Chronique : It’s A Fine Line – “It’s A Fine Line” (Kill The DJ)

Écrit par Trax Magazine
Le 23.08.2016, à 12h55
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Écrit par Trax Magazine
It’s A Fine Line – It’s A Fine Line (album)Label : Kill The DJDate de sortie : 26/08/16Cat : KTDJ043Format : Vinyle / CD / DigitalArtwork : Gareth McConnellChroniqueur : Hervé Lucien

Fatalement, on attendait du duo Ivan Smagghe/Tim Paris qu’il livre un album à la hauteur de son pedigree : noble et déviant à la fois. Aristocratie souterraine d’un genre malade de ses excroissances populaires (l’EDM) et oublieux de ses racines, It’s A Fine Line ignore magnifiquement les premières et sait admirablement recycler les secondes (la preuve). La ligne de conduite du duo consiste en une approche transversale (et un peu schizophrénique) des courants musicaux récents, et pas seulement l’électro.

Sur son label Les Disques de la Mort, Ivan continue le travail de défrichage qu’on lui connaît depuis ses débuts : les raretés 80’s israéliennes (sur un maxi compilation paru en 2014) se mêlent à l’électro lituanienne (Manfredas). Sa personnalité sur le fil du rasoir, brouilleuse de pistes, érudite, possède un alter ego de poids avec Tim Paris, boss du label Marketing (Bot’Ox, Tëkël, Idioma, Hiem et Sex Judas). Celui-ci dévoilait fin 2013 Dancers, un premier album longuement mûri et d’une qualité rare dont on retrouve certaines idiosyncrasies sur ce premier long format siglé It’s A Fine Line. Les deux têtes chercheuses combinent sources et inspirations riches, affectionnant plus que tout frayer en eaux troubles, loin des dancefloors conformistes. L’imaginaire convoqué est puissant : dans cet album le duo s’efforce de créer la meilleure des fictions. Anxiogène, stimulant, parfois léger parfois pesant, le LP cerne avec brio les illusions et les fantasmes d’une psyché contemporaine qui tend vers l’ubiquité, mais qui sombre souvent dans la folie.

Si cette collection de titres traçait un autoportrait des deux artistes, on citerait Paul Valéry : “Il faut entrer en soi armé jusqu’aux dents.” C’est ce à quoi incite “Cardiogram”, titre d’intro interlope qui donne le ton de l’album, incarné ici par la voix reptilienne d’Olivia de Lanzac. À peine lancée et déjà déréglée, la machine bascule sur le déhanchement house chelou d'”In Slower Motion” qui sonne le vrai départ, prolongé plus tard par “Disco Cluster” dans une même veine presque kitsch, comme si le voyage ne valait le coup qu’en empruntant des virages à 180°. À plusieurs reprises, en commençant par “Greasier” (puis plus loin, en mode plus krautrock, “Titre original”, ou sur le climatique et psychédélique “1880”), le duo rappellera que concilier artisanat électro et héritage rock’n’roll, ce n’est pas juste imiter Art of Noise et Alan Vega (RIP). “Weekend Boom Boom” (emmené par la voix de la complice/compagne Chloé Raunet de C.A.R., qu’Ivan a produit) démontre en conclusion qu’une basse en mode shuffle peut devenir le tremplin idéal pour effleurer les étoiles (à condition de savoir ficeler des thèmes de refrain catchy). En roue libre, le leader de Franz Ferdinand Alex Kapranos, lui, s’immisce magistralement sur un registre baryton à la Iggy Pop pour le torve “Redelivered” qui ressuscite les boogies lents et synthétiques du Idiot produit par David Bowie. Un morceau en deux parties qui se conclut quatre tracks plus loin par son pendant mid-tempo et instrumental “The Delivery”. Audacieux.

“Le rock’n’roll est aussi une dance music”, nous assenait Ivan récemment : on confirme. À travers ces soubresauts qui définissent la trame principale de l’album, le film se déroule, prend du relief, alterne les séquences (les très cinématiques et sinueux “Vaguement Froid” ou “Blinkar Reprise”)… Cette imprévisibilité chronique ne définit-elle pas justement les surprises qu’on est en droit d’attendre d’une œuvre musicale à l’ère du vite composé/vite jeté ? Le calcul est risqué, exigeant de l’auditeur plus qu’une simple adhésion de plaisir. C’est sur cette marge étroite qu’It’s A Fine Line impose habilement sa marque.

Note d’intention des artistes : “L’idée derrière ce disque est peut-être de ne pas en avoir, justement. Pas de prédéfinie en tout cas. Prendre son temps et ne pas limiter son espace. Laisser libre cours à ce qui a pu nous passer par la tête, les influences, les machines, des images et le temps qui passe.”

“Quelqu’un nous a très justement dit que c’était un disque qui posait plus de questions qu’il n’apportait de réponses. C’est bien. C’est une trajectoire non-définitive. À peine un point de départ, certainement pas une destination finale ; quelques arrêts le long du voyage, en somme.” 

Tracklist
01. Cardiogram (feat Olivia De Lanzac)
02. In Slower Motion
03. Greasier
04. Redelivered (feat Alex Kapranos)
05. Disco Cluster
06. Titre Original
07. Vaguement Froid
08. The Delivery (LP instrumental)
09. 1880
10. Blinkar Reprise
11. Weekend Boom Boom (feat C.A.R.)

It’s A Fine Line, sortie prévue le 26 août 2016 sur Kill The DJ
iTunes / Juno

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Artwork par Gareth McConnell

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Visuel exclusif par Gareth McConnell

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