Florian est un des fondateurs de l’agence FuFu Creative, à la fois boîte de design, d’évènementiel et de booking. Depuis deux ans, ils proposent des soirées essentiellement house/disco dans des bars atypiques de Hong Kong. Parmi leurs invités cette année : Jus Ed, Labat, La Mamie’s, Pablo Valentino, Soichi Terada…
Samy est membre de l’équipe de Cliché Records. Cette agence de booking s’est imposée en quatre ans comme une actrice majeure de la scène underground asiatique. Ayant lié de solides liens avec les acteurs des différentes scènes d’Asie, l’agence s’occupe notamment des tournées de Gieglin, Red Rack’em, San Soda, Andy Hart, Francis Inferno Orchestra, Borrowed Identity…
Pourquoi avoir décidé de créer Cliché Records, et surtout pourquoi à Hong Kong alors que le climat en France n’a jamais été aussi propice à l’épanouissement de ce genre d’activités ?
Samy : L’idée de Cliché Records est très liée à l’expérience personnelle de Ouissam [le fondateur de l’agence]. Il y a quatre ans, lorsqu’il est arrivé à Hong Kong, il ne trouvait aucun bon endroit pour sortir et écouter de la musique. Il a donc décidé de lancer ses events. Le projet s’est vraiment concrétisé avec la création de l’agence. Personnellement, c’est la possibilité de progression qui m’a conduit à rester bosser avec eux à Hong Kong. Ça me paraissait moins excitant de m’investir en France alors qu’ici, tout est à construire.
Florian : En arrivant à Hong Kong y a deux ans, j’ai rencontré l’équipe de Cliché. Très rapidement je me suis dit que je voulais importer ma musique à Hong Kong. Après six mois de démarchages, j’ai créé FuFu avec des amis de La Pause. Le but était d’éduquer musicalement les gens. Que ce soit niveau graphisme ou musique, sans méchanceté, ils sont loin d’être au point ici. Je trouve ça intéressant d’importer cette culture ici et, sans leur dire « il faut écouter cette musique », de les pousser à la découvrir.
SchweineHund Teknival 2016, Lantau Island Hong Kong (©DR)
N’était-ce pas un peu risqué de s’installer dans ces pays où tout semble plus difficile qu’en France ?
S : Ici, tout est à faire soi-même vu que, contrairement à la France, il n’y a pas d’aides financières ou de soutien des institutions publiques. Le prix des loyers est une autre barrière au développement de la scène underground, c’est de plus en plus dur de rentabiliser son club puisque le prix du mètre carré ne cesse d’augmenter. De plus en plus de directeurs de boîte sont rattrapés par l’impératif de faire rentrer l’argent. Au début, c’était aussi très difficile de trouver des contacts pour les tournées organisées par l’agence et Ouissam a dû beaucoup voyager en Asie pour rencontrer les clubs et autres acteurs investis.
F : Les six, sept premiers mois étaient durs parce que tout était à faire. Après, Hong Kong est un des pays les plus faciles pour s’implanter. Créer une entreprise, ça se fait en deux minutes ! Et au niveau des taxes, tu trouves difficilement mieux. C’est un pays plein d’opportunités pour ceux qui sont motivés. Si tu travailles dur sans compter tes heures, tu peux tout créer ici, et avec un peu de curiosité par-dessus, c’est encore mieux. Mais c’est vrai qu’il y a des risques plus élevés en Asie qu’en Europe. À Bangkok, de plus en plus de clubs ouvrent mais si le gouvernement s’en va, c’est toute la scène qui s’effondre. À Hong Kong, le risque peut être financier, la location d’un lieu coûte très cher et ce n’est pas facile de survivre.
“Comme la scène est plus petite, il y a une ambiance familiale sympa, avec des soirées plus pointues et conceptuelles. En France, les soirées s’enchaînent et se ressemblent.”
Comment décrirais-tu la scène hongkongaise par rapport à la France ?
