Comment le photographe de nuit Luc Bertrand réussit à “capter la solitude dans la foule”

Écrit par Briac Julliand
Le 31.10.2018, à 15h30
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Écrit par Briac Julliand
Il a inondé la timeline Instagram des abonnés de Trax à l’occasion de teufs au bois de Vincennes et à l’ancien consulat d’Algérie, le 6 octobre dernier. Luc Bertrand est photographe et se charge d’immortaliser des soirées en clubs ou banlieues, organisées, entre autres, par La Culottée ou Spleen Factory. Un travail minutieux, dans lequel il parvient à capter la gracieuse solitude de chacun au sein du public.

Dans ses créations personnelles, il affiche un travail texturé et instinctif, semblant presque mis en scène, à travers des clichés intemporels. De la même manière, en club, Luc Bertrand parvient à capturer l’essence d’instants pluriels, qui mettent à la fois en lumière la solitude au sein du public, mais aussi l’aspect exutoire des soirées électroniques, et de l’esprit de communion qui s’en dégage. « Ce qui m’intéresse, c’est de m’adapter pour travailler avec l’environnement, explique le principal intéressé. Ce qui est latent à l’image m’importe plus que l’information qu’elle contient, mes photos doivent laisser le plus d’espace possible à l’interprétation du spectateur. »

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En témoignant de ces simples visages ou cette unité du public, Luc Bertrand peut retranscrire l’esprit d’une soirée. « Je suis aussi issu de cette culture, et je danse beaucoup les yeux fermés, d’où cette impression paradoxale de solitude », continue le photographe. Une démarche esthétique, très visuelle et texturée, au sein de laquelle il parvient à transmettre aussi bien son expérience que celle du public. Même si sa volonté première reste de créer des images poétiques.

Pourtant, la nuit, Luc s’efface. « J’aime quand le point de vue est immersif, mais je préfère quand le photographe distant, comme dans la photographie documentaire. » Pour capter sur le vif ces moments, il se refuse même à l’utilisation du flash. « J’ai un petit appareil (un Fuji XT3, ndlr), je pense que certaines personnes ne me prennent pas au sérieux avec ça d’ailleurs, avoue-t-il. Il y a quand même un jeu qui s’instaure avec le public qui sait que je suis là. » Sans tomber dans la mise en scène, il fait de ses limites techniques — la luminosité, la place, la discrétion… — un atout pour capturer l’intimisme caché derrière les mouvements de foule.

Impossible de ne pas penser au travail de Cha Gonzalez, dont il se sent proche tant au niveau du point de vue que dans l’attitude adoptée. Il cite aussi Otto Zinsou pour son travail sur les couleurs. En parvenant à faire ressentir son expérience de clubbing à travers les clichés d’inconnus, Luc Bertrand se démarque, et produit un travail touchant, empli de textures et d’émotions, qui dépeint avec justesse une expérience de club dense et solitaire.

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