Comment Lyon est devenu le QG de l’underground oriental avec ses soirées Club Méditerranéen

Photo de couverture : ©Boiler Room
Le 07.01.2019, à 15h06
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©Boiler Room
Photo de couverture : ©Boiler Room
Depuis presque deux ans, l’association Arty Farty, organisatrice du festival Nuits sonores et chargée de la direction artistique du Sucre, a instauré dans le club lyonnais une résidence mensuelle dédiée aux talents du bassin méditerranéen. Le 12 janvier, la résidence mensuelle Club Méditerranéen au Sucre invite Mehmet Aslan et Jazar Crew, groupe emblématique de la scène électronique underground palestinienne.

À ses débuts, le Sucre avait monté Black Atlantic Club, un projet de résidence dont la programmation ciblait les artistes représentant une certaine zone géographique (dont Mr Raoul K, Osúnlade, Nan Kolè ou encore Ata Kak). Club Méditerranéen poursuit cette logique, et vient fournir aux artistes de cette région et à leur musique un espace d’expression.

Le fil conducteur de cette résidence est d’inviter non seulement des artistes venant du bassin méditerranéen, du Nord de la région (comme le Marseillais The Ed du collectif Tropicold ou les Turcs Jonny Rock et Bariş K) et du Sud (l’Egyptien Islam Chipsy, le Syrien Rizan Said, la Tunisienne Deena Abdelwahed ou encore 47soul et Shadi Khries de Jordanie…), mais aussi des producteurs occidentaux emprunts de la culture orientale qui revisitent ce patrimoine à travers leurs productions électroniques. La rencontre de ces artistes permet celle de leur point de vue, et montre qu’être attaché à la même culture ne sous-entend pas forcément la percevoir de la même façon. « C’est assez drôle de voir que certains artistes occidentaux ont tendance à se ré-approprier et exploiter le patrimoine oriental traditionnel des années 70-80 alors que la plupart des artistes originaires de ce bassin vont laisser de côté cet héritage musical pour produire une musique complètement différente, directement techno. » raconte Baptiste, programmateur au sein d’Arty Farty. « Je me souviens de Sama Abdulhadi dire à un de ces producteurs occidentaux “C’est sympa ce que tu fais, mais ça me fait penser à ce que ma grand-mère écoutait dans la cuisine quand j’étais gamine !”. »

Baptiste, raconte que l’idée de cette résidence trouve son origine lors des éditions marocaines de Nuits sonores, à Tanger : « C’était une expérience formidable, au cours de laquelle on a découvert un très grand nombre de producteurs et d’artistes attachés à ce patrimoine culturel et musical. » Ces rencontres ont d’abord donné lieu à la création de différentes scènes dédiées lors de Nuits sonores, puis finalement à la mise en place de la résidence Club Méditerranéen au Sucre, lorsque les programmateurs se sont rendus compte qu’ils avaient largement de quoi imaginer une résidence mensuelle. « On a trouvé que cette scène très intéressante et foisonnante était peu représentée en France, alors que l’intérêt public pour les producteurs de cette région est de plus en plus fort. » explique Baptiste.

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Selon lui, l’intérêt du public pour l’effervescence de cette scène va de pair avec un positionnement idéologique et/ou politique, qui n’est pas sans lui rappeler le mouvement rave des années 90. Sur des territoires où la liberté d’expression n’est pas toujours évidente, faire la fête peut devenir un acte militant à part entière. Pour sa première soirée de 2019, Club Méditerranéen invitera Jazar Crew, un collectif devenu emblématique de la scène underground palestinienne. Bien que confronté aux difficultés de circuler dans cette région, il tente de faire le pont entre les scènes hip-hop et électroniques underground palestiniennes et israéliennes, en invitant des producteurs à venir jouer chez eux, au Kabareet à Haïfa, ou en organisant des événements en Cisjordanie ou à Gaza, comme ils sont parvenus à faire avec le tout premier Boiler Room en Palestine à Ramallah, en juillet 2018.

Baptiste évoque le rôle de médiateur que Jazar Crew parvient à assurer, notamment via la communication directe d’informations sur la condition du pays et des habitants aux différents artistes programmés en Israël, et en les invitant à jouer pour les arabes comme pour les israéliens. C’est d’ailleurs par ce biais qu’ils ont rencontré Nicolas Jaar et ont organisé sa venue à l’automne 2017. « Ce sont vraiment des activistes pacifistes au delà d’être de simples musiciens. » précise Baptiste. « Ils sont parvenus à donner une résonance internationale aux artistes et producteurs de cette région. »

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La soirée du 12 janvier sera précédée de la projection du documentaire Palestine Underground et d’un talk à SOFFFA, dans le 7ème arrondissement de Lyon. Puis Jazar Crew se produira au Sucre aux côté de Mehmet Aslan, artiste suisse-turc désormais habitué du club et du public lyonnais, pour une nuit qui s’annonce hors-normes. « [La scène palestinienne] est l’une des scènes les plus incroyables que j’ai pu découvrir ces dernières années. C’est une façon très différente de faire la fête, de mixer : c’est beaucoup plus décomplexé là où on est habitués à des codes assez sclérosés de beatmachine, de bpm, de cohérence et de progression… » témoigne Baptiste. « C’est un esprit fantastique qui s’émancipe de tous les codes classiques de la dance culture ou du clubbing pour simplement être quelque chose de populaire et de pacifiste. »

Le premier Club Méditerranéen de l’année aura lieu le 12 janvier au Sucre, de 23 à 05 heures. La projection du documentaire et la discussion avec Jazar Crew, ouverte à tous, se tiendra à SOFFFA de 18h30 à 20h30.

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