Ce jour de 1971 où Cerrone est devenu programmateur musical au Club Med

Écrit par Maxime Jacob
Photo de couverture : ©D.R
Le 07.04.2020, à 17h38
03 MIN LI-
RE
©D.R
Écrit par Maxime Jacob
Photo de couverture : ©D.R
0 Partages
Avant de devenir le roi du disco, Marc Cerrone a enchaîné les petits boulots « comme beaucoup de musiciens ». Un peu enrhumé, il se souvient de l’année 1969, quand il a failli devenir « chef du village » au Club Med.

Cet article est initialement paru en décembre 2016 dans le numéro 228 de Trax Magazine, disponible sur le store en ligne.

Propos de Marc Cerrone recueillis par Maxime Jacob

À 17 ans, j’étais un batteur en pleine crise d’adolescence. Mon père voulait que je fasse des études alors que je jouais de la batterie huit heures par jour dans le garage familial. Imaginez un peu le raffut, dans un pavillon de Vitry-sur-Seine. Ça le rendait fou. Un soir, on s’est engueulé et il m’a enfermé dans ma chambre. J’ai cassé la vitre et je suis parti par la fenêtre. Je n’avais pas de toit alors j’ai cherché une copine qui en avait un. J’en ai trouvé une qui vivait dans une chambre de bonne à Pigalle. Un soir, elle m’annonce qu’elle a été engagée au Club Med et qu’elle part en saison. Je lui dis : “Oh, super ! Je suis heureux pour toi.” Dans ma tête, je me disais surtout : “Et qu’est-ce que je vais faire moi ? Où je vais dormir maintenant ?”

À cette époque, avant de se rendre dans le club où ils étaient affectés, les G.O. étaient invités à une grande fête organisée par Gilbert Trigano, le patron de Club Med. C’était une soirée qui se tenait à Bourse où étaient conviés les amis et la famille. Je m’y suis rendu avec ma copine. Trigano, c’était un bon vivant, très facile d’accès. Il se baladait dans la soirée et avait un petit mot pour chacun. À un moment, il passe devant moi, regarde ma tronche et lâche : “Bah alors, il fait la tête celui-là !” Je réponds que c’est normal, qu’il me prend ma copine pour l’emmener au club. Alors il m’interroge : “Et pourquoi tu ne viens pas au club aussi ?” Je lui explique que je ne peux pas, que je suis musicien, et puis ça me vient comme ça : “D’ailleurs, pourquoi vous n’avez pas de groupe au Club Med ? Vous pourriez former des musiciens pour faire danser les gens !” Il réfléchit et finit par faire venir un type qui me demande : “Et comment tu t’y prendrais pour former les groupes ?” J’improvise un truc. Ils se regardent et me demandent : “Tu saurais faire ça, toi ?” C’est comme ça que j’ai été recruté.

Évidemment, pour bosser, il fallait avoir dix-huit ans. Donc j’ai menti. Il fallait aussi une autorisation de mes parents, que j’ai évidemment écrite moi-même. Au travail, j’avais un bureau avec salle de répétition. Je recevais les musiciens et je leur communiquais le répertoire. Ils s’entraînaient pendant huit jours puis passaient l’audition. Là, je formais les groupes en fonction des affinités de chacun. J’appelais le mec au-dessus, on signait la paperasse et les types partaient vers les clubs. La musique que l’on jouait, c’était de la musique de baloche, quoi : les tubes du moment, Sardou, France Gall, la danse du balai… On ne passait pas de la disco ! De temps en temps, je me rendais sur place dans les villages, aux Baléares, en Italie, à Chamonix, pour jouer un peu.

Vous voulez savoir à quoi ça ressemblait le Club Med en 1971 ? Aux Bronzés ! Les mecs du village attendaient le car pour observer les nouveaux arrivant. Et puis alors, il y avait du cul. C’était très cul, le Club Med. Tout le monde se reluquait. Les mecs n’avaient que ça en tête. “Celle-là, tu n’y touches pas, elle est pour moi !” Ce genre de commentaires… Ce qui était sidérant, c’était les couples qui venaient passer huit jours de vacances et chassaient dans tous les sens ! Ils prenaient un peu de liberté et repartaient main dans la main. Ça ne picolait pas trop, mais alors ça baisait beaucoup. C’était juste après mai 1968, les grands frères avaient monté les barricades, nous on récoltait les fruits.

Mon but secret en rejoignant le Club Med, c’était de pouvoir rencontrer les meilleurs musiciens. Quand je trouvais un type particulièrement bon, je lui expliquais que je voulais monter un groupe. J’ai repéré les meilleurs et j’ai formé les Kongas avec qui j’ai eu beaucoup de succès. Sans cette histoire, ça aurait pris des mois, peut-être même des années ! Et ma copine ? Je crois qu’elle est partie dans un autre club.

0 Partages

Newsletter

Les actus à ne pas manquer toutes les semaines dans votre boîte mail

article suivant