Par Brice Miclet
Il y a quelques semaines, le Primavera Sound de Barcelone invitait Two Shell à se produire pour une Boiler Room qui a franchement fait jaser. Et pour cause : le duo anglais, vêtu de collants faciaux et de coiffes improbables, se produisait visages masqués et faisait semblant de jouer un mix en fait préenregistré. N’y voyez pas là de la fainéantise ou un manque de savoir-faire. L’idée est presque proche du happening, à tel point que certains internautes se sont demandés s’il s’agissait réellement des deux membres de la formation derrière les platines. Si ces derniers ont envoyé deux potes faire les zouaves à leur place, comme le rappeur MF Doom ou les Daft Punk pouvaient le faire en leurs temps, alors ils s’inscrivent dans une certaine continuité. Leur nouvel EP, l’excellent Icons, en est la preuve.
Découverts en 2019, les Two Shell sont arrivés les deux pieds décollés dans la bass music anglaise grâce à une irrésistible envie de s’inspirer des sonorités nineties tout en les vidant de leur face house. Icons est un enchevêtrement de titres complexes, très maîtrisés, prouvant que leur technique de composition est franchement aiguisée et qu’ils ne sont pas en tête de gondole des musiques électroniques britanniques pour rien. Tous filtres dehors, les voici qui bastonnent des voix bioniques, glitchées, des incantations numériques rappelant, parfois, celles du jeu Wipeout Fusion. Le côté cynique et malsain en plus.
Au fil des productions, le son de Two Shell s’illumine. Il est désormais fait de grooves et de rythmiques massives, à l’instar du titre “Dust”. Si le duo y va de son succès, c’est certes parce qu’il est adoubé par Four Tet ou Ross From Friends, mais aussi parce qu’il est taillé pour les grandes messes électroniques, les communions musicales qui reprennent après la pandémie. Cet EP est en adéquation avec l’envie d’en découdre sur le dancefloor qui anime nombre de noctambules et de mélomanes actuellement. Two Shell semble prêt à les faire bondir et à les sortir de leur torpeur forcée.
Des premières productions du groupe, Icons a conservé ses influences hyperpop, ce côté lumineux et optimistes. Comme sur le titre “Memory” et ses superpositions d’idées, de voix et de textures. Avec ce genre sculpté pour le futur, ils partagent un goût pour les émotions effrénées, même s’ils semblent ralentir ici le rythme pour mettre en avant les mélodies, les nappes profondes. Le dernier morceau de ce superbe projet, “Mainframe”, est fondu dans les délires breakés, dans les synthétiseurs eighties, prouvant que si Two Shell incarne à merveille la complexité du son anglais actuel, ils savent aussi se référer à leurs racines. Et se positionner comme l’une des incarnations musicales de leur génération.