Concrete : l’histoire jamais racontée de la fête qui a changé Paris 1/3

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©D.R.
Le 24.10.2016, à 12h20
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©D.R.
Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©D.R.
Depuis la première TWSTED en 2011 à l’ouverture de la première édition du Weather Festival au Palais des congrès de Montreuil, l’équipe de Surpr!ze remonte le temps et raconte l’histoire de Concrete, qui a placé Paris parmi les villes qui comptent sur la carte des musiques électroniques. Concrete fête d’ailleurs ses 5 ans du 5 au 7 novembre sur la barge.Par Raphaël Malkin

L’histoire d’un twist

Tejjy Gauthier, directeur de la communication de Concrete

“Aurélien et moi fréquentions le circuit des rave parties. Je me souviens de cette fête, à Nantes. Avant de prendre la route, pendant que l’on installait notre sound-system dans notre camion, on se disait qu’il s’agissait sûrement là de notre dernière rave. On en avait un peu marre de tout ça, on était lassés d’être les seuls à danser sur de la house, au milieu d’une armée de petits pois qui n’étaient branchés que par le hardcore. On avait l’impression d’être un brin inutile. Il y avait mieux à faire ailleurs.”

Aurélien Dubois, cofondateur de Concrete et président

“Nous avons monté quelques fêtes à Paris. Elles s’appelaient What The Fuck. L’une d’elles s’est déroulée dans un ancien club échangiste, le Roméo Club, à Saint-Germain. C’est à cette occasion que l’on a fait une rencontre fondamentale, avec Brice et Pete qui, eux aussi, avaient occupé le Roméo Club. Tous ensemble, on rêvait de monter de nouvelles soirées, éprises de liberté, avec un tissu musical et artistique différent de ce qui se faisait jusque-là. Surtout, on voulait que ce soit des fêtes de passionnés et d’amis.”

Cette première TWSTED, c’était un véritable bordel organisé

Brice Coudert, cofondateur de Concrete, et directeur artistique

“Je rentrais de Berlin où j’avais littéralement vécu dans le Bar 25 – j’occupais une petite maison installée derrière les backstages. C’était la dernière année de ce club et ses patrons m’ont proposé d’organiser une fête à Paris pour célébrer sa fermeture. Je n’avais aucune expérience pour monter ce genre d’événement, mais j’ai dit oui. Avec Pete, que je connaissais, on s’est associé à Tejjy et Aurélien pour créer TWSTED. C’était l’alliance de deux crews.”

twsted concrete

Adrien Betra, cofondateur de Concrete

“Je travaillais avec les Spiral Tribe, je manageais les Sexy Sushi, j’organisais des fêtes hardcore, comme les Paramaniacs. Je faisais également des pochettes de disque, mais à cette époque, il n’y avait plus beaucoup de budget pour les graphistes. J’habitais pas loin de l’appartement où Tejjy était en coloc et on se retrouvait pour faire la fête, vers la rue du Temple, à Paris. Nous nous sommes rencontrés et ça a été un coup de foudre amical. J’ai tout de suite voulu les aider pour leur première fête TWSTED et je suis parti dans une cave d’Asnières récupérer des stocks d’alcool qu’il me restait d’autres fêtes.”

Brice Coudert

“Cette fête en hommage au Bar 25 devait initialement se tenir dans une cité industrielle, à Vincennes, la Jarry. Mais une semaine avant, les types qui géraient la salle nous ont demandé de l’argent en plus. Façon mafieuse, avec un gros chien en laisse. On a bien sûr refusé, mais c’était la panique : nous n’avions plus d’endroit. Et puis je suis tombé sur ce vieux studio de cinéma qui organisait des événements d’entreprise. Je suis allé voir les propriétaires, en costard, et j’ai présenté notre affaire sans entrer dans les détails pour ne pas les effrayer.”

Pete Vincent, cofondateur de Concrete et responsable de l’accueil artistes.

“Cette première TWSTED, c’était un véritable bordel organisé. Nous avions oublié d’acheter des portants pour le vestiaire. Nous avons donc eu la bonne idée de mettre les vêtements des gens dans des sacs-poubelles sur lesquels on agrafait des numéros. Évidemment, les numéros ne restaient pas agrafés. Ça a provoqué un sacré bordel, mais personne ne nous en a voulu. On lançait une aventure.”

Sur le pont

Brice Coudert

“J’étais quai de la Rapée, au bord de la Seine. C’était un dimanche, pour la Sundae. Je me suis éloigné de la fête avec une fille et je suis tombé sur cette barge. Je n’avais jamais vu pareil endroit : tout était en béton, très uni, comme un warehouse, mais flottant. C’était à mi-chemin entre le Robert Johnson de Francfort et la salle du bar du Watergate à Berlin.”

