Pendant longtemps, Sabrina Bellaouel a été de celles qui donnent. Des refrains, de l’inspiration, et de l’âme, notamment à la musique des autres. Figure discrète mais omniprésente sur la scène rap et R&B parisienne des années 2010, la chanteuse originaire de Bagneux apparaissait ici et là sur des morceaux pour les autres, leur laissant au détour de quelques bribes de chants un peu de son talent, pour emmener leurs morceaux encore plus loin. On pense évidemment à son travail avec le label Grande Ville Records, notamment avec le groupe The Hop, mais aussi à ses apparitions sur des morceaux de rappeurs français comme Jazzy Bazz (“Rouler la Nuit”, “Minuit”), Chanje (“4 A.M”) ou Ichon, qu’elle accompagnera considérablement dans sa transition du rap vers le chant, au point qu’il lui dédiera sur son premier album un morceau intitulé “Sabichon”. Aujourd’hui il était pourtant temps pour Sabrina Bellaouel de faire autre chose : recevoir. Des honneurs autant que de la reconnaissance, après des années de travail dans l’ombre.
Un coup chanteuse R&B (Illusions, 2017), un autre productrice techno (“We don’t need to be enemies”, 2020) ou même rappeuse (“Arab Liquor” 2020), la chanteuse et productrice n’aura jamais cessé au fil des années de brouiller les pistes sur son profil. Au point de ne jamais faire – délibérément – de choix établi en matière de genres musicaux. À l’écoute de Al Hadr, il faut croire que Sabrina Bellaouel a décidé pour son premier album de rester elle-même, sans réfléchir à aucune barrière. À la fois disque de R&B aérien (“Period Point Blank”) d’électro urgent (“Trust”) de rock lancinant (“Goodbye” avec Bonnie Banane) ou même de rap Three Six Mafiesque le temps d’un excellent morceau conviant le son de Memphis (“Legit”), Al Hadr concentre finalement en à peine 41 minutes la richesse que l’on pouvait entrevoir dans les quelques morceaux publiés par la productrice ces dernières années.
Un coup chanteuse R&B, un autre productrice techno ou même rappeuse, Sabrina Bellaouel n’aura jamais cessé au fil des années de brouiller les pistes sur son profil.
Sans renier son goût pour les expérimentations d’antan, Bellaouel trouve sur son premier album un juste milieu entre sonorités faciles d’accès et recherche musicale, notamment en arrière-plan de ses morceaux où voix pitchées et samplées (“Eclipse”) habillent sa musique pour mieux faire passer son message. Car derrière la musicalité évidente de Al Hadr se cache une autre histoire : celle d’une quête d’amour dans sa forme la plus pure, en anglais, en français, et en arabe, pour les autres mais aussi pour soi. À l’image de la phrase introductive de “Kesh”, poème écrit par Bellaouel et récité par la DJ Crystallmess : “This is the preach of someone who’s learned to love themselves yesterday”. Comme une grande déclaration d’amour, Al Hadr plonge l’auditeur dans les nombreux sentiments de Bellaouel. Une artiste qui semble aujourd’hui avoir véritablement trouvé sa voie : celle de faire ce qu’elle veut, comme elle veut, quand elle veut.
- Crédit : Nina Meziani©