Pour sa 5ème édition, qui s’est déroulé du 23 au 25 août, le DGTL a lié conscience écologique, décor industriel et techno pure et dure dans une ambiance de fête à la catalane. Marquant la fin de l’été depuis maintenant 5 ans à Barcelone, ce festival de 30 000 âmes est devenu une référence en matière de musique électronique. Et offre, grâce à sa localisation, une expérience artistique unique.
Paula Temple sur un nuage à 145 BPM, Jeff Mills épaulé par sa TR-909 légendaire et Ross From Friends à la pointe de la lofi house breakée… Le tout dans le décor industriel du Parc del Fòrum, un espace bétonné de 84 000 m2. Fait de métal et de béton, il offre le cadre idéal pour un évènement techno. À deux pas d’un panneau photovoltaïque géant alimentant une grande partie du festival et à quelques centaines de mètres des 3 cheminées géantes d’une usine désaffectée, le DGTL donne aussi vue sur la mer. Combiné aux scénographies minimalistes de ses 4 scènes, le tout donne l’impression d’un mash-up entre Blade Runner et Mad Max. Mis à part ce superbe décor, Trax a choisi 5 points qui ont fait du DGTL 2019 une réussite.
1. Le set de Seth Troxler, Tiga et Dubfire

Dès les premières minutes du festival, les enceintes de la scène Generator crachent le feu par le biais d’Anetha tandis qu’une partie du public se perd dans la fumée de l’installation tubulaire Todülar, conçue par le studio audiovisuel Palnoise. En s’aventurant plus loin dans le festival, on tombe sur la scène Amp et son gigantesque écran suspendu. Anna y fait déjà planer un air de soirée warehouse alors que, plus loin, 3 légendes descendent de leurs berlines noires et arrivent au DJ booth.
Seth Troxler, Tiga et Dubfire ont eu un peu de peine à rentrer dans leur set, tiraillés entre rolling techno, future garage et big room. Mais après 20 minutes, les 3 DJ’s arrivent se coordonner sous l’impulsion de Seth Troxler, qui dirige le set vers une techno joviale et fluide. S’ensuivent 4 heures de mix aux airs de grand tour d’horizon du genre, avec quelques sursauts étonnant. “Superstyling”, de Groove Armada, et le mémorable final sur le classique “Windows Lickers” d’Aphex Twin, pour ne citer qu’eux.
« Les b2b sont vraiment des voyages, l’important et de suivre la track d’avant. Et surtout de mettre de côté son ego. C’est un équilibre délicat », explique Tiga après le marathon. « On savait qu’on allait se lancer un défi en jouant ensemble, c’est tout le but du b2b. L’idée est venue de Seth qui jouait avant, et qui nous a proposé de faire un set tous les 3 », ajoute Dubfire. « On s’apprécie et, puisque on est souvent en tournée, c’est rare d’avoir l’opportunité de jouer ensemble, c’était donc cool de pouvoir faire ça », conclue Seth Troxler.
2. Le live d’Octo Octa avec les danseurs Koutana et Helden

Plus loin dans le festival, une autre scène se concentre sur fait de plus groovy : Lil Louis et sa house new yorkaise, Jeremy Underground et ses tubes ultra-funky, DJ Harvey et sa disco 80 et, cerise sur le gateau, le hip hop jazzy de Mr Scruff.
Mais le set le plus mémorable aura sans doute été selui d’Octo Octa, le vendredi soir. À peine arrivée sur scène, la DJ américaine chauffe le public par des batteries breakées sur fond de lignes de synthés oniriques. Alors que, le visage caché par une masse de cheveux, la productrice continue cette odyssée rythmique, un étrange danseur au masque de chair sans orifices rappelant étrangement le Dr Zoidberg de Futurama se hisse sur scène pour observer la scène. Peu après, Loïc Koutana, danseur français basé à Sao Paulo et évoluant aux côtés du groupe queer Teto Preto le rejoint, drapé de rouge à la manière d’un moine. Et se met à haranguer la foule, se frappant le torse en libérant un halo de poudre blanche à chacun de ses mouvement. Comme dans les vieux films de kung fu. Pendant qu’Octo Octa ponctue Fleeting Moments of Freedom de backspin ultra groovy, les deux danseurs rentrent dans une transe communicative qui ne s’arrêtera qu’à la fin du concert. Mémorable.

3. L’installation Cyclo

Perdue entre les scènes Modular et Amp trône la plus fat expérience du festival, l’installation Cyclo. Sous des centaines de LED disposées sur une structure en forme de chapiteau, des dizaines de festivaliers s’allongent, les yeux rivés sur une source de lumière formant tantôt des spirales, tantôt des cercles, tantôt des lignes aux galbes étranges. Sonorisée à 360°, la musique y évoque un futur cataclysmique et accompagne les mouvements lumineux : une expérience audiovisuelle particulièrement immersive.
4. Le set de Larry Heard, Fatima et Paul Cut

Sur la scène Modular, et sa scénographie à base d’échafaudage ayant vu s’enchainer les sets techniques de Barnt, Roman Flügel, Recondite ou encore Marcus Worgull, le set de Larry Heard aka Mr Fingers, Paul Cut et la chanteuse Fatima marque les esprits. Le pionnier de la house de Chicago a fait honneur à son titre en délivrant un set aux sommets du registre soulful. Suivant les envolées lyriques de Fatima, les corps se déhanchent, les bras tendus vers le ciel. Au milieu d’une scène illuminée de LEDs et d’inscriptions futuristes, cette voix suave amène une forme de sérénité tandis que le reste du trio continue à faire monter la mayonnaise. Enfin, Paul Cut augmente le tempo et trouve son rythme de croisière sur des bases Detroit techno solidement maîtrisées.
5. Un festival écolo

L’un des points forts du festival est, depuis ses débuts, son action écologique. Fonctionnant uniquement grâce au courant de la ville, le DGTL n’utilise aucun groupe électrogène. Mis à part les désormais classiques toilettes sèches, on notera avec bonheur la bonne idée d’imprimer le timetable sur les écocups et d’interdire les bouteilles en plastique. Sur le plan de la nourriture, la plupart des stands s’abstiennent de proposer de la viande. Pizza, pâtes, burgers et même hot-dogs sont proposés en version végétarienne. Il est amusant d’observer ceux qui, durant la journée, expriment leur scepticisme sur les steaks de soja, croquer avec appétit dans un hot-dog veggie à 3h du matin.
De manière globale, le DGTL 2019 a été une ode à la fête moderne, sublimée par un environnement futuriste et urbain. Malgré une parité annoncée et mise en avant, on peut toutefois déplorer que la majorité des femmes à l’affiche ont été programmées en début de soirée. Mais au-delà de ce léger écueil, Barcelone a fait honneur à sa réputation de capitale de la fête en instaurant une ambiance bon enfant. Le public n’était là que pour deux choses : taper du pied et faire des découvertes. Et en redemande jusqu’au moment où, pour le final du dernier set du festival, Acid Pauli drope le morceau “The Model” de Kraftwerk. Refusant que la grande messe se termine, des centaines de festivaliers restent alors accrochés aux barrières. La liesse, à l’état pur.