Comment un grand sculpteur français a inspiré le nouveau live électronique de Roscius

Photo de couverture : ©@ DR
Le 26.09.2018, à 11h40
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Samedi 29 septembre se tiendra le concert de Roscius pour le lancement de l’exposition Transmission/Transgression du musée Bourdelle, où le musicien est convié à jouer dans le hall des plâtres, au milieu de statues monumentales. Dans l’atelier où se sont croisés des élèves venus du monde entier, devenu maintenant le musée Bourdelle, Roscius, qui a fait de sa vie et de son oeuvre un voyage, proposera un siècle plus tard son live improvisé. Pour l’occasion, Trax s’est entretenu avec Amélie Simier, commissaire de l’exposition Transmission/Transgression, et Roscius.


Qu’avez-vous cherché à montrer dans cette exposition ?

Amélie Simier : Le projet est de faire surgir le phénomène absolument magique qui est advenu dans cet atelier, à savoir comment Antoine Bourdelle a transmis une façon d’approcher la sculpture tout en poussant ses élèves à transgresser les styles. Nous allons montrer d’abord d’où Bourdelle vient lui-même, puis comment est-ce qu’il transmet ce à quoi il croit à des élèves venus du monde entier. Il les pousse à chanter leur propre chant. Pour cela, nous avons mis au point une scénographie immersive, où le visiteur est plongé au coeur de l’atelier et au plus près des visages des élèves. Il s’agit de redonner chair aux fantômes qui ont évolué dans ces espaces. On s’appuie notamment sur des photographies, agrandies pour des formats muraux, ou animées, ainsi que des bruits de voix, celle de Bourdelle notamment qui déclare des idées choc : « Ici il faut casser tous les vieux moules de l’enseignement », « L’élève c’est le modèle ». C’est donc une scénographie très rythmée, où on essaye le plus possible de remettre de l’humain dans tout cela.

Roscius : J’ai eu la chance de voir cette exposition au cours d’une visite privée, et j’ai adoré, surtout moi qui ne connaissait pas l’existence du musée avant d’avoir cette opportunité d’y jouer. Les oeuvres sont assez monumentales, donc c’est très inspirant.

Roscius, qu’est-ce que ça te fait de jouer dans un lieu institutionnel, qui plus est très beau, avec ces sculptures gigantesques autour de toi ? Tu avais déjà eu des expériences similaires ?

R : Il m’est déjà arrivé de jouer dans des galeries d’art, et dans des musées comme celui d’art contemporain à St-Petersbourg ou le musée des arts asiatiques, le musée Guimet, à Paris. Mais que ce live soit centré sur le thème de l’exposition, c’est une première. Jouer dans des lieux comme ça, ça impose le respect. Néanmoins, mon envie n’est pas d’en faire un live trop solennel, intellectualisé, sérieux, mais de faire entendre une musique agréable et intéressante à écouter. C’est aussi du show, il faut que ça reste ludique. Il sera assez tôt, l’atmosphère y sera différente notamment dans la manière dont les personnes vont porter une attention très accrue aux détails.

L’une des premières idées de l’exposition est de parler de la relation qui unit le maître à l’élève. Pourquoi ce thème est-il important pour vous ?

AS : C’est une expérience que l’on partage tous, d’être un jour des élèves, de se faire réceptacle, puis avoir eu besoin de s’émanciper de cet enseignement. Ce thème est également très important en histoire de l’art. Il y a toujours une question de choix : certains filiations sont assumées, d’autres moins. Après c’est un jeu d’hommage, de copie, de citation, de détournement, de dialogue de motifs. Il y a tout un panel de variations que l’on peut dérouler dans une oeuvre.

R : Cette question du maître est aussi très importante pour moi. J’avais un maître de percussions qui s’intéressait aux musiques de Chine, d’Amérique du Sud, et il m’a pour ainsi dire ouvert les yeux. J’aime cette idée de transmission, d’avoir des règles, puis de les casser…

Et puis en filigrane, il y aussi l’idée de la transgression, qui s’applique à un grand nombre d’autres disciplines…

AS : Oui, tout à fait. En musique en particulier, il y a tous ces jeux de distorsion, de reprise, de répétitions, qui sont tout aussi fascinants.

