L’annonce par le ministre de la Santé Olivier Véran, ce dimanche 8 mars, de l’interdiction des événements de plus de 1 000 personnes en milieu confinés a suscité l’inquiétude chez les professionnels de la culture. À Paris, la préfecture de police, par la voix de Frédérique Camilleri, directrice adjointe du cabinet du préfet, précisait ce lundi les modalités d’applications dans la capitale : une interdiction jusqu’au 15 avril, pour une population de 1 000 personnes présentes à un instant T dans un même lieu confiné. Des grandes institutions publiques aux salles de moyenne capacité, d’aucuns s’interrogent sur l’impact sur leur activité à l’économie fragile.
Des conséquences non négligeables
La plupart des clubs et organisateurs contactés par Trax déclarent être en mesure de limiter leur jauge en deça des 1 000 personnes (incluant l’équipe et les artistes) afin de maintenir le maximum d’événements programmés. Mais une jauge réduite signifie aussi des revenus moindres, alors que l’équilibre budgétaire est souvent délicat. Comme le souligne le chef de projet de La Machine du Moulin Rouge, Julien Delcey, « les salles et organisateurs font souvent leur balance avec les dernières places vendues, là ça va être très compliqué pour eux et pour nous ».
Pour les grandes soirées électroniques en hangar, dont a coutume la proche banlieue parisienne, difficile d’imaginer la suite immédiate face au manque d’information et d’accompagnement. « On a surtout beaucoup de questions », s’exclame Anne-Claire Gallet, co-organisatrice des soirées Possession. « On a une soirée le 21 mars qui va être impossible à tenir avec les coûts que l’on a. On pourrait rembourser les tickets, retirer des noms au line-up, mais ça ne tiendrait pas. Je ne la ferais pas. Et la Possession du 25 avril, pourra-t-on la faire ? » Tous pointent l’absence d’assurance pour ce type d’annulation, notamment pour des événements dont la production a été lancée avant le début de l’épidémie. « On refuse purement et simplement de nous assurer » déclare un collectif dont le récent événement a dû être relocalisé en urgence, « c’est une perte sèche pour l’entreprise ».
Des alternatives pour s’adapter à la situation
Hors de Paris, la question de la limite temporaire de l’arrêté est la grande question. À Nantes, Quentin Schneider, gérant et programmateur du Warehouse se demande ainsi « jusqu’à quand ces mesures vont-elles réellement durer ? Est-ce que la situation va empirer ? La jauge va-t-elle être réduite, impactant de nouveaux lieux ? On avance week-end par week-end… ». Le directeur général de la Halle Tony Garnier à Lyon, Thierry Teodori, joint par l’AFP, ne dit pas autre chose. « On aurait vraiment besoin d’une date butoir pour s’organiser. Jusqu’à présent on reportait à juin, mais là on est obligé de reporter jusqu’à un an faute de place, car tout est pris à l’automne et l’hiver prochain ».
Outre l’impact financier pour ces sociétés, tous s’interrogent sur les conséquences pour leurs techniciens, qui pourraient avoir des difficultés à boucler leurs fins de mois, ou à renouveler leur intermittence, après avoir déjà perdu plusieurs dizaines de dates de prestation – notamment à l’approche de la période des festivals – en seulement quelques jours. « Il faut que le ministère de la Culture et l’État rassure réellement le public, plutôt que de tomber dans la psychose», tonne Kévin Ringeval, président de l’association 3672, « dans quelles mesures est-il possible de rembourser ces pertes et vraiment soutenir le monde du spectacle vivant ? ».
Devant l’urgence, certains acteurs autrefois face à face n’hésitent pas à se rapprocher. Dehors Brut a ainsi accueilli ce week-end l’organisation Yoyaku, qui avait vu son événement à l’aéroport du Bourget annulé. Quentin Laroche, président de l’association Vryche House, applaudit ces nouvelles solidarités entre organisateurs. « Nous discutons beaucoup ensemble en ce moment, nous échangeons les bonnes idées. Et nous partageons les risques pris dans ce contexte ». Vryche House s’est donc associé avec le collectif La Quarantaine pour leur prochaine soirée à La Machine ce samedi 14 mars.