Benjamin Abel Meirhaeghe, le théâtre du nouveau monde ?

Écrit par Partenariats Trax
Le 12.04.2023, à 09h17
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Écrit par Partenariats Trax

A la Villette, le metteur en scène, jeune prodige flamand Benjamin Abel Meirhaeghe, présente au public français ses deux pièces musicales et perfomatives Madrigals et A Revue. L’occasion de découvrir ses mises en scène hybrides, entre opéra et cabaret, musique classique et électro qui traversent le temps et les esthétiques. Portrait de cet “outsider” branché qui réinvente le répertoire classique, façon queer et utopiste.

Au Tandem à Douai, on annonce un Opéra. Pourtant Madrigals, d’après Monteverdi, réinventé par Benjamin Abel Meirhaeghe tranche avec l’ambiance guindée des scènes lyriques. Dans le bar du théâtre, devant l’affiche qui donne un aperçu de l’esthétique futuriste du spectacle, on aperçoit le grand bonhomme au visage poupon affable, oreilles serties de petits anneaux. Le Flamand fait sans aucun doute partie du top des metteurs en scène les plus branchés du moment, avec quatre spectacles au compteur et une intervention remarquée pour l’ouverture de la fashion week berlinoise en 2021. Sorti des méandres des programmations reportées du COVID, le chouchou de la scène flamande débarque pour la première fois en France pour dévoiler Madrigals et A Revue. Deux spectacles qui étonnent par leur esthétique hors du temps, qui mélange les genres, à la fois lyriques, musicaux, performatifs et visuels.

Du haut de ses 27 ans, ce natif de Eine (au Sud de Gand), à l’aura de star a bien conscience d’avoir été érigé au rang de prodige : “Je suis très heureux d’être à l’endroit où je suis. Comme d’autres artistes qui ont moins de trente ans, on attend beaucoup de nous ! Mais je ne suis pas non plus le Messie qui va miraculeusement ramener les jeunes dans les théâtres ! ” répond, avec un brin d’autodérision, l’artiste à la gueule d’ange. 

Contre-ténor autodidacte, Benjamin Abel Meirhaeghe, a trouvé sa voix jeune, loin de l’enseignement classique… en imitant la sirène d’alarme de son école :  “En grandissant, je n’ai ni été formé à la musique classique ni au chant. Je ne viens pas du tout d’une famille d’artistes, quand j’étais ado je me rappelle osciller en permanence entre des références élitistes que je découvrais et la réalité dont je venais. Mon travail se situe à cette charnière de non-virtuosité et d’ouverture, pour permettre au plus grand nombre de se connecter à mon travail. Être un “outsider” m’octroie une forme de liberté vis-à-vis de cette culture ! “, ajoute-t-il. Pas sans aucune formation toutefois, il suit des études supérieures à l’École d’art Ottogracht de Gand et l’Académie de théâtre de Maastricht, dont il est diplômé en 2018 avec la performance The Ballet créée avec la danseuse Emiel Vandenberghe.

En 2020, il étonne l’Opéra Ballet de Flandre avec A Revue, un cabaret de science-fiction naviguant entre musiques électro et classique. Cette pièce nous projette en 4020, où treize performeurs d’univers différents incarnent un peuple d’aliens du futur qui découvrent le répertoire classique. Cette mise en scène reflète sa relation ambigue à la tradition classique, entre amour, détournement et critique. Il explique : “ Ma relation avec ces matériaux est double : Ils m’inspirent énormément et en même temps je déteste les imaginaires qu’ils charrient, tout comme la manière statique de performer des interprètes, que j’envie par ailleurs pour leur technique. Je n’ai pas envie de juger ce répertoire, mais comment le raviver ? Comment les amener vers le futur ? Comment vivre sur une ruine ?”, détaille le metteur en scène.

Dans le cabaret futuriste A Revue (2020), il nous plonge en 4020, avec treize performeurs d’univers différents. Le peuple alien du futur découvre le répertoire classique qu’il met en scène pourrait être le miroir de son rapport à la tradition classique, entre amour, détournement et critique. Il explique : “ Ma relation avec ces matériaux est double : Ils m’inspirent énormément et en même temps je déteste les imaginaires qu’ils charrient, tout comme la manière statique de performer des interprètes, que j’envie par ailleurs pour leur technique. Je n’ai pas envie de juger ce répertoire, mais comment le raviver ? Comment les amener vers le futur ? Comment vivre sur une ruine ?”, détaille le metteur en scène.

Le théâtre comme machine à remonter temps, voilà le credo du flamand. Il nous en offre une nouvelle preuve avec Magrigals (2022), sa réinvention du huitième recueil de madrigaux de Montverdi. Huit performeurs et performeuses nus chantent autour d’un feu, dans l’ambiance sonore brumeuse de Karel Marynissen et Bart Celis. Ils nous embarquent dans un monde à part entre grâce divine et clubbing, où résonnent les harmonies vocales et la pulsations des corps gracieux, virevoltant ou attachés en shibari.
Cette communauté, impossible à rattacher à une époque, navigue devant un public étonné, entre souvenirs de la grotte de Lascaux et du carnaval de Venise, imaginé des scénographes Zaza Dupont et Bart van Merode : “J’aime bien faire des parallèles étranges entre plusieurs choses, qui ne sont pas avérés, mais qui permettent de nous connecter à des imaginaires utopiques,” précise Meirhaeghe. A travers sa pluridisciplinarité, riches de collaborations multiples avec des artistes d’horizons variés (parfois recrutés sur Instagram) Benjamin Abel Meirhaeghe imagine un futur possible pour le théâtre. Un théâtre queer, pop et érange, qui nait du collectif et compte bien construire de nouvelles formes, même sur un champ de ruines.


Madrigals 
Les 14 et 15 avril à La Villette.
A Revue 
Du 28 au 30 juin à La Villette.

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