Les liens entre la Grande-Bretagne et sa petite soeur française n’ont jamais été aussi étroits. Cet hiver, bien loin des problématiques du Brexit, les organisateurs du festival Astropolis accordent une importance particulière à cette techno UK breakée, rapide et rythmée aux accents jungle et drum & bass. À l’affiche de la première soirée, sont alignés les noms de Luke Vibert, des deux frangins d’Overmono, de Djrum ainsi que des suédois SHXCXCHCXSH et Varg. « C’est un peu du hasard. La programmation est de plus en plus collégiale au sein de l’équipe. Mais ça fait du bien d’entendre un peu de fraîcheur dans un monde de musiques électroniques souvent trop rectiligne », assume Gildas Rioualen, un des programmateurs brestois.

Un discours que l’on retrouve avant même le début des hostilités à la médiathèque François-Mitterrand. En prélude de la projection de Quand tout le monde dort, un documentaire sur la fête libre parisienne, Guillaume Kosmicki, conférencier en musicologie, aborde l’aspect imparfait de la musique électronique en lançant Astral Dream de Laurent Garnier. « En analysant la construction du morceau, on perçoit un changement toutes les huits mesures, voire parfois un break complet. Le danseur ne sait plus se caler », commente le spécialiste. « La musique représente l’état d’esprit du mouvement : irrégulière et humaine. » Le jeune homme continue sa présentation avec plusieurs morceaux raves avant de lancer le long-métrage. Des New Age Travellers aux Spiral Tribe, le public est dans le bain.

Le public s’ouvre à la culture UK
Installée près du port industriel brestois, la salle de la Carène ouvre ses portes. Il est 22 h. La première nuit du Bunker palace démarre avec. Aussi fascinant que son dernier album Portrait With Firewood, le Dj set de l’Anglais surprend et attire quelques fans. « Je n’ai jamais vu autant de monde se rendre aussi tôt à une soirée brestoise », s’étonne Gildas, l’organisateur. Si l’artiste britannique a déjà mis les pieds à Saint-Malo en tant que touriste, c’est bel et bien la première fois qu’il joue en Bretagne. Ce dernier a d’ailleurs récemment remarqué, cette année, une augmentation des demandes de booking pour la France. Ses productions expérimentales oscillant entre IDM et Jungle plaisent. C’est un fait. « De plus en plus de gens acceptent les changements de tempos dans les sets. Le public s’ouvre musicalement », estime Djrum en sortant de scène. « La culture UK est très forte. Et ça se ressent en France. Je pense notamment aux sorties du label Brothers From Different Mothers. »
D’une musique inaudible à un genre élitiste
Si ces influences d’Outre-Manche ont pu contaminer Lyon, elles sont aussi allées jusque Toulouse. Originaire de la ville rose, Miley Serious a été très inspirée par la culture british durant son adolescence. Celle qui, petite, ne comprenait rien à la « musique inaudible » que son grand-frère écoutait dans sa chambre, place désormais la drum & bass, le UK garage et la jungle au rang de « genres élitistes ».
« Ce n’est pas atteignable par tous. Il faut écouter beaucoup de musiques électroniques avant d’en arriver là. », estime-t-elle. Flattée par l’invitation brestoise, l’ancienne claviériste d’Olympic a écumé les bars et salles de concert de Bretagne avec son groupe de post-punk. Le public breton, elle le connaît… « Ce line-up est une réelle prise de risque. Les gens sont couillus d’avoir acheté leurs places. C’est un vrai cabinet de curiosité », estime la Dj française.

L’éducation d’un public
De son côté, même s’il a l’habitude de se partager la scène avec ces artistes, Low Jack, programmé le samedi, salue également l’initiative. « La Bretagne a toujours été une terre pour les sons un peu durs. Puis, cela correspond à mes goûts personnels, forcément je trouve ça mortel. », explique le Dj originaire de Saint-Malo.
Dans une Suite, pleine à craquer, le fondateur d’Éditions Gravats passe des paroles aux actes dans la nuit de samedi à dimanche. La fumée s’échappe des têtes brestoises qui s’entassent dans le club. Ce qui peut sûrement expliquer pourquoi l’alarme incendie se déclenche à 4 h 20 et coupe le set de Low Jack en plein élan. « La coupure m’a enlevé la pression. Quand le son est revenu, ça m’a décomplexé et je suis reparti avec un gros DJ Pinch. », confie le Malouin. « Avec Simo Cell, il y a quelques années, on essayait de passer certains disques dubstep voire dancehall. Ce n’était pas bien perçu. Aujourd’hui, ça n’est plus le cas. Il faut casser le tempo. Les gens en ont marre. Ils veulent que ça change. »
Ça tombe bien, car c’est aussi la volonté d’un festival comme Astropolis d’amener son public en terre inconnue. « Nous nous devons aussi d’éduquer le public. Il faut de l’inattendu sinon on risque d’user cette scène », prévient Gildas Rioualen. « Il ne faut pas fabriquer des boîtes à danser. Ce n’est pas ce pourquoi je me suis battu. Bien au contraire. »