Comment (et pourquoi) il faudrait se débarrasser de la rancune ?

Écrit par Clarisse Prevost
Le 20.02.2023, à 15h56
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Écrit par Clarisse Prevost
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Rancune : État affectif durable fait d’aigreur, de ressentiment, du désir de se venger, lié au souvenir d’une offense, d’une frustration ou d’une injustice et, généralement, cristallisé sur la personne que l’on tient pour responsable de ces préjudices.

« Il se rappelait les conversations; il les déformait. Il sentait le remords d’accusations grossies et inexactes, mais une rancune amère lui ôtait le désir de les rectifier », dit le narrateur dans le roman de Malègue, Augustin. En effet, il y a quelque chose de savoureux dans le fait de garder rancune. On se permet de juger la personne qui nous a lésés en se demandant comment quelqu’un peut-être aussi immoral. Des années peuvent passer, et pendant tout ce temps, on s’accroche au plaisir de l’ego blessé, la rancune. C. Ward Struthers, professeur à l’université de York, qui étudie les notions pardon, de vengeance et de rancune, pense que les rancunes sont un outil de la mémoire pour s’auto-protéger. Il explique : « Lorsque je suis à nouveau confronté à cette personne ou à une autre situation de ce genre, je peux invoquer à nouveau la rancune et m’en servir pour me protéger. »

M. Struthers définit la rancune comme un sentiment durable de blessure et de colère qui peut se dissiper avec le temps, mais qui peut être ravivé en cas de besoin. Nourrir des sentiments négatifs à l’égard de quelqu’un et être rancunier sont des expériences similaires, mais pas identiques, selon le professeur. Lorsque la rancune s’installe, votre perception du transgresseur a changé et vous le voyez comme une personne foncièrement mauvaise, aux intentions malveillantes. Se sentir lésé par un ami parce qu’il vous a fait un faux plan ne suscite pas la même émotion que le mépris ressenti à l’égard d’un collègue de travail qui vous rabaisse constamment devant les autres. Selon Robert Enright, professeur au département de psychologie de l’éducation de l’université du Wisconsin à Madison, certains griefs n’ont pas d’impact sur votre vie quotidienne, mais vous vous en souvenez néanmoins alors que d’autres peuvent dégénérer en un sentiment de haine. Or, qui a envie de transporter avec soi au quotidien des sentiments lourds et amers ?

Alors que Struthers pense qu’une fois qu’une rancune est établie, elle durera pour la vie, Enright croit au véritable pardon, qui libère. Car même si le sentiment d’amertume est profondément ancré, il est de l’intérêt de celui qui le porte de s’en débarrasser. Pour cela, il est important de comprendre le processus cyclique de la rancune. La psychologue sociale Elizabeth van Monsjou avance qu’après avoir été lésé, si la victime est incapable de lâcher prise et rumine l’événement, la rancune se formera. Avec le temps, l’intensité brûlante de la rancune se dissipe et la rancune n’occupe plus autant d’espace mental, c’est la phase d’acceptation, laquelle peut être perturbée par des éléments déclencheurs qui ravivent le mauvais souvenir.

Mais acceptation ne dit pas pardon. Le pardon est une décision volontaire que vous prenez pour remplacer un jugement négatif sur une personne ou une situation par un sentiment positif. En revanche, le fait d’oublier une rancune peut évoquer l’indifférence plutôt que la positivité : « Pour pardonner pleinement à quelqu’un, il ne suffit pas de lâcher prise et de ne pas s’en soucier. Vous devez réellement ressentir positivement cette situation. », explique Katina Bajaj, cofondatrice et responsable du bien-être chez Daydreamers, une plateforme de santé mentale et de créativité. Pour arriver à un point de nonchalance, il est recommandé de sortir de son propre point de vue et d’essayer d’envisager ce qui a motivé l’autre personne et essayer de ne pas la juger. Il est également possible que le mal n’ait pas été intentionnel, alors replacer les choses dans leur contexte en prenant du recul permet de relativiser la gravité de l’événement et donc d’avancer : « Si vous ne voyez les choses que comme étant toutes bonnes ou toutes mauvaises, vous allez être mentalement inflexible. Mais si vous êtes ouvert et adaptable, et même curieux, vous serez capable d’avoir un tas de perspectives différentes. » explique Katina Bajaj.

Pour libérer les rancunes les plus profondes, il faut véritablement pardonner et se débarrasser de ce sentiment familier qui ne vous sert plus. Parfois, il s’agit de mettre fin à une relation, la rancune pouvant fonctionner comme un moyen de retarder le processus de deuil, étant donné qu’il est douloureux de perdre quelqu’un. Accepter le fait qu’une relation est arrivée à son terme peut donc aider à atténuer l’impact de la rancune. Le plus puissant antidote contre la rancune, est donc le pardon, processus solitaire et conscient qui ne nécessite pas les excuses de la personne en face. Pour vraiment pardonner à quelqu’un, vous devez décider de faire un travail émotionnel, comme creuser profondément dans la psyché de la personne qui vous a blessé : « Quel genre de blessures cette personne doit-elle avoir pour vous blesser ? Ensuite, considérez votre humanité partagée : Vous et la personne qui vous a fait du tort êtes tous deux des êtres humains uniques avec des vies significatives. » Ce processus peut prendre du temps et de la patience ; trouver des points communs et de l’empathie pour une personne que vous percevez comme un agresseur ou un manipulateur n’est pas une mince affaire, mais finalement, c’est vous qui en sortirez libéré.

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