Chronique : CoH – CoH Plays Everall

Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Coh
Le 30.01.2018, à 12h29
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©Coh
Écrit par Trax Magazine
Photo de couverture : ©Coh
Ivan Pavlov est apparu sur les radars de l’amateur de musique électronique il y a bientôt vingt ans. À l’époque, il fallait sans doute être bien branché sur les sorties underground, car si Mego, Raster-Noton ou Eskaton constituent aujourd’hui des bastions cultes de l’histoire de la musique contemporaine, il faut reconnaître que la tribu était alors plus modeste. Toutefois, l’émergence d’un artiste russe était encore suffisamment singulière pour que son projet CoH (« sommeil » ou « rêve » en russe) suscite tous les fantasmes. Aujourd’hui installé en Suède, Pavlov est devenu une figure incontournable, dont la grande culture l’amène souvent dans des contrées inconnues, la dernière en date étant cet album concept, collaboration d’outre-tombe avec l’une des mythes oubliés de la scène industrielle.


Par Christian Bernarde-Cedervall

Œuvre improbable née de la rencontre de John Everall et CoH, CoH Plays Everall sort trois ans après la disparition de celui qui a produit une foule de projets dont on pourrait abruptement résumer l’impact contemporain ainsi : le terreau fondateur de la plupart des émotions et aspirations agitant l’univers de Vatican Shadow et Hospital Records. Everall n’était pas une personne très facile, mais c’était un mélomane forcené, et ce monde-là étant particulièrement petit dans les années 90, il croisa la route de Pavlov en 1996. De là naquit le projet d’une collaboration à l’accouchement si difficile qu’il ne se fera qu’après la brutale disparition d’Everall. Difficile car au fil des ans, leurs univers esthétiques respectifs s’étaient éloignés : « John m’avait envoyé pas mal d’enregistrements hypersombres et violents. Trop violents. Mais je savais que nous partagions un socle d’influences communes datant du disco synthétique des années 70. Un jour, il m’a finalement envoyé des arpèges très simples, et ça a fait clic ! ».

Cette simplicité se traduit plutôt par une forme d’évidence naturelle qu’on retrouve dans le minimalisme de Terry Riley ou les œuvres baroques pour clavecin d’Antonio Soler, voire les accidents tempérés d’Oval ou SND. Pourtant, les liens avec l’avant-garde indus demeurent le cœur de cette musique : « Penser qu’à l’époque, en Russie, les gens n’étaient pas au courant de ce qui se passait à l’Ouest en matière d’avant-garde est généralement incorrect. En fait, à cause des restrictions imposées par le régime, la volonté de découvrir était très forte chez beaucoup de gens, chez les jeunes comme les plus vieux, bien plus qu’aujourd’hui. Quand je suis arrivé en Suède en 1995, j’étais définitivement plus au fait des divers courants de la musique électronique occidentale que la majorité des locaux. »

Après avoir, entre autres, référencé ou collaboré avec Soft Cell, Coil, Richard Chartier, Gavin Bryars ou Cosey, le voilà en train de porter un autre artiste, une démarche de générosité impeccablement traduite par cet album si singulier que le label en a fait un objet au-delà de la musique : « J’ai l’intuition que dans le monde moderne, tout ce qui peut conduire l’auditeur à s’investir un peu plus personnellement dans une pièce musicale est d’une grande valeur. Dans notre ère du cloud exponentiel, il me semble que les objets physiques conservent ce potentiel, et je suis enchanté de pouvoir incarner mon travail de cette manière. Si ma musique possède des qualités esthétiques provenant de la technologie moderne, jusqu’à présent, je n’ai jamais eu l’intention de faire de la musique pour Internet. »

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