C’est d’abord une histoire de connexions : on a réussi à réunir toutes nos forces.

Adrien Betra

“Cette barge, c’était une opportunité incroyable, un endroit rêvé. Dans un port, loin de tout, on se disait qu’on pourrait y faire la fête à l’abri du monde. Nous sommes allés voir sa propriétaire, une dame de 80 ans, qui a tout de suite accepté de nous la laisser. Elle pensait peut-être qu’on allait y organisait une petite soirée, comme ces fêtes salsa qui s’y tenaient parfois.”

concrete weather interview
© Luc de Lagontrie

Aurélien Dubois

“La première TWSTED sur la barge est un épisode très brumeux. C’était extrêmement compliqué à monter. Tout a été réalisé à force de débrouille, avec trois planches et quatre vis. Pour le DJ booth, il a fallu monter une sorte de stand en bois avec un tissu bleu, blanc et rouge, un peu n’importe comment. On avait aussi des pauvres enceintes qui étaient suspendues alors qu’elles n’étaient absolument pas faites pour ça.”

Brice Coudert

“Avec Aurélien, Pete, Adrien et Tejjy, on a tout fait à cinq. Je venais de récupérer les clés d’un appartement à deux pas du Stade de France et celui-ci a servi d’entrepôt pendant plusieurs jours avant la fête. On y a notamment déposé les vieux canapés et les lits achetés chez Emmaüs et que l’on comptait utiliser comme décor pour la soirée.”

San Proper @ Twsted II, 08/05/2011

Tejjy Gauthier

“On a tout financé avec nos deniers personnels et ça ne représentait pas un petit risque. On a investi de l’argent que l’on n’avait pas en espérant que du monde vienne. Et la soirée a été rapidement sold out grâce à Facebook. C’est d’abord une histoire de connexions : on a réussi à réunir toutes nos forces. Nos cercles respectifs ont formé un énorme réseau de gens ravis de pouvoir faire une fête comme ça dans Paris.”

twsted concrete

Pete Vincent

“Là encore, ça a été un sacré bordel organisé ! On était tous assez beurrés et il fallait gérer. Je me souviens qu’il n’y avait pas assez de monde pour servir au bar. Du coup, des gens sont passés derrière et se sont mis à jouer les serveurs. C’était improbable.”

Brice Coudert

“À un moment, je suis sorti du bateau pour aller chercher un artiste qui attendait dans une chambre d’hôtel. J’ai monté les escaliers qui donnaient sur la route et je me suis retourné. Là, j’ai vu San Proper jouer le générique du Flic de Beverly Hills, des confettis qui pleuvaient partout, des gens déguisés en train de danser. J’avais des paillettes dans les yeux.”

concrete weather interview
© Luc de Lagontrie

Adrien Betra

“Cette TWSTED représente un moment absolument abstrait. C’était une fête où l’on ne contrôlait absolument rien, les gens allaient où ils voulaient. Sur le pont, c’était de la folie : il y avait le même son qu’à l’intérieur. Et sur les quais, les gens s’arrêtaient pour regarder ce qui se passait. Les voitures, aussi. Tout le monde était éberlué. Personne ne comprenait pourquoi cette drôle de barge s’agitait comme ça en plein jour. Finalement, la police est arrivée. Les types n’étaient pas au courant de ce qui se passait non plus. L’un d’eux nous a dit : “Mais, vous vous croyez où ici, Monsieur ? Vous vous croyez à Ibiza ou quoi ?” Pendant ce temps-là, derrière moi, tout le monde sautait et dansait. Je lui ai répondu : “Monsieur, je crois qu’on est bien à Paris.” On aurait dit la scène d’un vaudeville.”

Tejjy Gauthier

“À 22 heures, la brigade fluviale nous a demandé de couper la musique sur le pont, mais on a continué en bas. Ce soir-là, on a poussé jusqu’à 2 heures. Cette fête est mythique. Elle a été chaotique mais, paradoxalement, c’est celle qui a fait le plus parler. Les gens voulaient revenir, mais nous, on ne savait pas quand aurait lieu la prochaine.”

Aurélien Dubois

“Le 8 mai 2011. C’était un moment mystique, vraiment. Il y avait une énergie folle. J’ai renoué avec l’image et le sentiment que je me faisais de cette scène. J’ai retrouvé les fondamentaux de la fête. A la fin, on ne savait pas si on aurait l’énergie de relancer la machine. Mais on ne pouvait pas s’arrêter. Après deux jours sans dormir, on s’est dit que ce qu’on vivait était complètement fou. Tout ce qu’on voulait, c’était recommencer.”

Lire le deuxième épisode

Article paru dans le Trax #192 du mois de mai. Pour s’abonner, c’est par ici.

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