Comment l’écologiste Maxime de Rostolan est passé de “teufeur” invétéré à héros de l’agriculture

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©D.R
Le 25.02.2019, à 10h16
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L’appel à projets restaurateurs pour l’édition 2019 de We Love Green est désormais ouvert. Rencontre avec une initiative pour repenser aujourd’hui, et protéger demain, pendant ou après la fête, avec Maxime de Rostolan, défenseur de la permaculture par le biais, notamment, de la culture. En partenariat avec We Love Green.


Cet article est initialement paru dans le numéro 217 (hiver 2018) de Trax.
Par Maxime de Rostolan

Je n’étais pas prédestiné à bosser dans l’agriculture. Mais un chiffre est venu heurter mon bon sens. J’ai un jour appris que l’on a divisé par 25 notre efficacité énergétique pour produire de la nourriture depuis l’époque de nos grands-parents. Aujourd’hui, il nous faut de 7 à 10 calories fossiles pour faire une seule calorie alimentaire, alors que nos grands-parents transformaient un petit peu de calories fossiles en beaucoup d’alimentation. En un mot, on a divisé notre efficacité. C’est clairement une insulte à l’intelligence humaine, mais surtout, cela nous condamne. Le jour où le baril de pétrole vaut 200 dollars, on ne sait plus se nourrir, on est mort. Voilà mon point de départ. Je suis arrivé dans un monde qui n’était pas le mien parce que l’on a heurté mon bon sens. Et je me dis que cela peut se répercuter, que beaucoup d’autres gens peuvent vivre ça.

On vit tous en silos. Certains aiment la musique, d’autres les jeux vidéo. Certains sont bikers ou adorent faire du yoga et prendre soin de leur corps. Ces mondes-là ne se parlent pas. Il faut alors trouver des portes d’entrée pour les toucher alors qu’ils ne sont pas en contact. C’est comme lorsque l’on me propose de parler avec Trax. C’est typiquement le genre de défis qu’il faut relever, pour réussir à infuser dans ces mondes qui ne sont pas aux premières loges. Parce que c’est un énorme chantier participatif que l’on a devant nous. On a donc besoin de mettre tout le monde à contribution, parce qu’on n’y arrivera pas tout seul.

Pour ce faire, il faut réussir à avoir des propos forts, qui peuvent déclencher des étincelles. Mais avec des mots consensuels, pour ne pas perdre les troupes si l’on est trop clivants. Il faut aussi faire preuve d’imagination. J’ai fondé le concours Fermes d’avenir il y a cinq ans. À l’époque, les médias nous enfumaient avec des images d’agriculteurs en bonnet rouge balançant du fumier devant les préfectures. Cela donnait une image délétère de tout ce monde-là, qui est pourtant absolument nécessaire. Il fallait donc braquer les projecteurs sur des agriculteurs se situant à l’opposé. J’ai alors cherché des financements pour lancer le concours et permettre de valoriser la permaculture et ces super agriculteurs. J’ai lancé une campagne de financement participatif en offrant des dîners et des déjeuners avec des stars dans ces fermes. J’ai commencé par Manu Chao, Marion Cotillard… qui m’ont répondu oui ! D’un coup, c’était parti. Parce que tout le monde aime rencontrer une star, surtout lorsqu’il s’agit d’artistes engagés qui creusent un peu le sujet comme Camille, Amadou et Mariam, les Chedid, Manu Chao… Cela a très vite permis de sensibiliser un nouveau public. Nouveau, parce que l’on touche toujours les convaincus, ceux qui sont toujours là, qui sont allés voir le film Demain… Un vase relativement clos malgré tout. L’objectif, c’est de transcender cela et réussir à percer les silos, avec des ambassadeurs un peu partout, jusqu’à la télévision ou le football.

C’était donc pour moi évident et capital de travailler avec des festivals comme We Love Green. D’autant qu’au départ, je suis plus un teufeur qu’un agriculteur. Ce que je sais faire à la base, c’est arpenter les catacombes jusqu’à l’aube, faire des fêtes illégales sur les toits des immeubles de Paris… Il était logique d’allier les deux. Parce qu’il est impossible de passer des messages aussi graves, aussi sérieux, qui doivent mobiliser les gens, sans offrir en parallèle de la joie et de l’optimisme, et lier tout cela à l’aspect humain qui habite les fêtes. S’il n’y a pas la fête, la musique, la beauté, le contact, on va tous déprimer et personne ne voudra penser à ces choses-là. Associer cette dimension festive et musicale à cet impératif est indispensable.

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Je me souviendrai toute ma vie du Larzac en 2003. J’y étais avec Manu Chao, Asian Dub Foundation, etc.. Il y avait 200 000 personnes. Certes, on venait parce que Manu Chao donnait un concert. Mais ce qui en est ressorti, ce sont les prémices d’un mouvement citoyen et d’une conscience commune et collective. C’est cela qui importe, se sentir dans le même bateau. Ces moments d’extase, de communion extrême, ça ouvre une autre porte en soi, et chacun est touché par la même chose avec les autres. Les gens repartent en se posant de nouvelles questions. Parfois, les discours rationnels ont leurs limites. Et une fois que ces limites sont atteintes, l’art prend le relais.

Dès les premières éditions de We Love Green, Maxime de Rostolan a su apporter au festival son expertise et son réseau pour aider à sa programmation et à son développement. Avec lui, des dizaines d’entrepreneurs, activistes, militants engagés ont pu venir exposer leurs idées, en plein cœur du festival, sur la scène des conférences Think Tank. We Love Green 2019, 1er et 2 juin, Bois de Vincennes.


L’appel à projets restaurateurs pour l’édition 2019 de We Love Green est disponible ici. Le festival accueillera, dans le cadre de sa programmation musicale, Laurent Garnier, Ricardo Villalobos, Yves Tumor ou encore Tame Impala. Plus d’informations sur la page Facebook de l’événement.

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