R : Pour ce live, j’ai décidé que j’allais m’inspirer du titre de l’exposition, en partant de l’histoire de la musique électronique, et notamment de la dance music, avec sa dimension répétitive. Soit d’incorporer des éléments musicaux de ces morceaux et ensuite de les transformer et de les développer à ma manière. Ce ne sera pas des covers, mais il y aura des éléments connus, de la house de Chicago à la musique de Detroit, avec des thèmes musicaux.

Roscius, lors de tes nombreux voyages, tu enregistres beaucoup, en réalisant beaucoup de samplings, comme ce que tu as fait à Beyrouth pendant les manifestations. Tous ces bruits du monde, comment choisis-tu de les incorporer dans ta musique ?

R : Au début, je ne savais pas vraiment proposer quelque chose d’intéressant en restant uniquement en studio. Et puis, il y a toutes ces atmosphères, ces endroits, que je trouve beaux ou différents. L’idée c’est de les capturer, de le jouer en studio et de m’amuser par-dessus, réussir à trouver de la musicalité dans toutes les atmosphères sonores. À cette manifestation en plein dans l’action des printemps arabes, il y avait des milliers de personnes sur la place centrale de Beyrouth. J’ai enregistré cette énergie, qui se dégageait d’une volonté forte de révolution, d’un ras-le-bol de la corruption. C’était extrêmement fort.

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En écoutant tes différents mix, on se dit vraiment que tu es hors-genre, que tu échappes à toute catégorie musicale. Toi-même est-ce que tu t’inclus dans un genre musical ? Cette manie de vouloir définir un artiste est-elle utile ?

R : Oui, c’est tout à fait ça. Les gens ont tendance à me catégoriser en électro, alors qu’il y en a très peu dans ma musique, composée uniquement d’instruments acoustiques. Qui plus est, je suis un fervent défenseur de l’abolissement des frontières : le fait que l’on délimite des espaces pour désigner la population qui se l’approprie ensuite m’énerve. Et c’est la même chose en musique. J’intègre beaucoup de hip-hop et de musiques du monde, d’Afrique de l’Ouest ou d’Amérique du Sud. Ce qui m’intéresse, c’est de faire quelque chose qui a de la valeur au moment où je le joue, peu importe l’outil. J’ai fait des sets sur des sculptures sonores, ce qui a donné une sorte de musique contemporaine abstraite, mais aussi au piano… Les gens savent bien qu’on ne sait pas où l’on va avec moi.

D’autant plus que cette exposition va réunir les oeuvres de tous les élèves de Bourdelle, qui venaient d’Europe, d’Asie… Tu t’en réjouis particulièrement, en tant que quasi-nomade ?

R : En effet, plus il y a de personnes différentes, d’horizons et d’origines présents, en perpétuel déplacement, plus ça me plait. Les hommes se déplacent depuis une éternité, et c’est important que l’on puisse continuer à se déplacer librement et transporter la culture d’un pays à un autre.

Une des choses que vous attendez de cette soirée, c’est que d’une certaine manière, par un phénomène presque magique la musique et la sculpture entrent en résonance ?

AS : J’ai hâte de voir et d’entendre Roscius au milieu des sculptures gigantesques du hall des plâtres. J’imagine assez bien comment il va puiser aux sources différentes de toutes les choses qu’il a pu voir, écouter, rencontrer, traverser… C’est une collecte, un bagage intellectuel conséquent. Je suis fascinée par le parallélisme qu’il y a avec la façon dont Bourdelle poussait ses élèves à apprendre à droite à gauche, puis à créer quelque chose d’absolument sien.

Les informations concernant l’événement du 29 septembre sont à retrouver ici.

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