Après une année avortée par la pandémie, puis une édition minimaliste en format réduit, le Sónar Festival était enfin de retour dans toute sa grandeur habituelle du jeudi 16 au samedi 18 juin 2022. Le monument barcelonais – qui fêtera l’an prochain ses 30 ans – a démontré son savoir-faire en mettant sur pied une édition brillante, rassemblant une centaine d’artistes sur un line up particulièrement paritaire et équilibré, et plus de 120 000 festivalier·ère·s sur ses deux gigantesques sites en plein cœur de la ville.
L’un des plus grand dancefloors du monde aura cette année accueilli certaines icônes de la club musique internationale actuelle, comme Richie Hawtin, Charlotte de Witte, Eric Prydz, Reinier Zonneveld, Helena Hauff, Jennifer Cardini, Jayda G, Kiddy Smile, DJ Marcelle, Agoria, Skee Mask, Joy Orbison ou encore Octo Octa & Eris Drew… Mais le Sónar Festival aura également vu le retour sur scène de certains héros comme The Blaze, Moderat ou The Chemical Brothers, mais aussi les grands noms et les étoiles montantes de la scène hispanique comme C. Tangana, Nathy Peluso, Morad, Ms Nina, Simona, Juicy Bae, Yugen Kala, Chico Blanco…
Concerts, DJ sets, lives audiovisuels, installations, expo de réalité augmentée, conférences… Ces trois jours et deux nuits bien chargées (et c’est sans compter sur les afters monumentaux du redoutable OFFSónar), s’inscrivent ainsi comme les composantes de l’un des festivals les plus réussis de cet été 2022. Parmi tout cela, voici les performances particulièrement inoubliables qui auront marqué la rédaction de Trax.
Jeudi mystique 🔮
Sega Bodega

Dans la chaleur de salle, et derrière les voiles de coton composant un set design à la fois minimaliste et envoûtant, il était difficile de discerner l’ange du démon chez le producteur et chanteur irlandais Sega Bodega. Passant en revue son répertoire, allant piocher dans les tracks issus de son album le plus récent Romeo en passant par l’excellent Salvador comme en puisant dans les hymnes de son EP self*care, le membre de l’écurie NUXXE – dont on retrouvait également la rarissime COUCOU CHLOE quelques instants plus tard, sur une autre scène du Sónar de Día – a livré jeudi après-midi un concert tout en contraste : puissant et léger, attendrissant et euphorisant, brûlant et rafraîchissant.
Eartheater
Beaucoup attendaient la performance de la multi-instrumentiste, compositrice et chanteuse Eartheater au Sónar Festival. Nous aussi. Et pour cause, depuis la sortie de son quatrième album en octobre 2020, l’Américaine ne cesse d’envoûter tout le monde avec une musique à la fois violente et tendre, sorte de folk électronique glitchée et ésotérique. En fin d’après-midi, le public se bousculait pour entrer dans le théâtre climatisé (hourra !) du SonarComplex. Alexandra Drewchin y donnait, quelques instants plus tard, une performance hypnotisante, délivrant tantôt ses chansons sur des productions survoltées aux basses souterraines, tantôt des moments d’émotions avec une guitare et un rai de lumière comme seuls artifices pour accompagner sa voix angélique. Parenthèse enchantée dans la chaleur du festival barcelonais.
Vendredi émotion ✨
Lyra Pramuk

Exactement 24h après sa consœur Eartheater, c’est la productrice et chanteuse Lyra Pramuk qui prenait possession de la scène du SònarComplex pour un concert à couper le souffle. Elle y présentait Echoluminscence, son nouveau spectacle à l’éclairage et la scénographie spécialement pensés pour l’occasion. Quelque part entre les productions de Björk et d’Arthur Russel, Lyra Pramuk mêle le chant classique à la culture techno. Délicate, elle déambule pieds nus sur la scène enfumée, et invoque sa voix à la tessiture époustouflante pour la faire tourner dans des boucles de son qui s’accumulent les unes aux autres, tissant et détissant à l’infini une matière ambient organique et futuriste. De ce presque-vacarme émane toutefois une grâce essentielle et contrastée, une légèreté maximaliste qui nous fascine et nous porte encore longtemps après.
C. Tangana

C’était sans doute l’un des shows les plus attendus de l’édition 2022 du Sònar Festival. Star incontestée du rap espagnol, le madrilène C. Tangana fait brillamment le pont entre les codes de la scène hip-hop et les traditions musicales hispaniques. Dans sa musique, comme sur son dernier album studio El Madrileño (classé en tête des ventes et des streamings à peine 24 heures après sa sortie), trap, R&B, autotune et pulsations électroniques flirtent avec le flamenco, la salsa, la bachata ou le reggaeton, et invitent certains héros comme José Féliciano, les Gypsy Kings, ou encore Eliades Ochoa. Sur scène, l’ex-compagnon de Rosalía a déroulé devant des milliers de fans déchainés un show spectaculaire, évoluant au sein d’un set design inspiré de l’esprit de son fameux concert Tiny Desk. Des tables dressées, des tapas et du vin, et des musiciens attablés, guitares sur les genoux, concédaient à la scène une atmosphère à la fois intimiste et grandiose.
Samedi explosif 💥
Vegyn
Ses apparitions scéniques se font rares, surtout en Europe. Il était donc hors de question de passer à côté du DJ set de Vegyn sur la scène du SonarPark le samedi après-midi. Boss du label PLZ Make It Ruins, collaborateur du grand Frank Ocean comme des nouvelles étoiles de la scène londonienne (John Glacier, George Riley, Jeshi, Duval Timothy…), le producteur britannique est derrière une tonne de projets tous plus cools et frais les uns que les autres. Seul, l’artiste produit une musique électronique unique, entre beats hip-hop et dance music, infusée de field recording et de référence à des jeux vidéo. Si samedi, le set de Vegyn ne comportait aucune de ses propres productions, l’artiste proposait plutôt un grand mash-up de bangers d’été house, disco et hip-hop. Une selecta joyeuse, espiègle, et même drôle par moment, révélant un facette plus détendue et enjouée du producteur, d’ordinaire assez discret, qui semblait sincèrement s’amuser derrière les platines. Une énergie communicative qui aura conquis son public, rayon de soleil dans l’humidité de ce samedi après-midi.
Arca
Déjà conviée en 2017, puis en 2019, Arca était de retour au Sónar Festival ce samedi 18 juin 2022, performant sur l’une des grandes scènes du site des nuits. Vêtue d’un corset aux allures de gladiateur futuriste, la chanteuse et productrice vénézuélienne, largement considérée comme l’une des figures les plus avant-gardistes de la musique électronique, a mis le feu aux poudres. Tantôt derrière les platines, tantôt sur le devant de la scène, agitant ses longs cheveux comme son derrière face au public, Arca a régalé sa cohorte de fans extatiques en performant certains tracks de sa série d’albums KiCk avec une présence scénique et une énergie incomparables. Reggaeton glitché, rap puissant et expérimentations électroniques, son son identifiable entre mille aura résonné dans les étoiles barcelonaises une heure durant, et dans la tête de son public pour toujours.