Comment le duo Weval prend son pied à créer certains des beats les plus puissants de l’electronica

Écrit par Gil Colinmaire
Photo de couverture : ©Lorraine Creaser
Le 10.05.2019, à 16h57
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©Lorraine Creaser
Écrit par Gil Colinmaire
Photo de couverture : ©Lorraine Creaser
Weval, duo néerlandais officiant dans les spectres les plus langoureux des musiques électroniques, des crépitements de vinyles du trip-hop aux grooves nocturnes du post-dubstep, était de retour en mars avec un nouvel album intitulé The Weight. Entretien avec Harm Coolen, un des deux membres du combo, après leur concert mémorable à la Cigale le mois dernier.


Issus du milieu du 7ème art, les deux membres du groupe néerlandais Weval délivrent une électronique organique et langoureuse, aux atmosphères cinématographiques, proches d’un certain Nicolas Jaar – période Space is Only Noise –, et aux grooves et synthés psychés, évoquant entre autres la palette sonore du Canadien Caribou. Après un premier album éponyme qui avait affolé la toile en 2016, par son impeccable production, faite de basses et samples de batterie puissants et chaleureux, le duo signait son grand retour en mars avec l’enjoué et mélodique The Weight. Au retour d’une date triomphale à la Cigale, le mois dernier à Paris, Harm Coolen, une des deux moitiés du combo, nous en dit un peu plus sur leur nouvel album.

Qu’est-ce qui a motivé la formation de votre duo avec Merijn Scholte Albers, le second musicien de Weval ? Vous aviez des influences communes en musique et cinéma ?

Merijn était plus dans le trip-hop et le hip-hop, et peut-être le rock, quand il était jeune. Et moi, j’étais dans le jazz, la house et le disco. Donc quand on s’est rencontrés, Merijn avait des goûts différents. Il voulait que la musique soit un peu plus forte alors que de mon côté, je voulais qu’elle soit un peu plus expérimentale. Après quelques temps, nous nous sommes rendus compte que nous pouvions trouver un équilibre parce que quand je fais quelque chose, Merijn sait comment le rendre plus pop. Il est meilleur que moi pour ce type de structures de morceaux. Si l’on faisait dans la musique en solo, ça sonnerait très différemment. Ensemble, nous ne savons jamais où nous allons, nous trouvons toujours quelque chose de nouveau et c’est ce qui rend le processus fun.

Etant passionnés de cinéma, vous cherchez à avoir un aspect cinématographique dans votre musique ?

Quand on a commencé à faire de la musique, on a effectivement fait quelques chansons avec un état d’esprit cinématographique. On a mis les démos sur le net avec des images par exemple en slow motion. Mais ces dernières années, nous avons oublié cet aspect, tant nous étions concentrés sur la musique en elle-même. Je pense que ce que nous aimons faire, c’est de la musique expérimentale mais, par exemple après quelques minutes d’ambient, une chanson peut apparaître soudainement. Si nous faisions uniquement des chansons, sans expérimentations, ou vice versa, ce serait barbant pour nous. Par exemple, Dark Side of the Moon de Pink Floyd a aussi cet aspect. Après quelques minutes d’instrumentations, ils commencent aussi à chanter. On aime vraiment jouer avec cette tension et ces montées. Je suppose que c’est encore un peu cinématographique mais ce n’est pas volontaire.



Vous semblez aimer mixer des basses profondes, des beats percussifs avec des sons plus ambient…

Oui, pour cet album, nous avons fait énormément de breaks. On n’a pas pu tout mettre sur l’album, on avait 20 chansons de plus. Nous avons fait aussi beaucoup de trucs expérimentaux. Pour cet album, nous voulions avoir de “vraies chansons”. On était tellement inspirés qu’on voulait faire plusieurs petits EP’s de 20 minutes, avec plus de sons ambient. On aime vraiment quand il y a du contraste. Il y a des moments très minimalistes et après un certain temps, des sons plus brutaux. Quand tu composes, tu as envie d’être surpris par la musique donc je suppose que c’est ce que nous recherchions en faisant ça.

