Cet article est tiré du TRAX#212, « Rave Générale | Quand la jeunesse monte le son ! », disponible ici.
Aujourd’hui, tout le monde peut avoir son propre logiciel de musique et se mettre à en jouer. La question qui se pose alors très vite est la suivante : comment se démarquer, avoir sa propre patte ? En ce qui me concerne, j’ai besoin que mes éléments musicaux ne ressemblent à rien de déjà entendu. J’aime amener certains éléments dans des directions opposées à leur vocation initiale, que les choses se mélangent de façon inattendue. Par exemple, utiliser du big beat avec de la variété française, des sons de synthé trance sur un instru hip-hop classique, avoir le swing d’un vieux morceau house sur mes sons d’aujourd’hui, etc.
Ce que j’utilise pour twister mes sons, au-delà de leur création pure, c’est leur appliquer un changement de groove. Un groove, pour faire simple, c’est un placement d’accents particuliers sur une série de note, de sons, en faisant fluctuer leur placement, leur dynamique, leur volume, etc. Dans Ableton Live, il y a cet outil qui s’appelle le pool de groove. C’est comme si tu avais un petit calepin avec une liste de grooves, que tu peux ensuite choisir comme bon te semble. Ableton Live possède en natif des grooves tirés de boîtes à rythme, de MPC, ou des choses plus classiques comme du rock. L’astuce, c’est qu’à ces grooves-là, tu peux aussi ajouter les tiens. Dans le rap des années 90 par exemple, il y a une sorte de swing dans le rythme du beat, ça « chaloupe ». Ableton te permet d’extraire ce groove pour l’appliquer ensuite sur un autre morceau, sur une piste MIDI ou encore sur une piste audio. Comme un DJ qui va digger ses morceaux, tu peux aller digger les grooves des morceaux que tu aimes, et te faire une collection de groove que tu peux ensuite utiliser sur la partie que tu veux : le kick, la snare, le hi-hat, une basse, n’importe quoi. Parfois, je vais chercher le groove d’un morceau spécifique parce que le beat me semble particulièrement fonctionner avec le morceau que je suis en train de travailler. Ce qui est intéressant, c’est que même si tu composes un rythme très simple, sans aucun swing naturel, lorsque tu y appliques un groove un peu radical, tu peux obtenir des résultats très bizarres : certaines parties de la piste de départ s’effacent, cela retire des hi-hats, ou donne des choses bien différentes de ce que tu es en train de faire, mais qui te procurent une autre inspiration et t’aident à créer ton morceau.
Composer de la musique demande de la pratique pure, l’utilisation d’un outil technologique comme Ableton, par exemple. Mais cela demande bien sûr de la créativité et de la personnalité. La musique qu’on aime, c’est aussi celle d’une personnalité artistique. Pour ma part, j’adore aller piocher des choses un peu partout. C’est voler sans voler, comme du sample, sauf qu’on ne pourra jamais reconnaître le groove de départ utilisé. C’est ma façon de me démarquer de manière assez subtile, parce que personne, hormis ceux qui font de la musique, ne fait vraiment attention au groove d’un morceau. Or, selon moi, c’est encore plus important dans les musiques techno et house qu’ailleurs. Tant de gens font les mêmes choses. Utiliser les grooves sur Ableton Live ouvre le champ des possibles, donne parfois des résultats inattendus et peut t’emmener à des résultats que tu n’aurais jamais imaginés. En termes de créativité, les possibilités de Live t’amènent à développer ce genre d’idées. La vraie difficulté ensuite, c’est de prendre des décisions et d’arrêter ses choix !