien qui unit le Ballà Boum à la terre corse : les afters. Après deux heures du matin, les festivaliers sont invités à suivre les DJ’s du collectif bastiais From disco to disko chez un producteur de vin en contrebas de Patrimonio. Une boule disco est installée au milieu de colonnades d’où s’enroulent des feuilles de vigne grimpantes. Depuis ce palais qui aurait fait rougir Bacchus, l’italo-disco résonne dans toute la vallée jusqu’au premières lueurs du jour sur l’église San Martinu, qui surplombe Patrimonio. Décidément, qui a dit que la défense du patrimoine était une affaire de réac’ ?
Plus d’informations sur la page Facebook de l’événement et sur le site Internet du Ballà Boum.