Vos productions sont très aérées, avec beaucoup d’espace donné à chaque son. C’est une manière de rendre les morceaux plus dynamiques ?

Tous les sons ont des qualités différentes. Bien sûr, tu peux t’habituer à ne faire que de la musique électronique ou au contraire, des enregistrements avec un groupe de musiciens. Mais nous, nous avons l’habitude de jouer avec la musique : nous enregistrons des sons de batterie et on les sample ensuite, pour les passer dans un séquenceur. On aime voire ça comme un terrain de jeu. Tu peux enregistrer tout ce que tu veux, et au final y ajouter des effets. Tu peux faire accélérer ou ralentir les sons, les déformer… C’est comme s’amuser avec des jouets.

Les morceaux du nouvel album semblent plus doux que sur le premier. Vous vouliez faire évoluer votre style ?

Je pense que nous voulons toujours changer et chercher de nouvelles manières de faire de la musique. Mais c’est arrivé aussi de manière spontanée car nous avons passé un an et demi en studio. Nous avions quelques idées en amont, mais passer autant d’heures dans le studio peut finir par modifier ce qui a été planifié au préalable. Si je regarde en arrière, avec le premier album, nous avions énormément d’idées qui émergeaient à partir d’un beat, sans mélodie. Mais cette fois, avec le nouvel album, on était plus focalisés sur les mélodies. Et je pense que c’est pour cela que c’est plus coloré, le processus était très organique. L’album est moins sombre que le premier. On s’ouvre un peu plus et c’est plus positif.

Des personnes extérieures au groupe ont-elles influencé cette nouvelle couleur de son ?

On a tout fait nous-mêmes, l’écriture et la production, mais le morceau “The Weight” a été mixé par David Wrench, qui a aussi travaillé avec Jamie XX [ou sur l’album Swim de Caribou, ndlr]. Et bien sûr, nous avons beaucoup appris avec ce qu’il est parvenu à réaliser à partir de notre travail, même si ça n’a pas vraiment modifié l’approche du reste de l’album. C’était très intéressant pour nous, nous n’avions jamais fait ça avant.



L’album semble également un peu plus tourné vers le chant…

Ce n’était pas vraiment intentionnel, mais nous avons commencé par chanter nous-mêmes. C’était vraiment inspirant d’utiliser nos propres voix, et c’était aussi quelque chose de nouveau pour nous. Habituellement, j’aime aussi faire de la musique sans parties vocales. Mais on a beaucoup utilisé les micros cette fois-ci, pour ensuite resampler les enregistrements, les couper et les réassembler. Parfois les éléments dans nos chansons sont “purs” mais souvent, nous les modifions. On aime jouer avec les sons, comme les voix, et avoir l’impression qu’elles sont à la fois humaines et non-humaines.

Travailler avec le label Kompakt a été une étape importante pour vous ? Comment ça a commencé ?

Ils ont entendu notre musique en 2014 et ils nous ont dit ensuite que leurs bureaux entiers écoutaient notre musique. C’était un énorme compliment pour nous. Nous avons fini par les rencontrer et nous nous sommes rendus compte que l’on s’appréciait mutuellement et que l’on avait la même sorte de mentalité.

Comment s’est passé votre concert à Paris, à La Cigale ?

Pour moi, c’était le meilleur de notre tournée, qui a duré un mois et demi. La Cigale est une superbe salle, vraiment unique, et les gens étaient tellement pris dans l’ambiance… Ils étaient à la fois concentrés et emportés par l’énergie du concert. Parfois, tu sens qu’il y a quelque chose dans l’air, une impression d’urgence, et là c’était le cas. Ce show a vraiment été spécial pour nous.

Quels sont vos prochains projets ?

Avant cet album, nous avons tourné pendant un an et demi. On a pour projet désormais de faire énormément de musique. Nous tournons pas mal en ce moment mais cette fois-ci, nous ne voulons pas attendre aussi longtemps avant de refaire de la musique. Nous aimerions sortir quelque chose rapidement, peut-être dès l’an prochain. Nous retournons en studio la semaine prochaine et on a acheté de nouveaux instruments. On s’éclate plus que jamais.

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