La 9ème édition d’hiver du festival Astropolis se déroulait du 11 au 16 février dernier à Brest. En 25 ans d’existence, l’aîné des festivals électroniques français est devenu un acteur culturel majeur dans le paysage breton. Sa programmation solide met en avant des figures historiques des musiques électroniques comme DJ Pierre, des headliners actuels comme Folamour, et des projets artistiques pointus comme Parrish Smith ou Clara ! y Maoupa. Mais la maturité du festival réside aussi dans son fervent soutien aux artistes locaux et émergents et dans le déploiement de nombreuses actions culturelles de découverte musicale.
Des actions dans Brest : l’initiation aux cultures électroniques
Au fil des années, Astropolis a mis en place, avec l’aide de partenaires institutionnels et associatifs, différents programmes de découverte culturelle et musicale en amont et pendant le festival. Parmi eux, des dispositifs destinés aux personnes en situation de handicap : ateliers vidéo, VJing, mix, découverte des musiques électroniques et création d’instruments pour les patients psychiatriques de l’hôpital de Bohars ou les résidents du foyer Menez Roual. Ces actions ont ensuite donné lieu le 12 février à l’événement Vive la fête, au cours duquel certains patients se sont produits en live dans des décors construits par d’autres patients. Lowrence, du haut de sa cinquantaine d’années, a ainsi réalisé son tout premier DJ set, dans lequel elle mêlait aussi bien des morceaux de Ben Klock que de David Guetta.

Avec son partenaire historique La Carène, superbe salle brestoise ouverte en 2007 et pour laquelle Astropolis a ardemment milité, le festival tend aussi la main aux raveurs de demain en déployant des activités pour le jeune public. La semaine du festival, un Cool Bus se déplace de quartier en quartier et propose chaque jour des ateliers. Cette année, le local Monolithe Noir a initié des enfants et adolescents aux synthés modulaires. Amis de longue date du festival, les artistes Vincent Malassis et Blutch ont poursuivi le projet District Sampling, initié en 2018, qui consiste à composer avec des collégiens à partir de sons enregistrés dans leur environnement, par exemple au port de Brest. Le samedi, rendez-vous était donné aux 6-12 ans pour une Astroboum au Vauban, salle de concert mythique de Brest. Cette année, en plus des animations (maquillage, déguisement, sérigraphie, etc.), Théo Muller en déguisement de Pacman se chargeait de faire danser les bambins.

L’initiation aux cultures électroniques se complète le week-end par des masterclass à destination de jeunes musiciens et impliquant des artistes du festival. Blutch fait découvrir Ableton, VÏSÜ le VJing, Maoupa Mazzocchetti décrypte son set up hardware et son processus de production, Vanadis animait une initiation au mix réservée aux femmes. Cette dernière initiative s’inscrivait dans un focus sur la question féministe mis en place cette année. Pour la deuxième année consécutive, Pauline Durillon proposait le samedi un stage d’autodéfense réservé aux femmes, personnes trans et non binaires. De plus, le jeudi une grande table ronde sur la question des agressions sexistes en milieu festif a réuni de nombreux acteurs de la vie culturelle et associative, ainsi que des institutions pour réfléchir au développement d’outils visant à faire des lieux de fête des espaces sûrs et inclusifs.
Lives à Passerelle : une vitrine de la scène bretonne
Depuis le lancement de l’édition hivernale du festival en 2012, le centre d’art contemporain Passerelle s’est constitué en village du festival, soulignant des affinités esthétiques entre arts contemporains et musiques électroniques, en même temps que la dynamique collaborative qui réunit les acteurs culturels locaux. C’est l’occasion d’inviter les Brestois et autres technotouristes à découvrir gratuitement les expositions temporaires de Passerelle après s’être plongés dans les bacs des disquaires et labels indépendants présents pour le vinyl market, ou avoir arpentés les stands de créateurs locaux. Cette année, la conférence dansée de la Parisienne Ari de B (“Décoloniser le dancefloor”), qu’elle donnait dans le patio de Passerelle, entrait en résonnance avec l’exposition consacrée à l’œuvre de la Brésilienne Luiz Roque, entre danse et vidéo.
Dès le vendredi après-midi, la musique s’empare du patio de Passerelle, et pas n’importe laquelle. Réunissant les acharnés du festival, les mélomanes et, bien souvent, des professionnels de la musique ou des artistes en herbe, la programmation musicale y est un espace de liberté mettant en avant des artistes émergents bretons aux projets pointus.
Ainsi, Vincent Malassis a présenté en live une carte postale du Maroc réalisée dans le cadre du projet District Sampling, qu’il a pu exporter dans cinq villes marocaines grâce à l’Institut français. Mentionnons également le spectacle loufoque et féérique d’Antoine Garrec et Zoé Dubus, entre chant éthéré, synthétiseurs rêveurs, VJing immersif, décors mobiles et totems africains.
Le soir venu, l’heure est au cocktail, la rumeur des discussions s’élève, la contemplation rêveuse laisse peu à peu la place aux pas de danse sur des rythmes house. Le samedi, après un closing eurohouse, le jeune Anglais DJ Streaks reçoit les acclamations d’un public fin prêt à aller danser toute la nuit.
La Suite de Dôme : l’accompagnement des artistes émergents
Tous les ans, l’édition d’hiver d’Astropolis propose le samedi une soirée à La Suite en parallèle de celle se déroulant à La Carène. Cette année, le club brestois était investi par une cohorte d’anciens gagnants du tremplin Astropolis, réunis sous l’entité Dôme.
Depuis 2003, le festival brestois défend le rayonnement des jeunes artistes du grand Ouest en réunissant une quinzaine de projets artistiques sur les scènes de son édition d’été. Les gagnants de ce tremplin sont sélectionnés parmi une moyenne de 200 à 300 participants, tous styles confondus. Sont passés par là des artistes reconnus tels Fakear, Superpoze, Simo Cell ou Blutch, qui a depuis continué son aventure dans la famille Astropolis en leur confiant son booking et en participant à leur label. Son dernier EP, La Cité des étoiles, hommage à Astropolis, est d’ailleurs sorti aujourd’hui.
En 2019, Astropolis décide de faire un pas de plus dans l’accompagnement des lauréats du tremplin. D’où cette idée de créer l’entité Dôme, nom de la scène tremplin pendant les éditions d’été du festival. L’objectif est de constituer un réseau durable pour que ces jeunes artistes continuent de profiter de la visibilité du festival.
Dans cette optique, une page Facebook Dôme a été créée pour mettre en avant les actualités des anciens gagnants. Elle relaie aussi des soirées organisées dans différents clubs de l’Ouest qui doivent permettre aux membres de Dôme de jouer plus régulièrement, et surtout de rencontrer des promoteurs et d’autres artistes du réseau. Après une première soirée au Warehouse le 27 décembre 2019, avec Animal Holocaust, Jean Terechkova et Moody, Bre.tone et Organic Frequencies joueront au 6PAR4 à Laval le 29 février prochain.
Un quart de siècle après sa première rave party, Astropolis se serait-il assagi ? En tout cas, la cité des étoiles remplit aujourd’hui une mission importante de transmission en faisant découvrir les grands noms du passé électronique au public technophile d’aujourd’hui, et en accompagnant les jeunes artistes qui seront la scène de demain.