En tournée pour son album Utopia, Björk affiche un message écologique avant ses concerts, comme l’aboutissement d’un album où la nature occupe une place primordiale. Forte d’une scénographie florale, l’artiste, dont la discographie est traversée de références au végétal, s’inscrit dans un mouvement où le naturel prend le dessus. Comme la renaissance d’un pan de la musique où l’humain ne prime plus.
Si la chanteuse islandaise n’en est pas à son coup d’essai – son album Biophilia faisant office de chimère entre nature et technologie – Utopia est un paradoxe dans le paysage des musiques dédiées au végétal, où elle évoque autant ses sentiments que des thématiques environnementales. Dans un autre registre, l’artiste new-yorkais Prurient, sous l’alias Rainforest Spiritual Enslavement, édite une discographie tentaculaire, basée sur des enregistrements réalisés en régions forestières. Un travail de field recording, rythmé par de discrètes nappes synthétiques. De son vrai nom, Dominick Fernow propose huit albums, parus entre 2012 et 2018, dont la forme prend à contre-pied les standards de l’industrie musicale, avec des tracks d’une trentaine de minutes. Un artiste incontrôlable, comme la nature qui l’inspire.
De façon plus traditionnelle, le producteur techno Surgeon a enregistré en 2015, sous son véritable patronyme cette fois, deux albums en pleine jungle hawaïenne, pour « ressentir l’air humide et épais et les couleurs profondes de l’environnement qui résonnent dans les entrelacs de synthés pâteux », expliquait-il dans un communiqué. Un projet plus contemplatif que militant donc, dans la lignée du travail de Francisco López, dont l’aboutissement se retrouve sous l’album La Selva paru en 1982. Une période qui se veut propice aux enregistrements environnementaux, durant laquelle est également composé Mother Earth’s Plantasia, du Canadien Mort Garson, un album dédié à la gestation des plantes. En France, le compositeur synthétiste Joël Fajerman signe, en 1982, la bande originale L’aventure des Plantes, destinée à la série du même nom, aujourd’hui encore considérée comme l’un des meilleurs documentaires sur le sujet.
D’autres musiciens poussent la démarche plus loin, en composant de la musique pour les plantes. Appelée biomusique, elle permettrait d’harmoniser le champ vibratoire des êtres vivants, en éliminant les rayonnements parasites (comme les ondes radio, Wi-Fi et Bluetooth), et serait donc propice à la pousse des végétaux. Des études théorisant que les plantes seraient sensibles aux vibrations et à la musique légitiment donc l’apparition d’albums destinés aux végétaux. Près de 40 ans après la parution de l’œuvre De la Musique et des Secrets pour enchanter vos Plantes, du français Roger Roger, sort Music For People & Their Plants Vol.1, de Brendan Well’s Plant Music.
Enfin, certains artistes préfèrent agir à l’inverse, et devenir spectateurs de la musique végétale. Une idée assez démocratisée pour que la société MIDI Sprout développe une application qui, connectée à des micros à coller sur une plante, retranscrit les signaux électriques produits par celle-ci sous forme de sons – l’occasion rêvée d’écouter des plants de cannabis. Une démarche qui rappelle celle du musicien Micheal Prime, qui se décrit comme un « écologiste sonore », dont le travail consiste en la traduction musicale de signaux électriques de sources organiques et végétales.