Chronique : Renart – Fragments séquencés

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Melchio Tersen
Le 31.01.2018, à 16h25
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©Melchio Tersen
Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Melchio Tersen
Peter Pan de la techno française, Fred Destres publie son premier album chez Cracki après avoir pourtant maintes fois fait ses preuves sur les scènes de l’Hexagone. Par cela, on entend qu’il ne s’agit point d’un péché de vanité, mais du nouveau chapitre d’une carrière jusqu’ici intrigante, un univers suffisamment affirmé – grosse techno, gros kicks, belles ambiances, beaucoup de tension – pour que cinq maxis dancefloor plus tard, le garçon se permette d’investiguer les voies parallèles de la route qu’il se trace.


Par Christian Bernard Cedervall

Son maxi Et Le Rêve des absents pour le label Dawn faisait déjà présager un destin particulier dans le paysage électronique français contemporain, une de nos rares incarnations d’une techno robuste mais romantique, capable de tenir la dragée haute aux derniers chouchous de Resident Advisor ou Fact, un coup de cœur sans réserve. Deux ou trois ans plus tard, Renart se présente à nous peut-être moins frontalement, mais avec autant d’ambitions : « C’était dur de savoir à partir de quand je l’estimais fini. L’objectif était de faire un album qui ne soit pas un résumé de geekerie solitaire mais de partager quelque chose. » En effet, ce Fragments séquencés se décline à plusieurs sauces, avec quelques simples et furtifs échos aux saveurs martiales des précédentes propositions (Musette pénitence, Choix des armes), mais surtout des idées nouvelles : « Sur ce disque, je n’ai pas voulu me focaliser sur des formes rythmiques précises. Je voulais retranscrire des émotions, des sentiments, une ambiance. Donc peu importait le moyen d’y arriver, fût-il même reprendre l’Aquitaine à l’Anglais. » Le groove UK à la tension artérielle d’un Mélenchon de meeting dans Le Piège de Circé, le lancinant exotisme tribal de Fragment Oxyrinthique 6754, le lyrisme à la Fabrice Lig de La Prise de pouvoir, le bucolisme minimal de Cyber Moineaux et Souvenirs miroirs… Autant de réussites que de paris, mais surtout un univers « métaphorique » – au-delà de la musique même – plus riche qu’à l’accoutumée : « J’ai longtemps hésité entre mes études de lettres et la musique. Heureusement, le Schnell Institut m’a proposé un poste de professeur/chercheur en scolastique électronique, ce qui me permet d’allier les bienfaits des plantes hydroponiques à la stabilité de l’emploi. » Ou comment nous dire subtilement que le gars fume son joint entre deux cours ? « Je veux que mes titres m’évoquent une histoire. Chacun pourrait être le début d’une nouvelle, l’anglais n’étant pas ma langue natale, il transporte pour moi moins d’imaginaire. En revanche, je fais partie d’une jeune association qui milite pour que tous les morceaux d’Alkpote soit traduit en latin. » Cette dernière remarque confirme donc notre théorie de la fumette… Toujours est-il qu’au-delà du verbiage peut-être superflu qu’il associe parfois pompeusement à sa musique, que l’artifice soit sincère ou non, il a le mérite de revendiquer une identité qui peine à exister autrement que par le calembour dans cette fameuse scène « techno underground » mondialisée. La seule surprise finalement, c’est de trouver un album somme toute bien maîtrisé, assez loin des performances scéniques totalement désinhibées du producteur : « La scène, c’est mon deuxième laboratoire, c’est là où j’expérimente, où je me trompe, où je cherche la faille avec les gens. Plusieurs morceaux viennent de mon live mais je ne voulais pas faire un album « techno ». Au risque d’être ennuyeux ou répétitif, je me suis aventuré à des endroits que je ne peux pas forcément explorer sur scène. »

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