Par Brice Miclet
Avec The xx, Oliver Sim a touché les cimes de la pop contemporaine. Il a, sans le savoir peut-être, créé un monstre bienveillant, une structure si solide et importante qu’il en est devenu un peu dépendant. Alors, son premier album solo, Hideous Bastard, paru après près de quinze années de carrière, sonne comme un exutoire. Désormais, Oliver Sim peut s’exprimer seul et sereinement. Enfin, presque seul : Jamie xx, son collaborateur et ami de toujours, assure la production de ce disque brut et plein de désirs. « J’ai travaillé avec d’autres producteurs, précise le chanteur. Mais je suis extrêmement chanceux d’avoir comme meilleur ami l’un des plus grands producteurs au monde. Personne d’autre n’aurait pu m’apporter ce niveau de confiance et de sécurité. Je me serai sûrement moins dévoilé. »
Pour sûr, Oliver Sim se dévoile. Sur Hideous Bastard, il évoque sans détour les sentiments de honte qu’il l’on poursuivi toute sa vie, lui, artiste gay propulsé en pleine lumière avant ses 20 ans, et qui vient de dévoiler publiquement sa séropositivité. Il l’a fait en musique, sur le single “Hideous”, paru en éclaireur. Puis en vidéo avec le court-métrage également intitulé Hideous, réalisé par Yann Gonzalez, et qui accompagne la sortie de l’album. Ça n’est pas rien. « Je n’enjoins pas tout le monde à parler de son état de santé, il n’y a pas besoin de le rendre public comme je l’ai fait. Mais j’encourage les gens à en parler à des personnes avec qui elles se sentent en sécurité. » Si cette déclaration poignante sert presque d’introduction à l’album, elle se dissipe vite dans la belle sobriété et la subtilité des autres titres.
Car voilà le cœur de Hideous Bastard : Oliver Sim se rêve en crooner. Pas ceux des années 1950, franchement clichés. Plutôt les chanteurs aux costards pâles des années 1980 qui mettaient de la reverb dans leurs voix, qui magnaient déjà les machines et les synthétiseurs au milieu des instruments acoustiques à cordes. « J’adore David Byrne (notamment chanteur des Talking Heads, ndlr), continue Oliver Sim. Sa façon de porter des costumes beaucoup trop grands pour lui, cette impression que sa tête est trop petite pour son corps, ça m’a marqué. Il avait un côté cartoon. Et puis, mes parents écoutaient beaucoup David Bowie, Roxy Music ou Bryan Ferry. » On entend ces influences sur Hideous Bastard. On entend les pianos pénétrants sur le titre “Confident Man”, les boîtes à rythmes sans far sur “Unreliable Narrator” ou les enchevêtrements de chœurs servant de support à la voix transperçante d’Oliver Sim sur “Run The Credits”. Au milieu des monstres, de la peur et de la honte, le chanteur trace un chemin fait de lumière et de volupté.