Entré en vigueur le 1er octobre dernier, le nouveau décret sur la limitation des volumes sonores dans les clubs et salles de concert a provoqué un tollé chez les professionnels du secteur –artistes comme gérants d’établissements. Alors qu’une pétition a été lancée début décembre par les professionnels du spectacle, représentés par Agi-Son –une association de défense de l’écoute et de la pratique musicale–, ces derniers et le collectif Culture Bar Bars, regroupant près de 500 lieux dont des cafés-concerts, expliquent aujourd’hui dans Libération pour quelles raisons ce nouveau texte ne pourra techniquement pas être appliqué sur le terrain.
Au premier rang des difficultés rencontrées par les organisateurs : le calcul des basses fréquences –limitées aujourd’hui à 118 dB(C) alors qu’elles n’étaient pas prises en compte avant– qui se heurte aux variations de configurations des salles et à la diffusion particulière du son pour les festivals en plein air. « Mesurer des basses fréquences, qui forment des creux et des vagues tous les trois mètres dans un lieu, c’est une plaie », explique au journal Arnaud Peslin, un ingénieur du son.
Concernant les dB(A), les décibels « se rapprochant le plus de notre perception auditive », la nouvelle limitation les fait passer d’une valeur de 105 à 102, impliquant une autre aberration pour le technicien : « dans un club, une batterie dépasse la limite légale sans même être amplifiée ».
Outre ces considérations techniques, la mise en application de ces normes sous-tend un problème financier, les établissements devant désormais s’équiper d’un nouveau matériel de mesures, mais aussi « prévoir la création de “zones de repos auditif” » et enregistrer leurs concerts à l’aide de « mouchards qui serviront en cas de plainte ».
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Pour justifier ces nouvelles mesures, le corps médical souligne l’impact réel des niveaux sonores observés en club et salle de concert. « On observe une exposition préoccupante, notamment chez les jeunes, à des niveaux moyens entre 95 et 110 dB(A), et de plus en plus à des basses fréquences. Or les effets sanitaires sont avérés au-dessus de 80 dB(A) et ils sont suspectés pour les basses fréquences », explique Laurent Madec, membre au Haut Conseil de la santé publique. Interrogé par Libération, Jean-Luc Puel, un chercheur de l’Inserm ayant mené une étude sur de jeunes DJ’s montpelliérains, ajoute : « On observe des surdités sur les graves qu’on ne voyait pas auparavant, à cause de l’augmentation des basses fréquences. Beaucoup d’artistes souffrant d’acouphènes viennent nous voir en disant : “Faites quelque chose.” Mais on ne peut rien ! ».
Si la plupart s’accorde à dire que la prévention des risques est une bonne chose, cet « argument santé » est également pointé du doigt par les professionnels du secteur musical. Celui-ci ne tiendrait pas non plus compte des réalités du terrain, selon Agi-Son qui précise que les Français ne consomment que « deux ou trois concerts par an ». « Le spectacle vivant est sacrifié alors qu’il est le secteur qui a le plus investi dans la prévention », ajoutent pour leur défense les adhérents de l’association.
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Les professionnels rappellent également le manque de considération du facteur artistique de la part des autorités. « La limitation des dB(C) remet en cause les esthétiques les plus chargées en basses : dub, electro, hip-hop… On pousse les salles à l’autocensure. », confient des adhérents d’Agi-Son.
Le nouveau décret avait déjà suscité la colère des professionnels, notamment des DJ’s réputés comme Laurent Garnier et Jeff Mills, avant même sa mise en place. La pétition lancée par Agi-Son, qui a déjà récolté plus de 3500 signatures sur les 5000 prévues, est à retrouver ici.