Quand on parle “d’art du DJing”, le nom d’Harvey vient tout de suite à l’esprit : éduqué aux sets marathons par Larry Levan – avec lequel il est devenu ami lors de son passage à Londres –, l’Anglais installé en Californie est de ceux qui proposent des voyages aux danseurs, avec une préférence marquée pour le format all-night long. On parlait des DJ’s chamans dans le numéro de Trax de février, et Harvey est l’un des plus qualifiés pour mettre les danseurs en transe. L’an passé, il avait mystifié le dancefloor de Concrete avec 6 heures de mix incroyables, laissant désemparés les shazameurs les plus forcenés. La bonne nouvelle, c’est qu’Harvey avait kiffé son passage à Paris. Et qu’il a décidé de remettre ça avec une “résidence” sur la barge, qui consistera en trois nuits de mix en 2017. À la sortie de sa session de surf matinale dans l’océan Pacifique, et avant qu’il n’aille tester des enceintes au showroom JBL (vis ma vie de DJ en Californie), Harvey a pris un moment pour discuter avec Trax de cette série de mix en Europe.
Comment se passe ta vie à Venice Beach ? Tu passes d’un océan à un autre, après Miami la semaine dernière.
Oui, j’étais à la Winter Music Conférence, j’ai mixé au Basement Miami avec Seth Troxler et à l’Electric Pickle toute la nuit en solo. En ce moment, c’est Spring Break aux USA, donc tu as tous les kids du lycée et de la fac qui vont à South Beach à Miami pour écouter de l’EDM durant l’Ultra Music Festival.
Il y a des springbreakers qui se sont perdus dans tes soirées ?
Un ou deux qui ont été surpris de voir que les vieux font plus la fête qu’eux (rire).
Après Ministry of Sound, tu viens d’annoncer ta résidence à Concrete, où tu joueras le 22 avril pour la première de tes trois dates.
Cette année, j’avais envie de me concentrer sur les clubs, parce que je suis plus un DJ de club que de festival. Et puis je viens de cette culture du nightclubbing et des warehouses, même si j’ai appris à jouer dans les festivals, c’est dans ces lieux que je fonctionne le mieux. Alors j’ai choisi ce que je pensais être les 10 meilleurs clubs du monde pour m’y installer. Après, “résidence” est un grand mot, je n’y joue que trois fois dans l’année dans chaque endroit, ce n’est pas comme si j’y étais toutes les semaines ou tous les mois. Parmi les clubs, il y a notamment le Ministry of Sound (Londres), Concrete (Paris), Berghain (Berlin), Lux Fragil (Lisbonne), Pikes (Ibiza), De Marktkantine (Amsterdam)… Je sais que c’est dans ces lieux que j’exprime le mieux mon art. Très peu de festivals me feront jouer pendant 6, 7 ou 8 heures. Souvent, il y a une centaine de DJ’s bookés, ce n’est pas une scène qui met avant l’art du DJing, c’est une dynamique différente.
DJ Harvey – Essential Mix
Tu vas t’installer momentanément en Europe ?
J’y serai pour un mois, mais j’aime vraiment vivre à Los Angeles, donc j’y retourne aussi souvent que je peux. Si je passe trop de temps sur la route, je n’ai pas un bon lifestyle. Après, j’irai à Bali, en Australie, au Japon, puis je reviens en Europe pour deux mois pour août et septembre pour ma résidence à Ibiza, puis re-USA, re-Bali, re-Europe et ce sera déjà Noël.
Bali, Australie… C’est plus facile de te booker près d’un bon spot de surfeurs?
Haha, clairement, c’est quelque chose que je prends en considération !
Qu’entends-tu quand tu dis que tu as appris à jouer dans les festivals ?
Dans les festivals, ce qui arrive souvent, c’est que tu joues pendant un temps très court devant un public plus large. Tu dois donc abaisser le dénominateur commun de la musique pour pouvoir toucher plus de gens. Plus il y a de monde, plus le dénominateur commun est petit pour parvenir à divertir ces gens. Avec une tranche horaire réduite, le set doit être plus un show, plus dynamique, plus sonique. Quand on me propose un set d’une heure dans un festival, pour moi, ça représente 5 disques. (Il rigole.) Qu’est-ce que je fais avec ça ?
Tu acceptes quand même ce genre de gigs ?
Oui, je suis un DJ professionnel, donc je suis content d’être payé (rire). Et c’est aussi une compétence de savoir mixer en festival. Il y a quinze ans, quand cette culture de nouveaux festivals est arrivée, je trouvais très difficile de faire du bon boulot, mais maintenant, je sais comment parler aux gens avec des sets très courts. Les clubs ont une capacité limitée, donc un budget limité, et ils ne peuvent pas te payer très cher. Les festivals génèrent plus d’argent donc souvent, je suis mieux payé pour jouer moins longtemps.
Que fais-tu différemment quand tu dois jouer seulement deux heures ?
Juste jouer de la musique plus accessible. Et ne pas jouer de disques de 15 minutes, parce que je n’ai pas le temps de raconter une histoire.
Comment tu as choisi ces clubs ? Tu les as tous fréquentés auparavant ?
Oui, j’ai joué dans tous ces clubs, et j’ai apprécié y jouer. Pour ce que je fais, ce sont les clubs les plus adaptés d’Europe. J’ai souvent dit que le plus important dans un club, ce sont les toilettes, une bonne équipe de sécurité et un sound-system correct. Ce sont tous ces éléments qui, quand ils sont réunis, font d’un club un lieu où les gens aiment aller s’amuser.
Locussolus (DJ Harvey) – Berghain (Darkroom Mix)