Après s’être emparé de l’idyllique château de Holsbeek lors de ses dernières éditions, le Horst Arts & Music Festival se tiendra cette année dans un ancien site militaire abritant une vingtaine d’entrepôts près de Bruxelles. Du 13 au 16 septembre prochain, les musiques électroniques y seront mises à l’honneur. Entre la techno berlinoise d’Objekt et de Marcel Dettmann, l’acid tribale du parisien Bambounou et la deep house de John Talabot, aucun risque de s’ennuyer. Mais la spécificité du festival est ailleurs : une programmation non-musicale alliant art contemporain, performance, arts visuels, architecture et stage design – l’art de créer des scènes possédant une valeur artistiques en elle-mêmes. Discussion avec Evelyn Simons, curatrice de Fallen empires and refound desires, la partie arts visuels de Horst Arts & Music.
Quelle est la ligne directrice de cette année en ce qui concerne la programmation non-musicale ?
Cette année, nous avons eu envie d’immerger le public dans une atmosphère à la fois romantique et optimiste à partir d’un scénario post-apocalyptique. En regardant la culture rave des années 80 et 90, où faire la fête s’apparentait à un acte politique de résilience et de résistance face à la récession et la polarisation sociale, nous avons décidé d’y faire écho par une célébration ultime de la vie ! Au milieu du malaise actuel, nous avons choisi de travailler avec des artistes critiques, mais qui ne se laissent pas paralyser par le status quo. Ils ont créé in situ des interventions artistiques qui visent à insuffler de la puissance, apaiser, faire réfléchir et donner de l’espoir. Beaucoup tirent leurs inspirations de mythes folkloriques, de contes, superstitions, mais aussi la botanique ou la poésie de la vie quotidienne.
Avez-vous des coups de cœur particulier en son sein ?
Pour être honnête (et non pour être diplomate), ça a été un plaisir de travailler avec chacun de ces artistes. C’était incroyable de voir comment chacun imaginait son travail sur le terrain d’une manière complémentaire avec celui des autres. Le moment où l’on commence à poser les premières pierres, en tant que curateur, puis les voir prendre vie, et se connecter les unes aux autres… Des superbes créatures de la série Erratics de Lito Kattou – nichées dans les ruines du jardin intérieur d’un immeuble effondré – à la façon troublante dont Els, Aiden, Carolus et d’autres sculptures de Caroline Mesquita sont à l’œuvre dans la salle des machines abandonnées ; jusqu’à la subtilité des blocs de marbre de Maarten Van Roy’s, tout cela fait écho à cette beauté transcendante si caractéristique de cet ancien terrain militaire envahi par la nature.
« Notre génération se prépare à une fin proche. De l’écosystème, du capitalisme, d’une démocratie illusoire, de l’éthique ? » Voilà comment le site internet du festival décrit les expositions. Avez-vous un exemple de travail artistique programmé représentant particulièrement cette idée ?
Ils le font tous, à leur manière, en ne sombrant pas dans le nihilisme et en continuant à créer. À partager leur énergie. Je pense à l’installation Jewels, de Benni Bosseto, qui invite le spectateur à prendre contact avec des talismans en terre cuite dispersé partout dans la pièce. Chacun d’eux possède une fonction rituelle : “augmenter le désir de chercher la vérité”, “soigner l’anxiété”, “se sentir confiant” etc. Lié dans l’espace par des chaines et des boucles en métal, ils ornent la pièce de bijoux tout en insufflant de la force à chaque personne franchissant l’eau pour les atteindre. The Way Earthly Things Are Going, d’Emeka Ogboh, me vient aussi en tête. Intégré à une tour aéroréfrigérante désactivée, elle évoque la douloureuse indifférence de notre économie vis-à-vis des désirs humains. Mais en même temps, les lamentations apportées par l’orchestre polyphonique grec suintent l’émancipation, et résonnent à travers votre corps, ne laissant personne intact. Enfin, la scène gérée par l’atelier Fala fait directement écho aux anciens baraquement militaires, mais en adaptant ses dimensions et son atmosphère pour créer un lieu confortable et sûr, dont le public est invité à se servir à sa guise.
Pourquoi est-ce important pour vous, au-delà des show musicaux, de travailler si profondément le stage design ?
Car cela nous permet de réfléchir et d’expérimenter à partir des dynamiques sociales à l’œuvre sur le dancefloor. De travailler de façon trans-disciplinaire, de sonder des questions abstraites sur l’architecture, et plus important encore : cela nous permet de créer des expériences immersives et uniques, où les conditionnements habituels du clubber lambda se trouvent mis en question.
Quelle est votre scène préférée cette année ?
Mis à part Ceiling for a Crater, que Tomas Dirrix a installé dans un ancien bassin de navire pétrolier ; et Feathers (la scène de Fala mentionnée ci-dessus, ndlr), il y en a deux que je souhaiterais mentionner. Le dancefloor-artwork de Philip Jannsen, qui retourne à une vision 70’s du clubbing où les gens interagissent au lieu de s’émerveiller devant le DJ ; et la scène de Brandlhuber+, qui sera notre première scène intérieure.
A-t-il été difficile de combiner ces installations avec les engagements environnementaux du festival ?
Bien entendu, en termes d’environnement, c’est toujours mieux de ne pas consommer, de ne pas faire d’évènements, et encore moins d’œuvres d’art in situ etc. Mais on peut faire son possible pour, au moins, être le moins invasif possible. Nous cherchons les options les plus soutenables durant tout le processus de production des scènes et des œuvres et essayons, dans la mesure du possible, de recycler ce que nous pouvons. Nous proposons de la nourriture végétarienne aux bénévoles, à l’équipe et aux festivaliers pendant tout le festival, utilisons des écocups… Par ailleurs, nous essayons de persuader au maximum les participants de faire du covoiturage et d’éviter l’avion ou de conduire seul tout en faisant en sorte que Horst reste accessible en transport public et en vélo. Notre but est avant tout de créer une communauté et de faire se rencontrer les gens. Cela implique toujours, malheureusement, de réserver des avions. Quelque chose contre lequel nous espérons être mieux armés à l’avenir, en anticipant notre programme plus tôt et en convainquant les invités de venir par d’autres moyens de transport.
Toutes les informations concernant le Horsts Arts & Music Festival sont à retrouver sur leur page Facebook ou sur le site de l’événement.