S : Aujourd’hui, il n’y a plus beaucoup de différences en termes de qualité musicale entre la scène hongkongaise et la scène française. Les touristes et artistes sont souvent impressionnés lorsqu’ils découvrent ce qui se fait à Hong Kong. Les junks parties (des boat parties, ndlr) marquent particulièrement les esprits. Il y a une petite scène locale très investie – et ça depuis le début – avec des artistes hongkongais comme Ocean Lam. Comme la scène est plus petite, il y a une ambiance familiale sympa, avec des soirées plus pointues et conceptuelles. En France, les soirées s’enchaînent et se ressemblent.
F : Finalement, les gens aiment un peu la même musique qu’en France. Mais ils font la fête différemment et ont un autre ressenti de la musique. Il n’y a pas autant de clubs qu’en Europe et leurs propriétaires ne vont pas prendre les mêmes risques non plus. Mais tout est encore trop jeune pour juger.
Xiang Gang, le nouveau rendez-vous live sur la page Facebook de FuFu :
D’après vous, qu’est-ce qui fait que vos projets fonctionnent ?
S : Quand on est arrivés il y a quatre ans, il y avait déjà des gens qui faisaient quelques trucs – Small and Tall avait invité des artistes comme Jamie Jones ou Nicolas Jaar. PUSH travaillait sur le créneau techno. Mais tout était très compartimenté. Avec Cliché, on a essayé d’apporter quelque chose de novateur avec des soirées disco/nu disco qui marchaient très bien en Europe.
F : Notre but était de promouvoir la house music. On a suscité la curiosité en proposant une alternative à la musique commerciale EDM, chez les expats qui s’y connaissent comme chez les personnes d’origine asiatique. C’est aussi un avantage d’être Européen. On ne s’en est jamais vraiment servi, mais à Hong Kong, je pense que presque 60% des DJ’s sont français. A l’Armani Privé, le Paradis ou Cé la Vie, les directeurs artistiques sont tous français ! Il y a eu un boom d’émigration des Français à Hong Kong et parmi eux, beaucoup de DJ’s apparemment. En Asie aussi, parmi mes clients promoteurs, il doit y avoir 50% de Français. C’est notre motivation et notre culture musicale qui nous ont permis de nous implanter. Après, on ne se met jamais en avant en tant que Français, le but est de mettre en exergue la musique. Et c’est le travail qui fait que ça marche !
Quel public est attiré par vos soirées ?
S : Au départ il y avait beaucoup de Français mais maintenant, c’est plus diversifié. Hong Kong est une ville étudiante avec beaucoup d’internationaux en échange universitaire ou en stage. De ce fait, il y a un gros turn-over, les gens restent rarement plus de six mois. Ça donne un peu l’impression de repartir de zéro tous les ans ! Et ça rend le développement de la culture club plus difficile à Hong Kong. Mais c’est aussi stimulant ! Si les gens qui s’intéressent à la musique nous trouvent facilement en effectuant quelques recherches, c’est toujours un défi de proposer des artistes peu renommés à ceux qui s’y connaissent un peu moins. Ça nous force à bien travailler sur nos events pour aller chercher cette partie du public.
F : Le but est de viser à la fois le public européen et le public asiatique. Le public européen est plus facile à attirer car même s’il n’écoute pas ce genre de musique, il en a déjà entendu parler. On veut aller chercher les gens présents à Hong Kong de manière durable, que ce soit les expats ou les autres. C’est difficile car il y a un tel choix de bars et de clubs que les gens ne se posent pas toujours la question de ce qu’ils vont écouter. Ils vont aller dans tel ou tel bar avec leurs amis et la musique passe après. Alors qu’en Europe, les gens vont d’abord aller écouter de la musique, mais avec leurs amis.
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Est-ce que vous prévoyez de vous développer en Europe, après avoir conquis l’Asie ?
S : À moyen terme, non, on ne prévoit pas de rentrer en Europe pour les raisons que j’ai exposé précédemment : c’est plus excitant de continuer l’aventure en Asie.
F : On est déjà en train de développer l’agence de booking en Europe, pour Labat surtout. On se focalise sur lui pour l’instant mais on veut le faire sur d’autres DJ’s/producteurs. Je ne connais pas encore d’artistes en Asie qui soient assez puissants pour intégrer le marché européen. Mais ça prend tellement de temps qu’on ne peut pas tout faire. Et c’est quand même le marché asiatique qu’on veut développer en priorité.