Björk dénonce les préjugés sexistes dans l’industrie musicale

Écrit par Lucien Rieul
Photo de couverture : ©Santiago Felipe
Le 03.01.2017, à 13h59
04 MIN LI-
RE
©Santiago Felipe
Écrit par Lucien Rieul
Photo de couverture : ©Santiago Felipe
Suite aux réactions mitigées suscitées par son DJ set au festival Day for Night à Houston, Texas, en décembre dernier, l’artiste Björk s’est fendue d’un post sur les réseaux sociaux pour dénoncer les préjugés sexistes de l’industrie musicale.

On savait Björk engagée en faveur du climat ; elle ne l’est pas moins lorsqu’il s’agit de dénoncer les inégalités homme-femme dans le milieu de la musique.

Son dernier coup de gueule date du 21 décembre dernier, quelques jours après sa performance au festival Day for Night à Houston, où elle était programmée aux côtés d’Aphex Twin, Oneohtrix Point Never et Mykki Blanco.

Les festivaliers pouvaient y arpenter l’exposition Björk Digital (présentée en octobre à Montréal en collaboration avec Red Bull Music Academy), et s’immerger dans les clips en VR créés pour son dernier album Vulnicura, où l’on peut voir l’Islandaise se transformer en sorcière des mers ou interagir avec un vagin géant.

Björk – Notget VR Teaser

Le point culminant de l’exposition devait être un DJ set de Björk sur la Blue Stage du festival, mais les réactions du public et des médias furent contrastées. Le journal local Houston Press félicite “son usage de la musique traditionnelle combinée à des sons naturels et à des codas longs et réflexifs [qui] crée une expérience puissante pour ceux qui étaient prêts et désireux de la vivre. […] Björk Digital a prouvé que le pouvoir réflexif de l’art, de la lumière et du son peut être bien plus puissant que des beats hype surtravaillés.”

Culturemap Houston, lui, décerne pourtant la palme duBiggest WTF ?” du festival, tandis qu’un journaliste d’Earmilk, qui se dit par ailleurs conquis par les œuvres en VR, décrit une scèneentièrement obstruée par de faux arbres en plastique, avec l’artiste elle-même à peine visible et jamais entendue durant tout un set dénué d’inspiration. C’était le genre de bass music ennuyeuse que l’on s’attend à entendre en fond entre deux sets. Il rapporte aussi les réactions mitigées de plusieurs festivaliers.

bjork day for night
© Brooklyn Vegan



Des critiques négatives qui ont poussé Björk à monter au créneau. “Je suis consciente que cela fait moins d’un an que j’ai commencé à mixer en public, et c’est une chose à laquelle je suis encore en train de m’habituer. […] Mais certains médias n’arrivent pas à comprendre que je n’étais pas en train de “faire semblant” et de me “cacher” derrière les platines, alors qu’ils n’ont pas de problème quand il s’agit de mes homologues masculins. Et je pense que ça, c’est du sexisme.“, écrit-elle sur Facebook et Instagram.


Les femmes dans la musique ont le droit d’écrire et de chanter à propos de leurs petits amis. Si elles changent de sujet pour parler d’atomes, de galaxies, d’activisme, si elles produisent leurs beats comme des geeks ou si elles font quoi que ce soit d’autre que d’être des artistes qui chantent à propos de leurs êtres aimés, elles sont critiquées. Les journalistes ont l’impression qu’il manque quelque chose… Comme si nous ne pouvions parler que de nos émotions.

Dans une interview accordée à Pitchfork en 2015, l’artiste islandaise se désolait qu’il ait fallu qu’elle sorte Vulnicura, où elle exposait ses peines de cœur, pour être entièrement acceptée par les médias, tandis que de précédents albums, plus abstraits, n’avaient pas eu le même écho. Un constat personnel et probablement pas partagé de tous – en 2012, Rolling Stone listait l’album Post (1995) dans ses 500 meilleurs albums de tous les temps.

Les hommes ont le droit de changer de sujet, de faire de la science-fiction, d’écrire des essais, de faire de l’humour burlesque, d’être des nerds qui font de la sculpture sonore, mais pas les femmes“, poursuit-elle. Un sentiment qui rejoint celui de la DJ française Chloé, qui nous confiait dans une interview de 2016 que la presse musicale est souvent “dans un schéma hyper classique, old school, et qui se [dit] qu’une fille doit faire ci et un garçon doit faire ça.

Björk s’était déjà indignée lorsque Matmos avait été crédité pour la production de Vespertine (2001), alors que le groupe n’avait contribué qu’à l’ajout de percussions durant les deux dernières semaines de production d’un album sur lequel l’artiste travaillait depuis trois ans. Björk explique dans son interview à Pitchfork que Matmos corrigeait cette attribution dans chacune de ses interviews, mais que les médias ne les écoutaient pas.

Je sais que le changement arrive, nous sommes en plein dedans, positive Björk. J’espère que l’année prochaine, bien que j’aie eu le courage de partager avec vous un sujet féminin classique, la rupture amoureuse, je pourrai changer de costume et sortir de ce rôle.

Faisons de 2017 l’année où nous amenons cette transformation au bout!!!

!!! Le droit à la diversité pour toutes les femmes !!!

Et pour ce que ça vaut, on peut quand même légitimement s’étonner que Björk ait été jugée plus WTF que l’Autrichien Anklepants, avec son kilt à clochettes et son masque tout droit sorti d’un remake de Alf par David Cronenberg. Repéré par Reddit l’année dernière pour avoir délivré la pire de toutes les Boiler Room, il était lui aussi programmé au Day for Night.

Anklepants @ Day for Night 2016

Newsletter

Les actus à ne pas manquer toutes les semaines dans votre boîte mail

article suivant