Produit par Totem Production, le premier Totemystik devait se tenir l’année dernière. « Le festival avait déjà été annulé, ça avait fait un petit scandale, du coup, tout le monde attendait cette nouvelle édition », explique Claire Narkissos. Depuis deux ans, la jeune photographe immortalise la free party en HD, comme personne ne l’avait encore fait. Sous de longues dreads blondes, son œil s’aiguise au rythme des basses acides et des lumières mouvantes. L’album-photo qu’elle tire du Totemystik Festival est une merveille de 107 clichés, qui s’ajoutent à une collection déjà longue, et dont elle présente un extrait pour Trax.
« On attendait tous de voir si ça allait se faire cette année et beaucoup pensaient que non. » Dès l’annonce du retour du festival, le mot est donc passé très vite. Elle ajoute : « Le fait qu’ils aient programmé autant d’artistes acidcore et tribe mentale a joué aussi, ça marche plutôt bien dans le Sud en ce moment ».
Cette année encore, la menace d’une annulation planait sur le Totemystik : « Il y avait un gros risque, la mairie était contre depuis le début. Mais les gars de Totem étaient motivés. Tout le monde se voilait un peu la face, parce qu’il n’y a pas tant de festivals de ce type par ici. »
Du côté de Totem Productions, un communiqué explique avoir pris connaissance du refus de la mairie le 23 juin. Le dossier sera renvoyé de commissions en réunions avant d’atterrir au tribunal administratif de Nîmes, pour une requête en référé des organisateurs contre l’interdiction le vendredi 29 juillet à 11 heures, quelques heures avant le lancement du festival. Le juge rendra sa décision à 15 heures, confirmant la décision de la mairie, alors que des milliers de festivaliers se pressent déjà vers les enceintes.
« Au début, les gendarmes bloquaient l’entrée mais ils ont fini par demander aux organisateurs de faire entrer les gens sur le site pour débloquer les routes, nous informe Claire. À partir de ce moment-là, ils ne pouvaient plus rien annuler. » Soutenu par le collectif barcelonais Goache et les Hollandais de Kierewiet, le Totemystik se dresse alors sur un terrain de Beaucaire.
Le lendemain, le 30 juillet, le maire de Beaucaire dépose plainte pour organisation de manifestation illicite, attroupement et préjudice pour la commune et accuse l’Etat, incapable selon elle de faire respecter la décision de justice. Elle lance un formulaire en ligne pour inviter les habitants à signaler tout débordement.
D’immenses installations, un light-show spectaculaire, plusieurs scènes et des artistes de renom comme Chris Liberator ou Talamasca… Un immense festival se construit dans l’urgence, au nez et à la barbe du maire, victime d’une administration un peu trop lente.
« L’ambiance était très éclectique, raconte notre reporter fortuite. Ca ressemblait autant à une free party qu’à un festival classique. Il y avait pas mal de travellers en camion, ambiance teknival, et je n’ai quasiment pas vu d’embrouilles : vraiment détente. » Concernant le site, Claire le qualifie de « basique ». Un « grand champ en terre » qui prendra des allures de désert californien : « Avec le vent le dimanche, c’était hyper cool pour les photos. »
La seconde polémique viendra après le festival, soumis à quelques critiques de la part du public. Avec des billets compris entre 35 et 65 €, l’événement n’aurait pas offert la prestation attendue : « On avait un peu l’impression d’être livrés à nous-mêmes, se souvient la photographe. Le problème principal, c’était l’absence de time table. Des gens ont payé cher pour voir des artistes en particulier et ne pouvaient pas connaître l’heure de leur passage. » Dans son communiqué, Totem Productions se défend : « 80 % des vols des artistes ont été annulés. Nous avons pu trouver des solutions de repli en extrême urgence pour tout le monde, sauf Hatikwa, donc comprenez qu’il était difficile d’afficher une time table. »
« Je me rends à ce genre d’événements presque tous les week-ends depuis deux ans pour prendre des photos, donc ce coté ‘teknival’ ne m’a pas dérangé », explique Claire. Après plusieurs années d’apprentissage scolaire de la photographie, elle manquait un peu d’inspiration : « J’étais passionnée mais je ne trouvais pas de domaine dans lequel photographier m’intéressait vraiment. » Elle rencontre la free party « par curiosité et avec un peu d’appréhension » en Île-de-France.
« Il a fallu plusieurs soirées pour que j’amène mon appareil, se souvient-elle. Trouver un équilibre entre faire la teuf et faire des photos, ce n’est pas si simple. ». Elle poursuit : « J’ai eu le déclic l’été dernier en vacances. Je suis tombée sur une teuf dans les Vosges, je ne connaissais personne. Le fait de prendre des photos m’a permis de rencontrer du monde, des artistes et des organisateurs rapidement. » Claire Narkissos se plaît à ne pas être une « simple consommatrice de free party » : « C’est un milieu qui ne peut évoluer sans son public, alors j’apporte ma contribution dans le domaine que je maîtrise. »
Dans ses photos, Claire rend compte des différents aspects de la fête libre. Ses lumières, ses côtés plus sombres, les sourires, les silhouettes, la transe… Mais aussi énormément de technique, des modulaires, des caissons énormes, des DJ’s et des artistes habités. Tout y est.
« En teuf, le fait de faire des photos sérieusement est très apprécié la plupart du temps », poursuit Claire. En un an, la photographie en teuf lui a rapporté un amoureux, un réseau plutôt clean et la demoiselle multiplie les couvertures. Depuis qu’elle est arrivée sur notre radar, suite à une monstrueuse rave en Belgique, Claire Narkissos suite une pente ascendante avec une belle marge de progression.