Comment mixer du hip-hop comme un pro ? La nouvelle génération de DJ’s répond

Écrit par Kenza Naaimi
Photo de couverture : ©YARD
Le 20.04.2018, à 16h21
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Écrit par Kenza Naaimi
Photo de couverture : ©YARD
Les 19 et 20 mai prochains, Marvellous Island revient monter ses trois scènes techno, house et downtempo habituelles sur la plage de l’île de loisirs de Vaires-Torcy, à moins d’une heure de Paris. Petite surprise supplémentaire cette année : une scène RADAR 100% hip-hop y sera mise en place. À cette occasion, Trax a pu discuter avec trois des artistes qui s’y produiront de leur rapport au mouvement et des techniques de mixages qui différencient un set hip-hop d’un set techno.

Quand Vanderkush – ou VDK –, de Tealer Records, ne s’amuse pas à poser du PNL sur un beat techno, il reprend les instrumentales de 2Pac ou Lunatic pour en faire des morceaux trap US. VDK nous propose ainsi un univers 90’s revisité, comme dans “Trappy Jacob”, l’un de ses titres phares aux vibes à la fois apaisantes et frappantes. Kirou, du label Roche Musique, semble, lui, avoir le cœur qui se balance entre R’n’B oldschool et dancehall. Dans ses mix, on retrouve énormément de sonorités orientales, voire parfois africaines, qui s’enchaînent sur un rythme assez élevé. Des sonorités que l’on retrouve aussi du côté de Rakoto 3000. À la manière des deux DJ’s précédents, le producteur allie dancehall, rap et trap tout en reprenant des airs de Kaytranada, pour la bonne ambiance. Devant ce mélange de genres inhabituel, Trax est alors allé demander aux trois DJ’s comment l’on travaille un set musicalement hybride, entre hip-hop et techno.

 

Est-ce qu’il y a une différence fondamentale entre un mix de musique dance et un mix hip-hop ?

Rakoto 3000 : C’est tout simplement pas le même genre de musique. Les sonorités sont différentes, les transitions effectuées ne seront pas les mêmes. Les DJ’s n’auront donc pas la même approche. Dans un set techno, ce qui est cool, c’est que tu peux jouer deux morceaux en même temps. Tu peux harmoniser les mélodies, ça passera forcément bien. Il y a beaucoup moins de sons avec des paroles, contrairement au hip-hop. Tu peux aussi placer des scratchs, technique principalement utilisée par ce mouvement, ce qui sonnerait bizarrement lors d’un set techno ou house.

Kirou : Les rythmiques et les BPM changent tout le temps en hip-hop, et les transitions se font beaucoup plus rapidement, généralement on ne va pas plus loin que le premier refrain, mais tu peux laisser durer tes Tracks, ça ne sera pas dérangeant. Ce qui fonctionne bien en techno/house, c’est d’utiliser pas mal les effets reverb, echo etc. alors que ceux-là tu les utilises surtout pour les transitions dans un mix hip-hop.

VDK : Pour moi ce n’est pas fondamentalement différent, je vois un peu la musique comme une énergie et il n’est pas rare de retrouver la même énergie dans certains tracks hip-hop et house, même s’il y a une différence des techniques de mix qui sont plus adaptées à chaque style musical.

Qu’est-ce qui, selon toi, fait une “bonne” transition dans un set hip-hop ?

Rakoto 3000 : Pour moi, il faut effectuer la transition au bon moment. Pas trop tôt dans le son ni trop tard. Il faut aussi et surtout une bonne cohérence entre les sons qui se suivent.

Kirou : Une bonne transition c’est quand tu cales une rythmique sur une voix ou vice versa, ça passe toujours bien. J’utilise l’EQ, reverb, echo et quelques autres petits effets moi, mais pas besoin de tout utiliser non plus. Je vois souvent des DJ’s hip-hop toucher à tous les boutons, c’est très drôle parce que c’est plus du cinéma qu’autre chose à vrai dire.

VDK : Alors il y a une technique de mix qui est souvent utilisée dans le hip-hop et qui est très difficile à placer en dance music : le cut, qui consiste après un scratch à basculer directement d’une track à une autre sans forcément allier les BPM. Pour ma part j’utilise le cross fader même quand je mix de la dance music.

 

 

Quelle est la façon la plus propre de caler des morceaux qui n’ont pas le même BPM ? 

Rakoto 3000 : Quand je fais ça, en général je mets un effet d’écho ou un reverb, c’est fluide et ça passe comme une lettre à la poste.

Kirou : Le plus simple c’est de mettre un écho ou une reverb et de lancer l’autre track. Pour les plus techniques, tu fais un scratch et tu cut !

Ton astuce pour que le mix ne devienne pas monotone sur la durée ?

Rakoto 3000 : Ne pas rester sur le même style de son trop longtemps et également ne pas rester sur le même rythme. J’aime bien naviguer de BPM en BPM tout au long de la durée de mes sets.

