Ce mardi, AIR était en concert privé au siège du Parti communiste français

Écrit par Maelys Peiteado
Le 25.07.2016, à 18h48
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Écrit par Maelys Peiteado
Mardi 27 juillet. Un groupe mythique et une salle secrète, cachée au sous-sol du quartier général du Parti communiste français. Pour la première fois, la salle accueille un concert de musique électronique, servi ce soir-là par le duo français Air. Deux jours ont suffi à la Blogothèque pour monter une scène impressionnante sous la Coupole Niemeyer. Récit d’une performance exceptionnelle.Photos : Thémis Belkhadra

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Les murmures de Jean-Benoît Dinckel s’envolent sous la Coupole Niemeyer. Ses “Cherry Blossom Girl” langoureux inondent le sous-sol du quartier général du Parti communiste français, et englobent les quelques 150 spectateurs privilégiés. Du haut de la salle, de gauche à droite, la musique arrive de tous les côtés. Et suscite un plaisir immense lorsque guitares, claviers et coups de batterie se mêlent jusqu’à saturation.

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Le concert privé du mythique duo français AIR organisé par le site musical La Blogothèque est d’abord une expérience sensorielle puissante. Pénétrer pour la première fois dans l’enceinte du siège du parti communiste français à Colonel Fabien est déjà une aventure.

Celle-ci débute par une déambulation béate autour d’une demi-sphère engloutie sous le béton. De l’extérieur, impossible de la louper : sa couleur blanche immaculée dénote avec la structure sobre du bâtiment. Au bout d’un escalier faisant office d’entrée principale, une très haute porte vitrée s’ouvre, façon laboratoire caché d’Ex-machina. L’atmosphère rétro-futuriste se fait immédiatement ressentir. Pourtant le meilleur reste à venir. Plus bas encore se dresse l’envers du décor : la Coupole de l’architecte brésilien Oscar Niemeyer.

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Inaugurée au début des années 70, celle-ci fut, outre les réunions des cadres du PCF, le théâtre de quelques tournages, dont L’Écume des jours de Michel Gondry, et de plusieurs défilés de haute-couture. Cet amphithéâtre au plafond futuriste fut aussi récemment popularisé via la dernière publicité Dior.

On y pénètre par de longues portes en biais et auréolées de LED dignes d’un vaisseau des films Star Wars. À l’intérieur, une soixantaine de techniciens s’y sont affairés pendant deux jours. Leurs premières installations accentuent l’aspect galactique de la salle, même si le lieu pourrait se suffire à lui-même.

Un dôme gigantesque de six mètres de haut, orné de plaques en métal blanc, donne l’impression d’une immense rosace. Le décor rappelle immédiatement les films SF d’une autre époque. À trop fixer le sommet de la pièce, on en aurait presque le vertige.

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Depuis la veille, les équipes de productions se sont tuées à la tâche dès potron minet pour créer une atmosphère propice à ce lieu si particulier. Il a fallu monter une estrade sur les tables déjà existantes de l’amphithéâtre afin de surélever AIR. L’idée ? Prendre le contre-pied de l’aménagement original de la salle, et installer le groupe en contre-plongée par rapport au public.

“On cherche à continuellement faire lever les yeux vers le ciel. Sans tomber pour autant dans le sacré ou donner au groupe un aspect dieu vivant – Air est modeste dans son travail”, justifie le réalisateur David Ctiborsky. Outre les trois boîtes lumineuses et psychédéliques apportées par le groupe, la scénographie et les jeux de lumières au plafond se veulent simples, afin de respecter la “pureté” du lieu.


“C’est gratuit, c’est communiste !”
, lance un membre du staff tout en jetant des tee-shirts blancs aux spectateurs n’ayant pas respecté le dress-code blanc de la mise en scène minimaliste et esthétique de David Ctiborsky.

Voilà quelques mois que la production multiplie les performances de qualité, comme “Quitter la Ville”, un “concert à emporter” – comme la Blogothèque aime les appeler – de Rone , tourné en réalité virtuelle dans un terminal vide de l’aéroport Charles de Gaulle. Ce soir, cette performance est la quatrième d’une série de captations nommée Patrimonies. Il s’agit là d’investir des lieux du patrimoine français pour y créer une expérience à la fois acoustique et visuelle.

La répétition de concert, la tête à l’envers. ©Trax2016
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Nicolas Godin, l’un des membres du duo, a déjà travaillé avec la boîte de production par le passé, à la Villa Médicis de Rome. Entre eux, la magie opère et l’artiste n’hésite pas à remettre ça. “Il nous a prévenu du retour de AIR et a voulu bosser avec nous. Puis le siège du PCF, qui nous intéressait déjà, s’est trouvé être disponible. On peut dire que les planètes se sont alignées”, explique Anousonne Savanchomkeo, directeur de production de la Blogothèque.


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Les astres enfin favorables, le voyage céleste de AIR peut débuter. Le concert commence par une escale sur “Venus”. Le glas qui accompagne cette ouverture résonne et donne – n’en déplaise au réalisateur – des allures de grande messe. Quelques secondes suffisent pour saisir le travail effectué sur le son, qui se déplace dans la salle de manière circulaire et finit par habiter l’ensemble de l’espace. Tout au long de la performance, les rappels placés stratégiquement retransmettent la musique en 3D, à la façon d’un mix binaural.

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David Ctiborsky, qui a plutôt travaillé avec des groupes rock pour les événements “Empty Space” de la Blogothèque, estime pourtant qu’il est rare que la musique électronique se prête aussi bien à ce type de jeu sonore. Est-ce parce que AIR a toujours revendiqué cette filiation rock plutôt qu’électronique ? Anousonne Savanchomkeo lui ne doute pas de l’efficacité de ces figures d’une certaine French Touch. “Les membres de AIR sont des artistes pointus et comme nous, des esthètes.” 

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”Alpha Beta Gaga”, “Sexy Boy”, “How Does It Make You Feel”, les titres incontournables du groupe défilent dans toute leur singularité. Trois cadreurs s’agitent autour de la scène, tandis qu’une grue danse de manière circulaire à travers la salle. Au fil des changement de guitares de Nicolas Godin – cinq fois pour être précis – le dôme évoluera par toutes les ambiances. Soucoupe volante, boule à facettes ou sous-marin submergé, autant d’atmosphères qui habillent la salle avant le vibrant final sur “La Femme d’argent”

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S’en suivra un travail de post-production d’une durée encore indéterminée, avant de voir la performance diffusée sur Arte et Arte Concert. Mais pour l’instant, le travail continue pour les équipes de production, qui doivent tout démonter avant la fin de la nuit.

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