Kirou : Il ne faut pas jouer qu’un genre de musique et surtout monter dans les BPM.

VDK : Je joue beaucoup avec le crossfader, en faisant venir par exemple le snare du morceau suivant à la place du snare du morceau qui tourne.

Le trick un peu technique qui vaut le coup d’être appris ?

Rakoto 3000 : Le cut sec. Très efficace quand tu le réussis bien. Ça consiste à arrêter le morceau qui joue d’une manière sèche et de lancer le morceau suivant au moment voulu.

Kirou : Quand t’as besoin d’utiliser un micro parce que la foule est trop chaude, mais que tu te rends compte qu’il n’y a rien sur la table, la solution B c’est de brancher son casque à la place du micro et de l’utiliser comme tel. Le son est vraiment dirty mais ça dépanne quelques fois !

VDK : Je ne sais pas si ça s’appelle comme ça, « le tac-tac » ? Ça consiste à envoyer, avec un demi-tempo devant, le même son sur tes 2 platines et de jouer avec le cross pour faire des répétitions de kick ou de snare.

Ton effet de prédilection et pourquoi tu t’en sers ?

Rakoto 3000 : La reverb. Et ce pour tout genre de transition.

Kirou : Je joue pas mal avec les hot cues sur les CDJ’s, ça te permet de te balader sur une track et de faire de belles transitions, c’est très pratique !   

VDK : Je pense à l’écho ou l’effet filter qui rendent plus propre la sortie d’un mix.

Savoir scratcher, ça aide ?

Rakoto 3000 : Ça peut aider, c’est sûr. Tout dépend dans quel contexte tu te trouves. Par exemple, si tu es dans une compétition style Red Bull, c’est indispensable. Néanmoins aujourd’hui quand tu mixes en soirée, si tu n’arrives pas à le placer ça n’est pas grave, je vois surtout ça comme un plus.

Kirou : Évidemment, c’est la base même !  

VDK : Oui je pense, en tout cas c’est une valeur ajoutée.

Le truc qui rend le mix hip-hop spécial à tes yeux ?

Rakoto 3000 : Je dirais les samples qui sont utilisés. Il y a aussi les remix, ou encore les drums, toutes ces sonorités qui sont vraiment propres au Hip-Hop que l’on ne retrouve pas dans d’autres styles.

Kirou : Ne pas jouer que du hip-hop, mais aussi d’autres genres musicaux : il faut être éclectique.    

VDK : Quand le DJ se prend la tête à faire correspondre les paroles, faire une suite logique avec les mots prononcés par les MC’s.

Les autres styles que tu n’hésites pas à intégrer dans tes sets ?

Rakoto 3000 : Hormis le hip-hop, j’aime beaucoup jouer de l’afrobeat, de la house, du dancehall et parfois des morceaux funk/soul.

Kirou : funk, R’n’B, musique électronique, London bass, grime, baile funk… etc. En d’autres termes : tout ce qui fait danser et qui te permet de te démarquer d’un set à un autre.   

VDK :  Ça n’est pas vraiment le style musical qui m’importe moi, mais plus l’énergie que véhicule un morceau.

Ton arme secrète du moment, le morceau qui fonctionne à tous les coups ?

Rakoto 3000 : Le morceau de BlocBoy JB en featuring avec Drake, « Look Alive ». Turn-up assuré !

Kirou : Pump Up The Jam, remixé par Full Crate 

VDK : Le son de mon pote Un*Deux « On Drugs ».

Qui sont les DJ’s qui t’ont inspiré et que tu admires techniquement ?

Rakoto 3000 : Un DJ qui m’inspire beaucoup ? Je dirai Babaflex. On a mixé pas mal de fois ensemble, c’est toujours un plaisir et un régal de le voir manier les platines, technique et efficace ! Sinon encore plus jeune j’écoutais souvent les sets de A-Trak, DJ Craze, Diplo, Brodinski ou encore Mr Oizo.

Kirou : ClekClekBoom m’ont pas mal influencé dans leurs sets entre house/techno et hip-hop, mais aussi mon entourage avec mon pote Lorkestra qui lui mixait bien avant moi. Ainsi que les gars de Roche Musique qui sont tous de très bons producteurs et de très bons DJ’s, mais techniquement et musicalement parlant c’est toute la scène hollandaise qui m’a vraiment énormément inspirée avec des gars comme Full Crate, Wantigga, Jarreau Vandal, etc. Ils ont ce mélange de culture et d’éclectisme que je ne retrouve pas encore assez à Paris !       

VDK : DJ Mehdi et DJ Pone pour moi sont 2 DJ’s très techniques qui ont su allier le Hip-Hop et la musique électronique. Des vrais modèles de réussite.

Vous pourrez retrouver Vanderkush, Kirou et Rakoto 3000 sur la scène Radar 100% hip-hop du Marvellous Island. Pour plus d’informations, rendez-vous sur le site de l’évènement.

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